5. Mauvais souvenir

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_ Un croissant et un jus d'orange s'il vous plait demandais-je à la jeune caissière en face de moi.

Prendre mon petit déjeuner dans cette boulangerie à quelques rues de l'université est devenu un véritable rituel depuis quelques temps. J'ai peut-être déménagé mais ma mère continue de me harceler de mes messages pour me forcer à rentrer et Nate se pointe devant ma fac ou m'attend après le psy pour tenter de se rapprocher. Alors ce petit déjeuner est un moment de répit dans la journée, sans avoir mes proches sur le dos. Il me permet aussi de fuir mon appartement pour ne pas risquer de croiser Vincenzo sortant de la douche ou buvant son café dans la cuisine avec les cheveux en bataille. Même lorsqu'il n'est pas habillé avec style il arrive tout de même à me faire rougir et ses petites attentions quotidiennes n'aident pas à le chasser de mes pensées.

Je récupère ma commande et adresse un dernier sourire à la caissière avant de rejoindre une petite table isolée au fond de la salle. D'où je suis, j'ai une vue parfaite sur toute la pièce et cela a un côté rassurant pour moi, j'ai du mal encore à me sentir à l'aise dans une foule quand je ne peux pas voir tout ce qu'il se passe autour de moi. Le tintement de la cloche de la porte d'entrée me ramène à la réalité mais quand je vois qui s'approche de moi, j'aimerais pouvoir prendre mes jambes à mon cou et m'enfuir loin d'ici. Nate est vêtu d'un jogging et d'un tee shirt simple et à ses joues rouges, j'en déduis facilement qu'il revient de son footing matinal. Il est la dernière personne que j'ai envie de croiser actuellement mais décidément malgré mon refus de l'épouser, il est toujours accroché à ma cheville tel un boulet comme si cela pouvait me faire changer d'avis un jour.

_ Ton mère m'a dit que je te trouverais ici m'annonce Nate en s'asseyant sur la chaise en face de moi. Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu te réveilles si tôt le matin juste pour un jus d'orange.

C'est dommage j'aimais bien ce petit café, mais puisque ma cachette s'ébruite il va falloir que je m'en trouve une nouvelle.

_ J'aime bien passer par là le matin dis-je simplement en haussant les épaules, c'est relaxant quand on est encore à moitié endormi.

_ Je vois. Tu tiens toujours le coup avec les cours ? Tu sais que ce ne serait pas une honte si tu décidais de t'arrêter maintenant, on comprendrait on ne veut que ton bien.

La colère brule dans mes veines mais je garde un masque impassible sur le visage et retient l'insulte que j'ai sur le bout de la langue. Choisir de retourner à la fac est la meilleure décision que j'ai prise ces deniers mois même si personne n'est pour. Mes proches n'arrivent pas à comprendre que si je ne déborde pas de paroles avec eux c'est tout un passé qui ne me correspond plus. J'ai changé, en bien ou en mal je ne sais pas, mais dans un cas comme dans l'autre on ne peut rien y faire et ils ne sont pas capables de l'accepter.

_ Ecoute j'adorerais débattre de tout cela avec toi mais il faut que j'aille en cours.

J'attrape donc à la vite mon sac et sort du café comme si j'avais le feu aux fesses. L'université ne se trouve pas bien loin et je suis ravie de pouvoir marcher un peu avant de m'y rendre, le temps de m'éclaircir les idées. Nate a un don pour toujours me rendre grognon. Heureusement pour moi la journée se passe sans problèmes et je me sens pleinement vivante lorsque je quitte la fac le soir. Je suis contente de voir que personne ne m'attend à la sortie, le regard paniqué, pour tenter de me ramener chez moi et je décide de faire le trajet à pieds jusqu'à l'appartement. Les écouteurs dans les oreilles, je laisse mon esprit vagabonder à sa guise, faisant peu attention aux passants qui m'entourent mais lorsque j'ai l'impression d'être suivie et qu'un frisson me parcourt l'échine, je deviens soudainement nerveuse. Cette anxiété c'est une sensation que j'ai suffisamment connue au Mexique pour avoir le cœur qui bat à mille à l'heure. Je tourne sur moi-même dans l'espoir de déterminer qui pourrait être entrain de me suivre mais je ne distingue aucune personne suspecte. Je tente de me calmer et me répète inlassablement que je suis en sécurité, que plus personne ne veut ma mort aujourd'hui mais ce sont surement des traumatismes que je garderais à vie. Je fais le reste du chemin, le cœur battant, la musique éteinte dans mes écouteurs et lorsque j'arrive au bout de ma rue, je me dis que j'ai simplement rêvé. Mais l'ombre qui apparait quelques pas en face de moi manque de me faire m'évanouir et ma respiration se bloque.

Mexico T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant