4. Un café s'il vous plait

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Après ma première semaine en tant que serveuse, une question s'impose : la terre penche-t-elle ou suis-je irrémédiablement maladroite ? Ce fut une catastrophe, j'ai vu mes plats d'avantage au sol que sur les tables et j'ai failli transformer le restaurant en piscine lorsque j'ai fait tomber tout un plateau rempli de boissons. Maintenant je comprends pourquoi toutes les annonces cherchaient des personnes qualifiées avec une forte expérience parce qu'à ce rythme là je risque de ruiner le business de Vincenzo. Mais il a été bienveillant comme tout le reste de l'équipe et ils m'ont encouragée à chaque fois.

Grâce à leurs nombreux conseils et à un week end entier à m'entrainer à porter tous un tas d'objets en équilibre, je dois dire que ce début de semaine commence bien mieux que le précédent. Je n'ai encore rien fait tomber depuis le début de la soirée et je ne me suis trompée dans aucune commande. J'ai encore du mal à ne pas confondre les tables avec le nombre de commandes que je dois défiler mais j'essaye d'enregistrer une anecdote mémo-technique par table pour éviter de me mélanger les pinceaux. Par exemple pour la table 3 j'ai noté que c'était la commande avec le risotto aux champignons pour l'homme à la grande moustache digne d'Hercule Poirot. Ou encore que les spaghettis bolognaises doivent rejoindre les amoureux qui font remake de la belle et le clochard du coup. Je ne suis pas sure que cette méthode soit très professionnelle mais au moins ça évite les gaffes.

Vient l'heure de ma pause et je me réfugie derrière le bar pour me servir un coca. Vincenzo est entrain de préparer plusieurs cocktails mais il me jette un coup d'œil et me fait un grand sourire.

_ Alors pas trop dur ? T'es sure que tu bosses ce soir ou tu te caches dans la réserve ? Parce que je n'ai pas encore entendu ton plateau tomber au sol s'exclame-t-il d'un air malicieux pour se moquer de moi.

_ Ah ah ah très bonne blague, je m'étouffe de rire répondis-je en lui tirant la langue. Tu as devant toi une réelle professionnelle maintenant et tu n'entendras plus de vaisselles se briser sous ma garde.

Il ne parait pas du tout convaincu mais n'ajoute rien et fini de préparer sa commande. La salle est pleine ce soir, l'ambiance est chaleureuse et une douce mélodie flotte dans l'air sans être trop forte pour déranger les conversations. Une bougie a été allumée sur chaque table et leur lumière danse sur les murs, presque de façon hypnotique. Je me dirige vers le lavabo pour rincer mon verre mais mon pied se prend dans une caisse et je perds l'équilibre. Je m'attends à m'étaler au sol comme une crêpe mais des bras puissants m'encerclent et me rattrapent avant de m'être écroulé. Mon regard s'accroche à celui de Vincenzo et mon cœur loupe un battement de nous voir si proches. Il me tient fermement et m'aide à me redresser sans me lâcher pour autant une fois sur mes deux pieds.

_ Tu as parlé trop vite bella mia me murmure-t-il avec un sourire en coin. Tu resteras toujours la reine de la maladresse ajoute-t-il en glissant derrière mon oreille une mèche de cheveux qui s'est échappée de ma queue de cheval.

Son toucher est délicat et je frissonne légèrement. Ses yeux noisettes me paraissent plus sombres qu'à l'accoutumée mais je rejette la faute sur la luminosité de la pièce. Il est rare que nous soyons si proches, je sentirai presque son cœur battre contre sa poitrine et j'ai peur que sa main chaude contre ma hanche n'y laisse une trace. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi, chacun essayant de sonder l'autre mais notre petite bulle fini par éclater lorsqu'un des serveurs nous interrompt avec une nouvelle commande pour Vincenzo. Je me décale, mal à l'aise d'avoir été surprise par un collègue en si mauvaise posture avec le patron, et repars à mon poste sans rajouter un mot. J'ai les joues en feu ce qui me donne l'impression d'être une collégienne en chaleur qui réagit au moindre contact masculin. Je suis sure que même au collège, je n'étais pas aussi niaise. C'est vrai que jusqu'ici j'étais tellement enfoncée dans mes problèmes que j'avais totalement écartée la possibilité de nouer de nouvelles relations intimes. Entre Nate qui m'a dégouté plus qu'autre chose et Rodriguez qui m'a laissée tomber sans même un regard en arrière, on ne peut pas vraiment dire que je suis très douée dans ce domaine. Mais même sans penser à eux, ma vie était dans un tel bazar que cela ne me traversait même pas l'esprit. Mon cœur était brisé, Rodriguez a assassiné sans merci les papillons que j'avais dans le ventre et je ne voyais pas comment je pourrais me relever de ça. Mais le temps a passé et il faut accepter l'inévitable, le Mexique est une période de ma vie révolue et il faut tourner la page. Je ne vais pas passer le reste de ma vie à me morfondre sur quelque chose qui n'existe pas. Après tout, c'était quelque chose de minime, une passion dévorante mais qui était vouée à s'éteindre rapidement.

Néanmoins je ne peux pas me permettre de craquer pour le premier homme qui passe. J'ai retenu la leçon avec Rodriguez, la passion ne mène à rien, cette flamme brulante qui nous donne l'impression d'être vivante est surtout un leurre qui nous mène à notre perte. Je me suis brûlée les ailes et je ne compte pas recommencer. Alors je ne me laisserai pas distraire par mon bel italien à l'accent suave. Vincenzo est un ami précieux et cela restera ainsi. Et l'ayant déjà vu à l'œuvre avec de jolies clientes, c'est un charmeur né, il ne faut donc pas se laisser berner par sa galanterie ou ses belles paroles qui ne sont que des choses banales pour lui.

Pourtant, les jours suivants les cours me paraissent longs. Je dois avouer que j'ai la tête ailleurs. Mon esprit s'intéresse d'avantage à mon colocataire qu'à mon prof qui bégaye depuis une heure. Pourtant ce n'est pas faute d'essayer de me le sortir de l'esprit en pensant à n'importe quoi d'autres mais c'est un échec. Je n'en ai pas parlé avec ma psy, elle a déjà du mal à accepter l'idée que je sois partie de chez moi alors si je ne veux pas finir au couvent jusqu'à la fin de ma vie, il vaut mieux que je reste sur le droit chemin. Je me répète que ce sont des pulsions purement physiques car il ne s'est rien passé de croustillant dans ma vie depuis un an mais ça ne reste pas moins difficile de les ignorer lorsque notre colocataire est aussi tactile. A croire que notre étreinte au restaurant à éveiller en lui de nouvelles habitudes puisqu'il a commencé à me prendre plus souvent dans ses bras, à me baiser la main lorsqu'il quitte l'appartement, à m'embrasser sur le front en rentrant du travail ou à m'embêter en me chatouillant ce qui n'était pas dans son habitude avant cela.

Et je ne suis pas au bout de mes peines lorsqu'en rentrant des cours, je retrouve Vincenzo à moitié nu dans la cuisine. Ma bouche forme un joli o mais rien n'en sort, je ne résiste pas à la tentation de faire glisser mon regard le long de son corps et je dois dire que c'est encore mieux que dans mon imagination. Vu son apparence j'en déduis qu'il vient de sortir de la douche. Il a les cheveux mouillées, des petites gouttes perlent encore sur son torse comme si c'était fait exprès pour mettre en valeur ses abdos saillants. Ce n'est pas une armoire à glace, son corps est sec mais il est bien galbé et ses tatouages rajoutent un petit quelque chose. La serviette qu'il a noué autour de sa taille cache à peine le v taillé dans la pierre de son bas ventre et je ne peux que déglutir en m'imaginant le reste qui se cache sous sa serviette. Les joues en feu, je finis par détourner rapidement le regard, mal à l'aise et me concentre sur un point invisible derrière lui.

_ Merde... je suis désolée, je suis en retard pour aller au taff et je voulais me faire un café avant de partir s'exclame-t-il, visiblement mal à l'aise lui aussi.

_ Ça ne fait rien, soufflais-je en m'avançant vers un des placards de la cuisine, je voulais juste récupérer les tartine et la confiture.

Il sort de la cuisine rapidement et je peux enfin respirer normalement. Je m'appuie sur la pointe des pieds pour récupérer mon gouter dans le placard mais avec le bruit de la cafetière, je n'entends pas Vincenzo revenir dans la pièce. C'est seulement quand je sens son torse contre mon dos et que je vois son bras tenté de récupérer sa tasse que mon cœur loupe un battement et que ma respiration se bloque. Il le sent mais ne fait pas de commentaires là-dessus, se concentrant simplement sur son geste

_ Scusa bella mia , je veux juste récupérer mon café me murmure-t-il en se collant un peu plus à moi pour tendre le bras.

Son souffle chaud me chatouille la nuque et je suis parcourue par un frisson de la tête aux pieds. Je ferme les yeux, les secondes ont l'air de s'éterniser et je suis obligée de me répéter mentalement de penser à inspirer et expirer correctement. Pourquoi faut-il que j'ai mis un simple tee shirt et non pas 3 épaisseurs de sweat ? Avec l'humidité, nos corps se collent et je sens le moindre de ses mouvements, le contour de ses muscles et je prie pour tenir assez longtemps sur la pointe des pieds sinon je n'ose imaginer ce que je pourrais sentir sous sa serviette. Heureusement pour ma santé mentale, Vincenzo fini par récupérer sa tasse et quitte la pièce sans un mot. Je reste interdite un moment, cherchant une explication à tout ce qu'il vient de se passer mais il vaut mieux effacer ces images de ma mémoire et oublier cet instant. Tel une enfant prise en flagrant délit, je m'enfuis avec mes tartines dans ma chambre et m'y enferme jusqu'à ce que j'entende la porte claquer. Je suis bien contente de ne pas travailler ce soir et m'installe confortablement dans mon lit pour regarder un film et penser à autre chose. 

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Hello tout le monde ! Et voilà la suite, j'espère qu'elle vous plaira. 

Petit rapprochement entre Eli et Vincenzo, qu'en pensez vous ? 

Bisous, Callie.

Mexico T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant