Chapitre 29 - Doutes

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Il a commencé à pleuvoir au milieu de la nuit, à grosses gouttes printanières résonnant sur la tôle du van, et il pleut toujours au petit matin lorsqu'une voiture noire arrive avec deux hommes à son bord : le transport d'Olga. Une angoisse sourde, que je n'avais pas anticipée, se diffuse dans mon esprit. Ça y est, elle va partir loin de moi, je ne pourrai plus rien faire pour elle à part continuer de placer ma confiance en Andreï. Je repousse encore une fois la voix de ma conscience qui répète en boucle que je ferais mieux de rester auprès d'elle. Cette décision est la bonne, c'est moi qui l'ai voulue, qui l'ai exigée, même. Andreï est le seul à pouvoir la protéger.

Je conduis le van jusqu'à la maison d'Andreï, juste à côté de la voiture noire. Olga paraît, abritée sous un parapluie, toujours aussi apprêtée que si elle se rendait à un rendez-vous galant, ses talons aiguille de la veille crissant sur les gravillons de la cour. Je ne crois pas l'avoir déjà vue sans maquillage. Andreï sort également, sans se soucier de la pluie drue qui aplatit ses cheveux blonds, serrant la main de ses hommes, puis la mienne et celle de Greg. Je lui déconseille de me demander si j'ai passé une bonne nuit, il ne le fait pas.

Magda s'avance pour tenir la portière à Olga mais je suis plus rapide qu'elle. Tandis qu'Olga s'installe sur la banquette arrière entre ses deux gardes du corps, j'en profite pour lui redire mes recommandations :

- Si tu as le moindre problème, appelle-moi.

- Bien sûr, Jack, ne t'inquiète pas, me répond-elle avec un sourire plus serein que la veille. Tout ira bien.

Sans lâcher la portière, je me tourne vers Andreï pour m'enquérir de son état d'esprit.

- Tout ira bien, répète-t-il sur le ton de l'évidence en levant ses paumes de main.

Je recule pour laisser rouler la voiture. De toute manière, rien ne suffirait à me rassurer, je ne serai tranquille que lorsque je saurai tout danger définitivement écarté d'elle.

Andreï me salue d'un simple signe de tête et je repars avec le Trappeur.

Je n'ai pas vraiment les idées à cela, mais si je dois faire équipe avec Greg au lieu de Spyke pour prendre d'assaut la villa de Nikolaï, il faut qu'on s'entraîne ensemble. J'ai besoin de savoir ce que je peux attendre de lui, notamment sur le versant tactique. Nous devons aussi élaborer un fonctionnement commun et les rôles de chacun, en accord les uns avec les autres.

Toute la journée, je nous lance tous les trois dans différents scénarios d'attaque et de défense, malgré le crachin venteux qui continue de se déverser sur la forêt. Greg a une approche pragmatique et réaliste des différentes actions, et une bonne estimation des risques. Ce sont plutôt les capacités d'observation et la rapidité de réaction qui lui font défaut.

J'ai déjà eu beaucoup d'occasions de mener des opérations conjointes avec Katia, alors je connais bien ses points forts et ses points faibles. Elle est une ombre parmi les ombres, le genre d'assaillant dont on ignore totalement la présence jusqu'à ce qu'il nous ait tranché la gorge. Mais le travail en équipe et l'adaptation tactique en fonction de la situation ne sont pas ses compétences de prédilection.

Elle nous bat à plates coutures sur mon scénario d'embuscade, alors que j'avais pourtant pris la précaution de l'opposer seule face à nous deux. Lorsque c'était son tour de nous barrer la route, nous nous sommes fait piéger malgré ce que je sais d'elle. Et lorsque c'était notre rôle de l'intercepter, elle a traversé la zone sans que nous ayons réussi à la localiser. D'ailleurs, je me demande toujours comment elle a fait, l'unique explication qu'elle ait bien voulu nous donner étant : « Il faut écouter les oiseaux, pas la pluie. Ce n'est pas parce qu'ils ne chantent pas qu'ils ne sont pas là. » Devant mon regard déboussolé, et Greg qui tapote sa tempe comme si elle était un peu folle, elle clarifie tout de même légèrement :

Pour un peu d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant