Chapitre 4 - Un choix ?

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Spyke, Yohan et moi fixons tous les trois la porte qui résonne sous l'effet de la vive sortie royale, ravis d'avoir fait fuir Sydney. Yohan pose un billet sur la table :

- Bon, puisque moi je ne suis pas encore grillé, quelqu'un veut à boire ?

J'accepte volontiers l'invitation de Yohan et la discussion continue, surtout entre Spyke et moi. Je vois dans la proposition d'Andreï Tourgueniev une chance inattendue de trouver l'argent que j'ai promis à Sydney et de relancer ainsi la machine avec mon nom écrit en gros dessus. Spyke est également enthousiaste, ce n'est pas difficile, il est convaincu depuis l'instant où Andreï a prononcé le mot « armé ». Mais Yohan jette un froid sur notre plan :

- Ce sera sans moi, les gars.

- Pourquoi ? s'étonne Spyke qui n'a rien vu venir.

Sa réaction ne me surprend pas vraiment, sa réserve face à Andreï et Miguel la laissait présager. J'encaisse silencieusement son choix, mais au fond, je le prends comme un coup dur. Il n'est peut-être pas aussi efficace que Spyke sur le terrain, mais il nous apporte souvent le recul qui me manque, et la réflexion qui fait défaut à Spyke.

- Parce que je n'ai rien à faire là-bas, lui répond Yohan. Les combats à mener sont ici. Il y a suffisamment à faire à Faucon sans aller se battre pour quelqu'un que je ne connais pas. Et d'ailleurs, toi aussi tu devrais rester. Tu as une famille, maintenant, c'est ce qui devrait compter en premier pour toi.

Son refus me touche personnellement, et le fait qu'il prenne Spyke à partie me déplaît. Spyke va choisir de m'accompagner, quoi qu'il dise, parce que l'addiction à l'adrénaline est inscrite dans ses veines. Lui instiller un doute en jouant sur la culpabilité de laisser sa famille n'est pas une chose à faire.

Je note que Yohan n'invoque pas ma propre famille comme un frein à l'opération. D'un côté, je préfère qu'il ne les mêle pas à cela, d'un autre côté, je sais ce qu'il pense. Je sais très bien ce que tous les gens pensent. Ils ne spéculent pas sur la possibilté que ma famille s'autodétruise un jour ou non, mais sur le moment auquel cela se produira.

Ma répartie fuse, un peu brute :

- Tu parles ! Tu flippes parce que tu n'es jamais sorti de l'Union, c'est plutôt ça !

Yohan me répond d'un ton tranquille, en faisant tourner son verre entre ses mains :

- Ou peut-être que je ne veux pas tuer des gens pour du fric.

- Tu dis ça parce que tu en as encore, je lui réplique avec un demi-sourire. Et puis, personne n'a parlé de tuer qui que ce soit.

- Ah bon ? Et tu fais quoi avec des flingues, toi ?

Il me fixe avec un fond de sarcasme dans les yeux. La cicatrice datant de la guerre qui s'étale sur tout le côté gauche de son visage jusque dans le coin de son œil lui donne un regard particulier. Un regard étrangement asymétrique qui me rappelle comme une dette éternelle qu'il avait pris ce coup de couteau pour me libérer des mains ennemies. Il a failli y laisser un œil, il aurait pu y laisser sa vie. Il n'a jamais utilisé ce fait comme un argument contre moi.

- Si vous partez, il faut que l'un de nous reste, insiste-t-il. Vous croyez qu'il leur faudrait combien de temps pour convaincre les gens qu'on abandonne un navire qui coule ? Ça parle déjà énormément dans notre dos. C'est bien beau d'aller tenter sa chance au Ceagrande, mais on risquerait de perdre encore plus ici.

Yohan a raison. Happé par l'envie de revoir la Côte, je n'ai pas réfléchi à cet aspect-là du problème. Qui sait ce que la reine pourrait fomenter en notre absence ? Qui pourrait s'allier ouvertement à elle s'ils ne nous craignent plus ? Dans ce cas, la décision de Yohan devient tactique. C'est typiquement pour cette capacité d'analyse que j'ai besoin de lui.

Pour un peu d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant