Chapitre 14 - Revoir Ludmia

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Spyke et moi quittons le couvert des arbres pour marcher à sa rencontre, Vitaly sur nos talons comme un caniche. Andreï sort du côté passager du véhicule. Il a remplacé sa tenue de ville pour un pantalon treillis de couleur sombre, un simple tshirt noir sous une veste et un passe-montagne replié en bonnet sur sa tête. L'homme d'affaires a disparu, cédant la place au milicien décrit par Tony. C'est Miguel qui conduit, toujours vêtu tout en noir.

- Je dois aller à Ludmia, commence Andreï sans préambule, comme si sa présence ici à cinq heures du matin n'avait rien d'anormal. Mon comptable doit me remettre sans délai des documents très importants. Personne, strictement personne, hormis moi, ne doit mettre la main dessus. Je voudrais une voiture d'escorte pour m'en assurer, tu peux faire ça ?

Les objectifs sont clairs, j'accepte la mission. Mais Vitaly est bien décidé à ne pas rester en arrière :

- Je viens avec vous !

- Il n'y a pas une heure où les mioches dorment ? tacle Spyke.

Se faire une énième fois traiter d'enfant n'est pas du tout du goût du jeune garçon, mais au lieu de répondre à Spyke, il s'en prend à moi, alors que je n'ai même pas encore donné mon avis :

- En fait, tu t'es bien foutu de ma gueule ! Tu m'as emmené avec toi en disant que je fais partie de ton équipe, mais c'était juste pour me faire faire la popote ! Je ne suis pas ta bonniche ! Si tu ne me laisses pas venir avec toi, je me casse !

Andreï, Spyke et Miguel fixent avec perplexité Vitaly en train de s'égosiller de façon puérile. L'envie de lui retourner une gifle pour son impertinence me traverse l'esprit, mais je me retiens. Évitons ce spectacle ridicule.

- D'accord. Prépare-toi et monte dans ma voiture.

Je suis reconnaissant à Spyke de manifester son désaccord par un haussement de sourcils exagéré plutôt que de vive voix. Andreï et Miguel avancent déjà leur quatre-quatre jusqu'à la sortie du terrain pendant que nous nous équipons rapidement. Vêtements sombres, casquette noire, armes : de la discrétion sans superflu.

Andreï est loin, Vitaly a besoin d'une mise au point. Au moment où il ouvre la portière arrière du pick-up, je l'attrape par le col de son tshirt et le plaque contre la benne :

- Manque-moi encore une seule fois de respect devant Tourgueniev, et je te fais bouffer la poussière !

- Pardon, Jack excuse-moi ! couine-t-il en cachant son visage de peur de prendre un coup.

Il veut que nous le considérions comme un membre du groupe, mais il ne cesse de se comporter en bébé pleurnichard. Je le secoue fermement :

- Tu arrêtes de gémir, et tu obéis à mes ordres, c'est clair ?

Il se ressaisit et me regarde enfin dans les yeux :

- Oui.

Je le pousse sur la banquette et claque la portière derrière lui avant de m'installer au volant.

Je suis Miguel jusqu'à Ludmia en restant à bonne distance pendant toute la route. Le jour n'est pas encore levé, peu de véhicules circulent sur la quatre-voies. Un convoi serré risquerait d'attirer l'attention sur nous.

Je savais que venir à Teneria allait immanquablement me conduire tôt ou tard à Ludmia, toute proche, sur le front de mer. Sur le boulevard principal, de palmiers, qui descend vers le centre-ville, je ne peux pas empêcher le visage d'Olga de s'imposer dans mes pensées. Ses yeux ensorcelants, sa chevelure dansante qui promène son parfum tout autour d'elle, les fossettes sur ses joues lorsqu'elle me sourit. Ai-je vraiment imaginé que je pourrais revenir sur la Côte, et me tenir loin d'elle ?

Pour un peu d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant