Nous nous rapprochons de Teneria, sous un ciel de plus en plus menaçant, mais la pluie printanière refuse de tomber. L'adresse indiquée par Andreï nous mène à quelques kilomètres de la Route 5, dans les plaines du nord-est de la ville, devant une demeure luxueuse. La façade savamment architecturée de bois et de pierres mêlés lui donne une allure de ranch moderne, posé au milieu d'un terrain plat s'étendant à perte de vue. La résidence principale d'Andreï Tourgueniev.
Les murs ne sont pas très hauts, et le portail est ouvert. Il serait tentant de lire un excès de confiance négligent dans ce manque de barrières. Pourtant, derrière cette absence de végétation offrant aux occupants de l'habitation une vue dégagée à trois cent soixante degrés se cache une seule réalité : personne n'entre chez Tourgueniev sans avoir été invité.
Nous nous engageons dans l'allée, jusqu'à garer les pick-ups sur la place circulaire devant l'entrée. La porte de la maison s'ouvre, mais Andreï ne s'est pas donné la peine de venir à notre rencontre. Ce n'est que son bras droit, Miguel Ximeno.
Il nous remercie au nom de son patron d'avoir fait le déplacement, puis, sans explication supplémentaire, il monte dans sa voiture pour nous conduire jusqu'au terrain où nous pourrons nous installer. Sans même descendre de son quatre-quatre, Miguel nous indique simplement les limites de la parcelle qu'ils nous prêtent.
- Cet endroit nous sert de zone d'entraînement, ajoute-t-il. Vous pouvez y rester aussi longtemps que nécessaire.
Le terrain n'est situé qu'à quelques centaines de mètres de la demeure de notre hôte. Il tient surtout là un moyen efficace de nous garder sous sa surveillance.
Je demande à Ximeno, alors qu'il s'apprête déjà à repartir :
- Où est-ce que je peux trouver Andreï ?
Je ne suis pas venu ici pour faire du camping, je veux savoir rapidement ce qu'il attend de nous. Et plus vite la mission sera menée à bien, et plus tôt nous serons payés.
- Il te contactera, me répond-il en commençant à reculer, comme si ma requête n'avait pas la moindre importance.
Je n'ai pas d'autre choix que de prendre mon mal en patience. Je me recentre sur les tâches à accomplir : découvrir cette vaste portion de terre mise à notre disposition, et installer notre campement.
Contrairement à celui de la propriété d'Andreï, le terrain est majoritairement arboré, entrecoupé de clairières plus ou moins grandes, et traversé par un ruisseau. Au bout d'un chemin de terre, le secteur le plus éloigné de la route a été aménagé en stand d'entraînement au tir, avec d'épais panneaux de protection, des caches creusées dans le sol et des postes plus en hauteur.
Nous choisissons une clairière proche de l'entrée et de la petite rivière pour monter nos tentes en un large cercle autour d'un feu de camp, laissant les voitures à l'abri sous les arbres.
Comme l'avait promis Miguel, Andreï nous rend visite dans l'après-midi, avançant son quatre-quatre jusqu'à notre campement. En tenue de ville habituelle, les manches de sa chemise noire retroussées sur ses avant-bras avec décontraction, il en sort pour me saluer d'une poignée de main spontanée. Il est seul. Il constate d'un rapide coup d'œil l'efficacité de notre installation, et le nombre d'hommes que j'ai amenés. Son regard s'arrête une fraction de seconde de plus sur Vitaly, mais il ne dit pas un mot.
- Prends ta voiture, et viens avec moi, me dit-il sur un ton qui n'envisage pas de refus. J'ai un cadeau de bienvenue pour vous.
Spyke m'accompagne, et il nous mène jusqu'à un garage automobile situé dans une zone industrielle de l'arrondissement Est de Teneria. Je reconnais l'un des deux gérants, qu'il appelle par son prénom : Xander. C'est l'homme peu bavard qui était venu à Faucon avec Miguel et lui. Il a toujours la même casquette kaki vissée sur sa tête. Il nous fixe Spyke et moi avec une froideur palpable. Andreï n'y prête aucune attention, il lance une plaisanterie de connivence entre eux à laquelle Xander se force à sourire.
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Pour un peu d'or
AksiLes mirages de la Côte, les atrocités de la mafia, qui hantent à la fois ses cauchemars et ses fantasmes, Jack les a quittés il y a dix-sept ans en fuyant à des milliers de kilomètres. Il s'est établi dans les Terres Sauvages pour y faire fortune pl...