Chapitre 15 - Un peu de théâtre

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Pas le temps de prendre du repos. En nous redéposant à notre campement, Andreï nous a convoqués tous les trois à neuf heures du matin pour discuter des évènements de la nuit.

À l'heure dite, Spyke, Vitaly et moi-même nous présentons donc devant chez lui. C'est Miguel qui nous ouvre, comme chaque fois qu'il est présent dans la maison. Il nous conduit à l'étage, je connais le chemin et je marche à côté de lui. Spyke et Vitaly, qui découvrent les lieux, suivent derrière nous.

Andreï se tient debout devant son bureau, de nouveau en tenue d'homme d'affaires respectable. Miguel referme la porte derrière nous, puis va se placer à sa droite, tandis que nous restons tous les trois face à lui. Comme lorsque j'avais rencontré Angelo Martini, ce placement tacite est toujours le même : des soldats devant leur chef.

- Merci pour votre ponctualité, messieurs, commence-t-il en guise d'accueil. La mission a été menée à bien, et cet imprévu avec la police sera sans conséquences. Mais un échange est nécessaire pour que nous comprenions ce qui s'est passé.

Il pose ses yeux clairs sur chacun d'entre nous, l'un après l'autre, même sur Vitaly qui regarde ses chaussures puis il s'adresse à son bras droit :

- Miguel, ta réaction sur l'incident de cette nuit ?

Je fronce les sourcils en scrutant l'intéressé. Andreï est véritablement le roi de la mise en scène, je ne peux pas croire qu'ils n'en aient pas discuté tous les deux avant de nous recevoir. Il a l'intention de nous faire parler sans que cela ressemble à un interrogatoire, son homme de main a pour rôle de donner le ton. Miguel croise les bras sur sa poitrine, moins à l'aise dans ce simulacre de conversation, mais il joue le jeu. Il fixe son leader droit dans les yeux pour y vérifier la validation de ses paroles en temps réel :

- Ce que je retiens, c'est un amateurisme à toute épreuve. Et heureusement pour nous qu'il y en avait autant dans le camp d'en face. C'était un travail sale, et ce n'est pas dans mes habitudes.

Il ne décroche pas du regard de son chef pour éviter de s'adresser à moi directement, mais je l'ai bien compris : c'est mon entreprise irréfléchie qu'il vise par sa remarque. Andreï, lui, observe mon absence de réaction quelques secondes.

- Je reconnais que ce n'était pas propre, lui répond-il. Mais à ton tour, reconnais qu'on s'en est bien sortis. Et tes talents pour le pilotage n'y sont pas étrangers.

Miguel hoche la tête en un remerciement silencieux.

- As-tu quelque chose à ajouter ?

- Non, Andreï, rien de plus, dit-il formellement en reportant ses yeux sur nous.

La tonalité est posée. Andreï ne nous a pas réunis pour éclaircir la raison de la présence de la police. Ce qu'il veut, c'est nous recadrer selon sa propre façon d'opérer. Et il destine des reproches à chacun d'entre nous. Il s'adresse d'ailleurs à moi :

- Jack, j'aimerais bien savoir ce qui t'est passé par la tête au moment où tu as décidé de foncer sur les flics.

- Franchement, moi aussi ! ironise Spyke

J'essaie de me remettre dans le contexte de cette décision précipitée, mais j'ai du mal à retracer le fil de mes idées à ce moment-là.

- Je ne sais pas, je lui réponds en toute sincérité. Pour vous libérer du piège, il fallait dégager la route.

Andreï valide d'un mouvement de tête.

- Grosse prise de risque, mais efficace. Tu étais chargé de la surveillance de la rue pendant que Miguel et moi étions chez mon comptable. Tu n'as rien vu ?

Pour un peu d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant