Chapitre 9 - Partie 2 : Aube

13 4 3
                                    

TW : Harcèlement, idées noires, TCA

Chapitre 9 : Aube - Partie 2

Neven n'avait pas les moyens de s'acheter un nouveau vélo. Alya ne l'avait pas (encore) abandonné, et elle lui avait proposé de venir le chercher et de le déposer tous les jours.

Même si elle détestait conduire avec quelqu'un, même s'il habitait à l'opposé de chez elle.

Elle avait été la première surprise, mais elle appréciait étrangement la compagnie du brun. Il était toujours calme, il avait toujours l'air détendu avec elle.

Elle l'appréciait. Il l'appréciait.

Il avait commencé à déjeuner avec elle et son groupe de pote. Il était si discret et élancé qu'il passait inaperçu mais Maia l'intégrait toujours aux conversations. Maia était toujours la première à lui faire signe de la rejoindre, la première à venir le chercher s'il était seul. En seulement trois jours, il s'était senti intégré. Il senti qu'il avait au moins deux amies. Jovian, le petit ami de Maia, ne le quittait pratiquement jamais non plus.

Ce mercredi, il se trouvait seul dans les couloirs, juste après le repas. Il se sentait léger, se dirigeant tranquillement vers son cours, ne faisant pas spécialement attention à son environnement.

Il n'entendit pas les bruits de pas, il ne senti qu'un coup sec le placarder sur un mur. Une main agrippait violement le col de son sweatshirt. Il rencontrait alors des yeux marrons, fous de rage, verts de jalousie. Un visage familier enragé le surplombait.

Tout à coup, il se sentit faible. Léo pouvait le porter d'un bras.

– Tu joues à quoi, hein, petit enculé ? grogna-t-il. Elle ne voudra jamais d'un pédé comme toi. Elle t'utilise comme le chien que tu es.

Des larmes voulaient s'échapper de ses yeux, la douleur du choc parcouru son échine, le venin des mots ouvrirent une plaie. Son visage était rouge de honte et de culpabilité. Il savait pourtant que pleurer devant lui ne ferait qu'aggraver la situation alors il ne dit rien. Miraculeusement, après une vie entière d'entrainement, il réussit à mettre en place son masque neutre et un voile blanc s'empara de son esprit.

Il ne sentit alors plus son corps. Ses pensées avaient été censurées. Il n'existait plus. Toute émotion le quittait alors que l'adolescent lui aboyait dessus.

Il savait que Léo avait raison. Qu'Alya ne voudrait jamais de lui, qu'il n'était qu'un bon à rien, un pleurnichard, une mauviette... Ce qu'il disait, il le savait déjà. Léo ne confirmait que ses craintes.

– Tu vas finir comme ton vélo, déformé et inutile. Je vais te casser les pattes, sale chien, tu ne pourras plus marcher pour courir derrière ta maitresse.

Ces mots avaient été chuchotés dans son oreille mais ils avaient été suffisants pour atteindre son cerveau et s'enraciner en lui.

Léo le lâcha avant de lui donner une petite claque sur sa joue. Elle n'avait pas été très douloureuse, mais humiliante, assez pour baisser encore plus son estime de lui. Comment avait-il pu imaginer Alya s'intéresser à lui ? Comment peut-il tomber amoureux de cette fille, uniquement parce qu'elle lui montre un minimum d'intérêt.

Léo repartit et Neven se senti malade. Il courra presque dans les toilettes les plus proches, heureux que personne n'y soit.

C'est donc ça, sa vie ? S'accrocher comme une étoile à son rocher dès que quelqu'un lui montre un peu d'attention ?

Ces jours-là plus que d'autres, il détestait l'idée d'être en vie.

Ces jours-là plus que d'autres, il détestait être prisonnier de son corps. Il détestait se regarder dans le miroir, regarder son corps maigre, se savoir et se sentir faible, voir ses joues creuses, ses yeux noirs, les os sortir de ses poignets.

Peut-être qu'il le méritait. Peut-être que la douleur de son âme sera plus facile à supporter s'il était celui qui la cause, celui qui la maitrise. Il se sentait sale, il ne pensait pas mériter d'être bien.

Peut-être qu'il ne méritait que le vide, le froid et la douleur. Il devait récupérer le contrôle, il ne pouvait laisser quelqu'un d'autre avoir tant d'effets sur lui. Reprendre le contrôle de son corps, reprendre le contrôle de son esprit, être le seul capable de lui faire du mal, ne rien laisser se transmettre, ne rien laisser rentrer...

C'était compulsif, immédiat, presque prévisible. Il s'enferma dans la toilette. Quelques larmes glissaient le long de ses joues alors qu'il se mit sur ses genoux. Ses mains tremblantes relevèrent la planche. Sans hésiter, après avoir réalisé ce geste des centaines de fois, il glissa ses longs doigts fins le long de sa gorge.

S'il ne méritait pas de vivre, il ne méritait pas le carburant qui le lui permettait. 

AanorianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant