Chapitre 10 - Partie 3 : Nouvelle Lune

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Chapitre 10 : Nouvelle Lune - Partie 3

C'était une agréable habitude d'aller chez Alya le vendredi soir. Il était toujours invité au repas, il appréciait manger en compagnie de sa famille et discuter de choses futiles. Il n'avait pas cette chance, chez lui.

Son assiette était toujours plus maigre que celle des autres mais personne ne disait quelque chose. Alya, parce qu'elle ne savait pas quoi dire, ni même si c'était une chose intéressante à relever. Elle avait entendu quelques trucs à propos des troubles alimentaires et la seule chose qu'elle avait retenu c'est de ne pas les forcer à manger.

Anna ne disait rien non plus mais elle vérifie toujours qu'il ait bien mangé et grignoter de la nourriture avant de partir de chez elle.

Nathanaël n'avait pas pris le temps de s'en rendre compte. Il faut dire que sa présence était rare et qu'il n'était pas très sociale. Il ne parlait pas beaucoup à leur invité, faisant simplement attention à ses blessures.

Aster, lui, avait tout remarqué. Il était un excellent observateur et pouvait affirmer qu'il mangeait de plus en plus en leur compagnie. Il ne lui avait pas fallu longtemps avant de déceler l'anorexie dont souffrait Neven. Il n'en parlera cependant jamais, par peur de dire quelque chose de travers, ou de ne pas s'y connaitre assez sur le sujet. Il n'avait que quatorze ans après tout, qui le prendrait au sérieux pour ce genre de choses ? Il n'était pas psychologue, et les seuls choses qu'il connaissait de cette maladie était par le biais de sa meilleure amie.

Neven apprit qu'Aster allait mieux, physiquement en tout cas. Alya l'avait conduit à au collège ce matin, déterminant que deux jours d'absence était plus que suffisant et qu'il devait donner une leçon de ténacité à ces brutes.

Elle avait eu raison. Malgré les protestations et la peur d'Aster, il avait été assez courageux et était revenu fier de lui. Il n'avait pas laissé quelqu'un décider pour lui, il n'avait laissé personne lui marcher sur les pieds.

Et ça lui faisait du bien.

Comme à leur habitude, après le repas, Alya et Neven montèrent pour travailler. Ils s'installèrent sur le bureau, travaillant chacun une partie différente du travail (Neven sur la ligne du temps et de la présentation orale, Alya sur la présentation écrite).

Après seulement vingt minutes, Alya s'exprima :

– Tu ne trouves pas qu'on avance assez bien ? dit-elle.

Neven retourna la tête en direction de la brune. Ses yeux gris le transcendaient.

– Je trouve aussi, affirma-t-il.

– On pourrait faire une pause pour aujourd'hui, t'en penses quoi ?

Neven grimaça. Il n'avait pas envie de rentrer chez lui. Pour être honnête, il voulait rester auprès d'Alya. Qu'ils travaillent ou non, d'ailleurs. Sa présence était rassurante.

Il repensa à sa discussion avec Maia, et au fait qu'Alya pourrait l'apprécier.

Il aimait l'idée, bien que cela restait ça, qu'une simple idée...

Il regarde encore par la grande fenêtre vitrée. Il ne pouvait voir la lune aujourd'hui, mais les étoiles étaient vives. Alya remarqua son soudain changement de direction et suivi son regard.

Elle avait une idée.

– Tu veux te balader sur la plage ? lui proposa-t-elle.

La surprise frappa Neven et ses gros yeux firent rire Alya.

– Allez, ça va être chouette !

Un demi-sourire étira ses lèvres et il accepta. Il avait envie de se promener sur la plage depuis qu'il avait vu la mer. Il ne prenait jamais le temps d'aller près de la côte et pourtant il habitait juste à côté. Il appréciait tellement l'odeur, l'espace, l'étendue face à lui.

– D'accord, accepta-t-il.

Alya était en joie. Elle le prit par la main et l'entraina hors de la maison. Si elle avait ressenti de l'électricité passer à travers ce contact, elle n'en laissa rien paraitre. Neven, lui, fut surpris du choc et s'était laissé entrainer sans un mot, acceptant son sort.

L'air était frais, assez pour lui donner des frissons. Plus il avançait de l'océan, plus il pouvait sentir l'air iodée, entendre la douce mélodie des vagues. Le ciel était sombre et il en était ravis ; il pouvait voir les étoiles. Il n'arrivait à voir l'horizon, mais pouvait imaginer l'étendue sombre et sinueuse de l'océan Atlantique, allant tout droit vers l'Europe.

– Regarde, lui dit Alya. Tu peux voir Mars !

Neven leva les yeux et suivi le doigt de son amie. Elle pointait vers une étoile brillante, plus lumineuse que les autres. S'il regardait attentivement, il pouvait presque voir de l'orange rougeâtre transparaitre à travers la lumière.

– Ici, dit Neven. Tu vois Sirius. On dirait qu'elle clignote.

Alya se rapprocha de Neven pour mieux voir le paysage. Sirius était l'étoile la plus brillante que nous pouvions observer.

– Tu peux voir la constellation d'Orion, juste à côté, répondit-elle.

Elle qui ne prenait jamais le temps de regarder les étoiles, elle pouvait les voir. Elle qui ne perdait jamais son objectif de vue, elle était capable de faire un détour.

Elle qui savait tout anticiper, sauf les battements de son cœur qui s'accélèrent, cette nervosité au creux de son estomac.

Neven lui permettait de remarquer les étoiles.

Neven lui permettait de revoir ses objectifs, de faire des détours. Il lui avait appris à déléguer, à travailler en équipe... osera-t-elle le dire ? Il lui avait appris à voir ce qu'elle n'avait jamais pris le temps de regarder. À s'inquiéter pour les autres. A vouloir exprimer son amour.

Son cœur rata un battement. Sa respiration se coupa. Ses yeux ne quittaient plus le visage de Neven éclairé par les étoiles, dans cette nuit noire.

Elle se surprit à sourire alors qu'il lui récitait les trois étoiles alignées représentant la ceinture d'Orion, alors qu'il cherchait le signe du Bélier. Elle appréciait les courbes de son visage, sa mâchoire en diamant, ses yeux légèrement enfoncés qu'elle savait vert, ses lèvres...

Neven tourna brusquement son visage vers la brune et lui sourit. Il n'avait plus peur d'elle, réalisa-t-elle. Elle se souvient de leur première conversation il y a presque deux mois de là, à quel point il avait l'air au plus bas. À quel point il semblait malheureux, angoissé à l'idée de raté son travail.

Et le voilà, maintenant, en train de lui sourire. Elle le lui rendit, avec une joie qu'elle avait rarement ressentie.

Ils s'installèrent, sur le sable, à contempler les étoiles toute la soirée. Aucun des deux ne voulaient perdre ce moment, il était bien trop précieux.

Ensemble, ils voyaient ce qu'ils ne prenaient jamais le temps de contempler.

Ensemble, ils entamaient un nouveau voyage, qu'aucun d'eux n'aurait anticipé. 

AanorianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant