Chapitre 5 : - Une personne de trop

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" L’intelligence attire les manipulateurs, car pour eux, piéger une personne peu intelligente est aussi excitant que chasser une vache pour un chasseur" ; Auteur inconnu.

Jant demanda à faire une petite pause car elle avait un besoin pressant. Du moins, c’est ce qu’elle fit croire. La jeune femme était dépassée. C’était la première fois qu’elle tournait une émission avec une femme si démoniaque. Comment peut-on être si cruel depuis l’enfance ?
Le pire c’est que Madeleine n’a pas l’air d’éprouver le moindre regret.
-Cette femme a-t-elle un cœur ? Se demanda -t-elle.
Elle mit de l’eau sur son visage avant de retourner dans la salle. Madeleine sentait que quelque chose clochait :
-Tout va bien ?
-Oui, j’avais juste une envie pressante.
-Pourquoi ai-je l’impression que tu ne me dis pas tout ?
-C’est pourtant le cas…
-Hum, si tu le dis.
-Comment votre mère a-t-elle vécu la séparation ?
-Au début elle pensait que c’était juste temporaire. Elle retourna donc chez ses parents avec mon petit frère. Je ne pouvais pas rêver mieux. J’avais fait d’une pierre, deux coups. Mes oncles et tantes faisaient des va et vient incessants, tentant de réconcilier mes parents mais papa campait toujours sur sa décision. Un soir, je l’avais même entendu se confier à un de ses cousins :
-J’aime toujours ma femme, mais je ne peux pas me remettre avec elle. Nous n’arrivons pas à nous entendre sur la manière d’éduquer nos enfants.
La cohabitation avec mon père fut merveilleuse. J’étais censée passer les weekends avec ma mère mais je refusais d’y aller, même si papa insistait. Je n’éprouvais absolument rien à l’égard de cette femme. Elle m’avait certes donné la vie mais sans plus. Je ne voyais que très peu mon petit frère au début du divorce.
En gros, je vivais une vie de pacha. Mais comme les bonnes choses ne durent jamais de mon côté, ma vie fut chamboulée lorsque j’étais au lycée. En effet, mon père commença à fréquenter secrètement quelqu’un. Une femme divorcée sans enfant qui avait été présentée à mon père. Elle s’appelait Véronique et était de confession chrétienne. J’avais découvert leur relation un jour alors que je fouillais le téléphone de mon père. Ils étaient ensemble depuis trois mois et leur relation avait l’air sérieuse. J’avais dix sept ans et Seydina en avait onze. Seydina vint passer le weekend et papa en profita pour nous annoncer « une grande nouvelle » :
-Les enfants, cela fait maintenant cinq ans que votre mère et moi sommes séparés alors il est temps pour moi de passer à autre chose. Je fréquente quelqu’un depuis trois mois maintenant et je lui ai demandé de m’épouser ; Chose qu’elle a acceptée.
Je ne pus contenir mon désarroi:
-De quoi ? Comment oses-tu nous faire ça papa ?
-Comment ça ? J’ai le droit de vivre ma vie quand même.
-Et si elle ne nous aime pas, au point de nous maltraiter hein ?
-Je la connais et c’est quelqu’un de bien. La connaissant, elle vous aimera comme si vous étiez ses propres enfants. D’ailleurs je l’ai invitée à dîner demain soir Inshallah histoire que vous fassiez sa connaissance avant le mariage.
Mon petit frère félicita mon père et lui dit qu’il avait hâte de rencontrer Véro, quant à moi, je ne dis plus rien. J’étais trop en colère. Il me fallait impérativement trouver le moyen de me débrasser de cette femme, comme cela avait été le cas avec ma mère !
Je n’aimais pas m’emporter devant mon père car je ne voulais pas ternir l’image qu’il avait de moi. Je m’arrangeais toujours pour contrôler mes excès de colère avec lui. Une fois dans ma chambre, je me mis à réfléchir à plusieurs plans d’action pour virer cette femme qui voulait me séparer de mon père. Le lendemain, papa donna des instructions à la cuisinière. Il me demanda également de l’aider mais je déclinais poliment en lui faisant croire que je devais réviser pour un examen. Véro arriva vers vingt heures à la maison. Papa me demanda de venir la saluer :
-Véronique je te présente Mado.
Elle voulut me faire la bise mais je lui donnais la main :
-Ravie de te rencontrer enfin Mado, ton père m’a tellement parlé de toi.
Je voulus lui répondre :
-Je n’en dirai pas autant de vous.
Mais comme mon papa était là, je me contentais juste de sourire. Mon petit frère me tapait sur les nerfs. Il aimait me faire passer pour la méchante de l’histoire. Il discutait tranquillement avec Véronique. Qu’étais-je censée lui dire ? Papa quant à lui, avait l’air d’un gamin à qui on venait d’offrir des bonbons ou des sucettes, tellement il était excité. Il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte que mon père était sous le charme de cette femme qui ne ressemblait à rien. Mon père n’avait vraiment aucun goût et était tombé bien bas. Certes je n’aimais pas ma mère mais je reconnais que c’était une belle femme. Le dîner se passa plutôt bien et par la grâce de Dieu Véro ne s’éternisa pas.
Papa nous demanda nos impressions. Je lui dis qu’elle avait l’air d’être quelqu’un de bien :
Elle a l’air gentille…
-En tout cas moi je l’adore papa !
-Merci fiston ! Je compte demander sa main après demain.
Après-demain avait-il dit ? Le délai était trop court pour que je puisse tenter les séparer. J’avais beau réfléchir, mais rien ne me venait à l’esprit…
Quand vint le jour J, c’est là que je trouvais enfin ce que je pouvais faire, pour éloigner Véronique de nos vies respectives. Je n’étais pas la seule frustrée de l’histoire. Ma mère prit très mal le remariage de mon père. Il faut dire qu’elle était à féliciter. Les années avaient beau passer, elle espérait toujours se remettre un jour avec papa. Cette femme était pathétique et sans vergogne…
Je ne fis rien pour empêcher le mariage. Je choisis d’attendre jusqu’à ce qu’elle regagne le domicile conjugal. Lui faire du mal alors qu’elle vit sous le même toit que moi, serait plus facile, pour ne pas dire une partie de plaisir.
Lorsque mon père envoya sa délégation demander la main de sa copine, les parents de Véronique la leur accorda une bonne fois. Donc mon père était officiellement marié à cette femme fade, démodée, d’un ennui mortel !
Maman vint récupérer Seydina. Était-ce pour elle une façon de se venger de mon père ? Elle me demanda ensuite :
-Mado tu ne peux pas rester tous les weekends chez ton père. Nous avons la garde partagée.
-Je préfère rester avec papa et ma nouvelle maman.
Ma mère me gifla :
-Tu n’as qu’une seule mère et c’est moi !
Elle s’en alla pensant que la gifle avait eu un quelconque effet sur moi !
Deux jours après leur mariage, Véronique rejoignit enfin le domicile conjugal. Je faisais semblant d’aimer ma belle-mère, pendant que je concoctais mon plan parfait. Véro aimait jouer à l’innocente alors que je paris qu’elle était loin de l’être. Elle ne sortait pas, servait les repas à l’heure en plus d’être une véritable fée du logis.
Un mois jour pour jour après le mariage, La bonne dame commençait à se plaindre de douleurs musculaires. Elle disait qu’elle était très fatiguée, au point de garder le lit. Papa était dépassé et ils finirent par se rendre aux urgences car véro se tordait continuellement de douleurs. La pauvre profita à peine de sa lune de miel. Les médecins n’arrivèrent pas à déterminer les causes exactes du mal être de ma belle-mère. Il lui fit donc faire une série d’examens. Mon père passait ses journées au chevet de son épouse et rentrait très tard, tous les soirs. Je le voyais à peine, cela m’affecta beaucoup :
-Papa je te vois à peine !
-Oui ma femme est à l’hôpital alors je me dois de prendre soin d’elle et de l’aider à surmonter cette rude épreuve.
-Peut-être que vous n’êtes pas compatibles sur le plan religieux papa.
-Bien sûr que si. Ce sont juste des choses qui arrivent. Rien ne nous atteindra en dehors de ce qu’Allah a prescrit pour nous, ne l’oublie pas. Allez, allons dormir maintenant.
-D’accord comme tu veux, je t’aurai prévenu !
Ils vont chacun dans leurs chambres et s’y ferment à double tour. Après un mois à l’hosto, Vero rentra à la maison. Mon père tout comme Véro, les membres de sa famille et son médecin traitant, ignoraient jusqu’à présent de quoi elle souffrait exactement…
J’avais d’excellents notes à l’école. C’es vrai que je n’ai pas encore parlé de mes études. J’ai toujours été première de ma classe et ce, de la sixième à la terminale. J’adorais étudier et je me donnais tous les moyens pour être la meilleure et pour le rester. Et puis étudier me permettait d’éviter de laisser toutes les pensées noires que j’avais dans ma tête, prendre le dessus sur moi. Je menais une existence si belle, en apparence. Avais-je des amies ? J’avais une amie, une meilleure amie : Arame Tall. Arame et moi nous étions dans la même classe jusqu’en terminal mais avions coupé tout contact, il y a un an. En effet, elle sortait avec Momar, un des playboys de notre école. Ce gars ne m’a jamais vraiment intéressée mais tout changea lorsqu’Arame n’avait plus de temps à me consacrer à cause de lui. Toutes nos discussions ne tournaient qu’autour de Momar : Momar par ci, Momar par la !
A chaque fois que nous avions des plans, elle les annulait la plupart du temps, en prétextant être fatiguée alors que c’était juste pour aller retrouver son copain en douce. La situation commençait à m’énerver, alors je me sentis obligée de le faire. Le père d’Arame était quelqu’un de stricte, carré et jaloux. Je lui téléphonais en changeant ma voix en lui apprenant que sa fille avait un petit-ami et qu’ils se voyaient pratiquement tous les jours, hors de l’école. Après avoir révélé le secret de ma meilleure amie à son père, j’attendis tranquillement les retombées. Son père ne la rata pas et la priva même de sortie :
-J’ignore comment mon père a fait pour découvrir que je sortais avec Momar. Je suis foutue.
-Le monde est petit, si ça trouve quelqu’un a dû vous voir.
-Tu as raison, pourquoi n’y ai-je pas pensé plutôt ?
-Il faut que vous soyez un peu plus discrets, le temps que tout ça se tasse. c’est mieux.
-Tu as raison !
Ce qu’Arame ignorait c’était que j’étais sur le point de lui piquer son bel étalon. Le père d’Arame venait la chercher, tous les jours après les cours, ce qui me permettait de passer plus de temps avec Momar. Ce dernier était véhiculé alors je lui demandais s’il pouvait me déposer, il accepta volontiers :
-Arame est déjà rentrée ?
-Oui son père est venu la prendre.
-Ah ok, je vois et sinon, les cours se passent bien j’espère.
-Oui ça va hein…
-Ne fais pas ta modeste, je sais que tu as de très bonne note. Il faudrait que tu m’aides à rehausser les miennes.
-Ce sera avec plaisir. Merci d’avoir accepté de me ramener.
-C’est normal !
Durant quatre mois, c’était le copain de ma meilleure amie qui me ramenait chez moi, mais bien sûr Arame n’en savait rien. Momar et moi finîmes par nous rapprocher et même échanger un baiser…
Il culpabilisait énormément, tandis que je m’en foutais royalement :
-Ce que nous faisons n’est pas bien Mado et puis Arame est ta meilleure amie. Je ne peux pas lui faire ça !
-Comment peux-tu vouloir être avec une fille que les parents ne laissent même pas sortir ? Il y a quelque chose de vraiment intense entre nous et cela ne sert à rien de nier l’évidence Momar.

-J’ai besoin de temps, pour réfléchir à ce que je veux vraiment.
Je pris mon sac et je fis mine de descendre du véhicule afin de lui mettre un peu la pression :
-Je vais te faciliter la tâche dans ce cas, c’est mieux qu’on ne se voit plus.
Il attrapa ma main et me dit :
-Non reste stp !
Puis nous échangeâmes un long baiser langoureux, qui fut de loin meilleur que le précédent.

Du miel au pimentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant