" Dansce monde, il n'y a que deux tragédies. La première est de ne pasavoir ce que l'on veut et la seconde est de l'obtenir. "
OscarWilde, L'Eventail de Lady Windermere (1893)Novembre 2000, Florence.
Le fin espoir que la comtesse a libéré a eu juste assez de temps pour se tracer un chemin jusque dans mon cerveau avant de disparaître. Un millième de seconde. C'est ce qu'il a fallu à cette espérance pour me détruire. Moi qui pensait venir comme chaque année soutenir Gee dans ses retrouvailles familiales je suis devenu son arme et sa victime.
Je n'en doute pas : elle sait ce qu'elle fait. Nos supposées fiançailles, elles aussi, ne sont qu'une illusion qui s'évaporera dès lors qu'elle aura mis un pied sur le sol américain. En instrumentalisant mon amour, elle fabrique le couteau qu'elle plante dans le cœur de sa mère. Gee déteste ses parents et si elle doit épouser un homme qu'elle n'aime pas pour les faire réagir, nul doute qu'elle le fera. Je déglutis.
Marie vient de nous donner son aval. Le sourire de sa fille s'assombrit. Sa main dans la mienne perd toute sa force, son corps meurt et je ne peux rien faire. Rien faire parce que je réalise ce que ça signifie. Nous sommes comme deux âmes liées qui se tuent l'un l'autre quand elles réalisent que leur amour n'est pas éternel. En nous donnant son aval, Marie a fait perdre à sa fille toute sa volonté de m'épouser.
Le combat intérieur de Gee m'assourdit. Deux fronts opposés l'assaillent et elle doit décider de quel côté elle rendra les armes. Je veux prendre sa main pour lui dire que quoiqu'il arrive, elle ne me perdra pas mais mon corps refuse d'obéir à mon ordre. En suis-je sûr ? Non.
Mon rêve s'est concrétisé de la pire des manière. Elle m'a dit qu'elle m'aimait pour me tuer la seconde d'après. Trois petits mots ont suffit à faire perdre son rythme à mon cœur. Trois petits mots m'ont rendu muet face à autant de sens. Elle n'a même pas feint un air enamouré quand elle l'a dit. Mes muscles se tente face à l'évidence. En la forçant à me dire son amour, elle n'a fait que l'exorciser. Par ses mots qu'elle a prononcés, elle a entamé le processus qui va finir par l'éloigner de moi. J'ai été stupide. Pendant trois ans, j'ai prié pour entendre des mots qu'elle prononçait déjà en silence. Trois petit mots qui vont tuer son amour pour moi.
Moi qui ai vécu mon plus grand désir, je suis incapable de l'apprécier tout en sachant ce que je suis sur le point de perdre. Si j'avais été un autre, on en aurait bien ri avec Gee.
Mais on ne rit pas.
Elle se mord la joue se croyant discrète, elle ne l'est pas pour moi. Peu importe, je ne l'intéresse pas à présent. Dans ce monde, j'importe peu à côté d'eux. Grace le sait aussi. À chaque fois que nous nous retrouvons entre ces murs, entourés de sa famille, Gee n'est ni Gee, ni Gace – n'en déplaise à elle-même. Dès qu'elle est face à sa mère, elle redevient Graziella. Là ou Grace ne laisse transparaître aucune faiblesse, or Graziella est tout l'inverse. Je l'observe retenir ses larmes alors qu'elle accorde bien trop d'importance au regard des autres – de sa mère.
Cette dernière l'a bien compris.
— Tu ne manges pas ? Demande-elle à sa fille qui n'a pas touché son assiette depuis. Tu ne vas pas me dire que les américains ne te trouvent pas déjà assez maigre.
Le claquement de la fourchette sur la porcelaine de son assiette résonne avant que la réprimande de sa mère n'ait pris fin. Son père scrute la main de sa fille qui s'échappe de la mienne tandis que j'essaie de la retenir.
— Veuillez m'excuser.
Elle récupère la serviette posée sur ses genoux pour la mettre consciencieusement sur sa chaise et disparaît. Son départ laisse un silence que je ne prends pas la peine d'expérimenter plus longtemps. De rapides excuses après, je me lève à mon tour à mon tour, avec moins de grâce que celle qui en porte le nom.
— Gerald ?
J'interromps ma fuite pour répondre à Alice.
— Retrouvez-moi dans une demi-heure, dans mon bureau.
Je hoche la tête avant de disposer.
Je ne cherche pas longtemps, elle est dans la bibliothèque familiale. Assise sur le divan, elle a replié sa tête sur ses genoux. Dans cette posture, je dois bien m'accorder avec Marie ; elle est de plus en plus maigre. Elle mange moins. Sa mère a raison de s'inquiéter.
Je ne m'approche pas de celle qui pleure en silence. Gee a besoin de contrôler l'image qu'on se fait d'elle et rares sont ceux qui accèdent à son chagrin. Pour ne pas la brusquer, je regarde autour de moi pour ne pas avoir à croiser ses larmes sans qu'elle ne m'y autorise. Sur un pan de mur, entre deux étages de vieux livres, de vieux portraits de famille sont encadrés. Contrairement à ceux qui règnent en maîtres dans les salons, ceux-là brûlent d'authenticité. Pas de grandes robes ou de poses élaborées, ces simples souvenirs on tout à voir avec les photos qui décorent les murs de la maison de ma mère en Ohio.
Les petites boucles rebelles de la petite Gee attirent mon regard. Avec sa mère, elles illuminent la photo par leur bonheur. Comme le démontre cette photo, Marie est une femme sublime. Seulement quelques années nous séparent de cette photo pourtant je ne la reconnaîtrait pas si je ne l'avais pas connue à l'époque. Sur une autre photo, elle arbore un regard aimant en direction de sa fille qui a plaqué ses cheveux dans un chignon serré. C'est Marie qui a le plus encouragé Gee a faire de la danse, à tel point qu'elles ont développé une relation presque fusionnelle jusqu'à la naissance d'Helena.
— Si elle s'inquiète, c'est parce qu'elle t'aime.
Elle sèche ses larmes, mais ne m'autorise pas à la regarder.
— Je m'en fiche.
Mes paupières se ferment à l'entente de sa voix chargée de tristesse et de rancœur. Adolescents, des moments comme celui-ci, on en a vécu plein.
— Tu mens mal.
— Si tu le dis, ricane-t-elle avant de se moucher.
— Je peux me retourner ?
Un silence...
— Non.
... Puis la pluie.
***
J'adore ce chapitre parce que c'est vraiment là qu'on comprend la complexité de leur relation. Même Gerald commence à se perdre dans ses propres sentiments. D'un autre côté, il y a tout ce problème autour de Nancy, même si c'est un mariage arrangé, il y a quand même un doute qui subsiste quant à leur réelle relation.
Breeffff, j'arrête d'analyser mon propre chapitre et je vous laisse le faire ;)
Qu'en avez vous pensé ?
N'hésitez pas à voter et à partager, ça me fait plaisir et ça référence l'histoire afin qu'un maximum de monde puisse la lire et me donner leur avis.
VOUS LISEZ
Because of us [ TOMES 1&2 ]
RomanceElle est prête à tout pour la vengeance. Il est prêt à tout pour l'amour. *** Grace a tout pour elle : elle vit de sa passion, est adulée de tous et a des amis de rêve. Tout le monde l'aime au point de la détester. Tout le monde l'aime, et elle en p...