42. Gerald

106 14 19
                                    


« My father is the worst man alive, and I am his favorite daughter. »

Kate – You (Saison 4)

(Mon père est le pire homme sur Terre est je suis sa fille préférée.)




Juillet 2001, New-York.

— Tu attends quelqu'un ?

Je sursaute. Nancy m'a rejoint sans que je ne le remarque. Comme je ne réponds pas, elle ajoute :

— C'est la sixième fois que tu regardes ta montre en dix minutes.

Elle la scrute, à la recherche du détail qui me donnerait une raison valable de la regarder sans cesse.

— Je veux bien admettre qu'elle est très belle mais même mon père ne la regardait pas autant.

Son père. Comment l'oublier quand tout me ramène à lui. D'abord Grace, puis Nancy, jusqu'à cette montre que je suis forcé d'arborer à cette foutue soirée. Un moyen pour Susan d'afficher ma culpabilité à ceux qui veulent la voir. Dommage pour elle, les convives sont aveuglés par les billets de mon père.

— Non. Je m'ennuie, c'est tout.

Je la laisse plantée là et m'échappe de son interrogatoire. La femme d'un sénateur m'interrompt une minute, le temps de trouver les excuses pour m'éclipser de leurs palabres futiles. Ma fiancée, n'a pas la même adresse car elle se retrouve piégée dans leur conversation sans fin alors que j'ai atteint les toilettes de l'autre bout du hall.

D'ici, j'ai une vue complète sur la rangée d'ascenseurs par lesquels Grace aurait dû sortir il y a sept minutes. Elle est montée avec Little il y a un quart d'heure, mais aucun des deux n'est descendu depuis. L'heure à laquelle elle devait arriver avec Hugh se rapproche dangereusement. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Je dois monter.

— Gerald ! M'apostrophe mon père. On peu parler ?

Le « on » de mon père est comme son sourire : factice. Il pense entretenir une conversation alors qu'il se livre à un monologue.

— J'allais me rafraîchir, ça peut attendre ?

Son sourire se fait plus carnassier.

— Pas vraiment.

Son bras entoure mes épaules et me mène derrière un pilier qui supporte, avec les douze autres alignés de chaque cotés de la pièce, le poids du building tout entier. À l'abri des oreilles curieuses et à l'ombre des regards indiscrets, cette position offre aux autre l'illusion d'un père et d'un fils parlant affaire et famille.

— Des papiers de l'entreprise ont disparu. Des informations confidentielles, précise-t-il.

— Comment ça ? Quand ?

Grace les a volé à l'instant, comme se fait-ce qu'il soit déjà au courant. Qu'est-ce qu'il va lui faire ? J'empêche le réflexe nerveux de titiller la montre d'Ayckbourn, qui me gratte soudain, de me trahir.

— Je ne sais pas exactement. Ce mois-ci, celui d'avant, c'est trouble. Fiston, ce n'est pas toi ?

Ce type a le chic pour se rappeler le lien qui nous unit quand il ça l'arrange.

— Bien sûr que nous. Attends, de quelle entreprise parles-tu ?

— Tu es sûr ? Si tu me rendais les documents, je ne t'en voudrais pas. Je sais que tu n'as pas toujours été en accord avec mes valeurs, mais on est une famille, la famille avant tout.

Because of us [ TOMES 1&2 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant