3. Ella

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"Pour apprendre à boxer il suffit d'une nuit. Il faut une vie entière pour apprendre à combattre."

Alessandro Baricco – City

2019, Boston.

 — Deux règles.

Je sursaute. Nolan a utilisé mon avant-bras pour me retourner contre lui. Mon dos contre son ventre, je peux sentir son souffle alors qu'il m'énonce ses conditions.

— Un, apprends à maîtriser tes coups.

Pour appuyer son propos, ses doigts effleurent mon flanc avant de saisir mon poing avec sa main droite. Mon souffle se coupe quand mon poing s'arrête sur une cible invisible. Je n'ai rien maîtrisé, je me suis laissée faire par la puissance de ses coups. L'adrénaline se libère dans mes veines. Il suffirait que Nolan me donne la moitié de sa force pour que je sois inarrêtable. Il est détestable, mais j'ai besoin de lui. Alors, en bonne élève, je l'écoute.

— Deux.

Je ferme les yeux pour que seule sa voix, sortie de sa bouche collée à mon oreille, résonne en moi. Une douleur lancinante me transperce la cheville. Mon corps s'effondre mais ne touche pas le sol. À la seule force de mon poignet, je suis maintenue dans l'air.

— Apprends à cogner là où ça fait mal.

Nolan me redresse, fier de son petit spectacle. Sa chaleur, loin de moi, ne me frappe pas autant que la réalisation d'un lourd secret qui vient d'être dévoilé. Je ne lui ai jamais dit pour ma cheville. Mes faiblesses sont visibles.

— On apprend à se maîtriser....

Il remarque la frayeur dans mon regard alors que je tente de la dissimuler.

— Parce que dans un combat, on augmente l'intensité des coups à mesure que l'adversaire perd ses moyens. Si tu donnes tout dès le début, tu t'essouffles.

Il fait un pas dans ma direction. Je n'avais même pas remarqué que j'avais rejoint le coin le plus éloigné du ring.

— Et n'oublie pas, à chaque collision, il y a quelque chose qui casse.

Son doigt se place sous mon menton. De là où je suis, ses pommettes sont saillantes, aiguisées par les coups qu'il s'est pris auparavant. Ses yeux sont noirs eux aussi. Bien plus sombre qu'un nuit sans étoile. La lumière jaune qui nous éclaire se piège dans son regard pour ne jamais en ressortir.

— À toi de choisir, soit tu frappes au bon endroit, soit tu te brises les phalanges.

En même temps qu'il dit cela, il enroule mes mains dans des bandes blanches qu'il a récupérées sur les cordes du ring.

— Une fois que tu auras appris ça. Le reste ne sera qu'une question de puissance, de souplesse et d'endurance.

— Rien que ça.

J'ai besoin de me racler la gorge deux fois avant de pouvoir prononcer ma remarque. L'acerbité n'a rien à voir avec le trouble qui naît dans mon ventre. Il fallait que je dise quelque chose, à force de trop l'entendre parler, j'ai eu peur d'en oublier mon vocabulaire. Je préfère lui rappeler que je ne suis pas là pour sa séduction, parce que je suis incapable de le rappeler à moi-même.

— Ouais, sourit-il, rien que ça. Et rien ne vient sans travail, donc va mettre tes gants.

Il claque des mains trois fois en disant ça. À l'abri de son regard, je teste la résistance des bandes. Il les a si bien serrées que j'ai du mal écarter les doigts. Je rentre mes poings dans le gant chaud, le frottement avec les bandes est plus agréable. Je me sens protégée et alerte. Prête à anéantir ceux qui le méritent. Je me place au milieu du ring mimant une bagarre avec Nolan, ce qui lui tire au moins un ricanement. Il descend son attention sur mes jambes, élargissant son sourire.

Because of us [ TOMES 1&2 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant