07/2013

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1985. L'endroit était tranquille. Le soleil dardait ses rayons dans le lit profond et caillouteux de la rivière. J'étais invité à une partie de pêche par le vieil Émile. Il essayait de m'expliquer la théorie mais je ne comprenais rien de ce qu'il me disait. Pas important. On était pas là pour tailler une bavette. Il aimait la nature, n'avait pas d'enfants et cherchait au crépuscule de sa vie à partager quelques bribes de son savoir, à accomplir un acte de transmission. Et puis c'était agréable de rire, de bouger, de respirer, d'apprécier les odeurs d'une nature familière. Il entrait dans la rivière où l'eau était peu profonde, les pieds et les mains trempant dans le liquide tempéré par le soleil. Il était comme un poisson dans l'eau. Arrivé au bord de la berge il plongeait les mains profondément entre les racines qui la constituaient. Accroupi, la tête légèrement de biais il me regardait, me souriait. Enfin il me dit : _ tu vois petit avec de la patience et de la bienveillance tu les caresses sous le ventre elles adorent ça les truites. Je regardais l'ancien à la limite de la rive, les yeux grands ouverts. Quelle ne fût pas ma surprise de le voir sortir un magnifique salmonidé, bien vivant, frétillant entre ses pognes cagneuses. La journée continua sous les mêmes hospices. Nous ne rentrâmes pas bredouilles. Le soir, je me couchais dans un total lâché prise, la tête pleine de réminiscences, je dormis d'un sommeil profond bercé par le bruit d'un torrent.

Quelques années plus tard, je décidais de revenir à cet endroit avec ma nouvelle compagne qui serait peut être un jour la mère de mes enfants. La rivière, la prairie existaient toujours, accessibles. A ma plus grande stupéfaction le lieu s'était transformé en garage clandestin, jonché de pièces automobiles, d'huile de vidange et de flaques de pétrole. Tout était souillé. Qui était capable d'une chose pareille ? On fit demi-tour. J'étais dégouté.

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