03/07/2028 2 p.m.

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Le soleil parvenu à son zénith, inonde de ses rayons la campagne profondément abîmée par cette longue période de sécheresse. La végétation est fanée. Dans la forêt, le frissonnement des feuillages projette une ombre presque liquide sur le tronc des arbres tant l'air est saturé de chaleur. Mes réserves d'eau diminuent sérieusement, avaler ma salive s'apparente à ingurgiter une substance de carton-pâte. La seule idée sensée qui s'impose, malgré le risque, consiste à retourner chez l'ènérguméne de l'autre jour pour subtiliser un peu d'eau dans ses réserves. Après avoir visualisé mentalement les deux fûts en plastique bleu je me persuade de mon choix en me commandant d'être prudent. Conscient de mon état de fatigue, je me mets en marche. Vaille que vaille.
Arrivé à une distance d'environ trois cents mètres de la combe, des cris inhumains me parviennent. On dirait des supplications. Maintenant les hurlements couvrent mes propres bruits, j'essaie d'avancer le plus rapidement possible. Je contourne la baraque pour ne pas me présenter de face et m'approcher le plus possible.

_ Non mais tu l'entends gueuler ! Sylvestre bâillonne-le !
_ J'ai pas de scotch !
_ Mais fait quelque chose bon sang ! Bouge ton cul ! Tiens, là, prends le sac plastique, fourre z'y lui dans la gueule, y'a un bout de ficelle juste à côté.
Un grand type tout maigre, sans dents, affublé de quelques cheveux blancs trop longs sensés masquer sa calvitie est en train de museler un homme d'une vingtaine d'années entièrement ligoté. Avec une pierre à fusil Barnard aiguise tranquillement un grand couteau de boucher.
Barnard. _ Bon, tu me le mets à genoux bien au dessus de la bassine. J'ai pas envie de tout salir comme la dernière fois. Ça attire les insectes, après y'a plein de mouches à merde. Capisce ?
Sylvestre. _ T'inquiète Barnard, je l'ai tellement saucissonné qui peut plus bouger une oreille le cochon.

Non ce n'est pas possible ! Ce doit être un cauchemar, je vais me réveiller. Je reste inerte. Mon sang bout. Toute mon énergie se vidange par les pieds. J'ai la sensation de me vider littéralement dans mon caleçon. La réalité me saute à la figure. Le prisonnier me voit. Il me fixe bouleversé. Son visage se décompose. La peur le submerge, ses yeux exorbités paniquent. Je n'arrive pas à détacher mon regard de cet homme qui se répand en lamentations. Il demande grâce mais il sait qu'il va mourir. Le bâillon sur sa bouche entrave ses plaintes. Il étouffe. Un long filet de bave s'écoule de son menton. Ses gémissements se transforment en râles.
Sylvestre. _ Bon t'arrive Barnard, je vais pas y rester toute la journée.
Barnard s'avance lentement en toute décontraction. Son attention ne dévie pas du fil de la lame. Il enjambe le corps immobilisé du jeune homme, il place le couteau en travers et d'un seul coup tranche la gorge offerte. Immédiatement le sang jaillit en un flot saccadé puis continu similaire à l'écoulement d'une fontaine. Le ruissellement du liquide dans la bassine déverse en moi un frisson de terreur. La mort est lente. Trop lente. Plus de bruit. Plus de gémissements. Juste le sang qui se déverse. Son visage metamorphosé par l'abomination semble inhumain et blanchit graduellement.
Barnard. _ Bon Sylvestre on fait comme d'habitude, je te garde une cuisse ? Pour celui-là, ils m'ont commandé les reins, le foie et les yeux. Dis donc tu vas être content y m'ont réservé une femme pour la semaine prochaine, la totale, les organes avec les dents et les cheveux.
Sylvestre. _ Grooooouuuinnnn, grooooouuuuuiiinnnnn ! Tu me laisseras la baiser c'te p'tite truie ?
Barnard. _ Ouais. Mais là faudrait que t'aille me chercher la glacière rapidos et au passage tu demandes à Enna de venir vider cette saloperie de bassine.
Barnard soulève le corps inerte sans difficulté pour le positionner sur le capot avant de l'Alpha Roméo. Il coupe les liens et déshabille le garçon. Il le place les bras en croix pour pouvoir le dépecer. Un poids de plus en plus lourd me pèse sur l'estomac, la nausée me monte dans la gorge. Avec la chaleur, des gouttes de sueur coulent en travers de mes yeux, ma vue se trouble. Je ne peux plus supporter cette boucherie. Je file le long de la bicoque. Un passage s'offre à moi dans la pente pour remonter sur le haut du coteau. Putain, des trafiquants d'organes.



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