History Ov

02/07/2028

  Je me réveille en sursaut enveloppé par les ténèbres. J'attends, j'écoute. Rien ne vient.
  Pendant mon sommeil quelque chose a changé en moi. La machine infernale qui m'entraînait dans une course éperdue s'est arrêtée. Une profonde paix intérieure à succédé à ma tristesse.
  Cependant mon cerveau tourne et retourne, rumine les paroles de l'huluberlu qui m'a interpellé et envoyé ici, sa manière de parler, d'utiliser un langage familier et administratif. Ce devait être un agent habillé en civil, employé par la préfecture.
  _Viens voir mon gars m'avait-il dit en m'entraînant dans un van. Faut qu'on parle tout les deux. Dans ton village, une de tes voisines a donné ton signalement, elle fait partie de la milice Les Voisins Actifs, elle n'a pas du tout apprécié ton discours sur ta chaîne Youtube à propos de l'univers scolastique. Apparemment tu n'as toujours rien compris ! Alors je vais prendre un peu de temps pour te faire un topo et après tu me diras merci.
H.O._ Aucun problème monsieur.
L'agent. _ Tu vois mon gars, quand nous rouvrirons le rideau nous aurons gommé toutes tes aspérités culturelles. Tu seras le bienvenu dans un monde où tes incompétences techniques nous seront nécessaires. Ne t'inquiète pas, nous allons te redonner de l'espoir. Maintenant tu le sais, les murmures des vieux visages sages, impassibles ne s'embarrassent pas de justice ! Alors profite ! On ne cherche pas à tuer le rapport sujet/objet, on le désire invisible. C'est pas compliqué bon sang, on cherche à rendre nos souffrances moins douloureuses, le désespoir nous intoxique, l'amour n'est que façade et triste passion. De leurs souffrances abondent nos richesses. Maintenant que nous possédons le monopole de la vérité historique, toutes tes paroles, tout tes récits ne produiront que des fictions. Ton passé nous appartient. Saches que nous ne cherchons pas la vérité, nous la fabriquons! Notre mémoire alimente et façonne les générations. Nous choisissons quelques sujets susceptibles de développer les capacités neurologiques nécessaires pour devenir des êtres anti-social. Après avoir suivi une formation, ces agents jouissent de grandes libertés, leurs actes abjects, irraisonnés, d'une grande cruauté, parfois commis au nom du peuple constituent un ciment pour nos sociétés. Le sentiment d'insécurité qu'ils engendrent au travers de toutes les couches de populations nous permet d'étendre notre pouvoir de police et masque nos incapacités à honorer le contrat social. Ainsi la communauté rejete en bloc la démocratie car elle ne s'impose que par la violence. Nous surveillons tout le monde. Quand une personne ne nous convient plus nous enclenchons un mécanisme long d'exclusion qui, avec le temps, la dépouille de tout, la sépare de sa famille : le déclassement. Personne n'est à l'abri. Ces déclassés rejoignent un contingent d'indigents destinés à être sacrifiés sur l'hôtel de notre justice pour servir d'exemple. Pour maintenir la paix, il faut régulièrement entretenir les pare feux, occuper les masses en nourrissant leurs bas instincts. Amalgame barbare d'individus destiné à reproduire un système de classes sociales. Nos politiques génèrent des événements, produisent des normes réglementaires, octroient des subventions pour calibrer ces groupes d'individus auxquels il suffit d'inventer des besoins spécifiques pour qu'ils aliénent volontairement leur liberté et restent captifs et dépendants. Notre interprétation des utopies universalistes transcende le collectif. Nous entretenons l'idée de volonté générale et la construction d'une paix perpétuelle. Nous sommes les agents d'une structure structurante destinée à servir des agents économiques utilisateurs de notre structure. Alors History Ov tu signes ?
H.O._ Est-ce que j'ai le choix ?
L'agent. _ Nous sommes minoritaires mais à présent nous dominons la plupart des champs du pouvoir qu'ils soient culturels, technologiques, politiques ou économiques.
H.O._ Je le sais vous avez volé mes enfants, mon avenir, vous m'avez déjà déclassé !
L'agent. _ Effectivement notre ascension fut lente et patiente. Nous avons démarré modestement en infiltrant les associations sportives et culturelles proches des milieux scolaires ainsi que les réseaux sociaux. Nous avons procédé à un fichage systématique et méticuleux de la population. Nous avons effectué un travail de sape laborieux. Nous avons retourné les valeurs culturelles des enfants et nous avons discrédité les parents les plus fragiles économiquement. Nous faisions d'une pierre deux coups
, nous recrutions nos futurs agents et nous éliminions une probable opposition.
H.O._ Je ne veux plus rien entendre maintenant c'est trop tard.
L'agent. _ Écoute, tu as conscience comme moi qu'une bonne gestion de la société passe par la mise sous tutelle de la population, une patrimonialisation des lieux publics, des espaces naturels, des ressources communes pour une utilisation raisonnée des territoires et des énergies. Les enjeux climatiques ne nous laissent plus le temps de tergiverser !
H.O._ Tu me prends vraiment pour une bille. Toutes tes histoires ne changent rien pour moi.
L'agent. _ Écoute moi ! Tu as le choix ! Tu peux encore vivre librement et obtenir un travail rémunéré. En premier lieu, tu devras prendre part de manière active aux milices citoyennes, associations reconnues d'utilités publiques, de ton quartier ou de ton village, organisées en lien avec la police politique ou la gendarmerie. Ce n'est pas grand chose mais c'est un premier pas qui montre ta bonne volonté. Sinon nous devrons t'expedier dans un village de précaution où tu effectueras une activité volontaire d'intérêt général au sein d'un camp de travail. Autrement tu peux partir vivre au milieu des zones hors de contrôle dans un des nombreux bidonvilles où l'eau potable manque cruellement. Mais dépêche toi de choisir il faut encore que je mette tes implants à jour pour que les drones puissent t'identifier comme citoyen ou insurgé.
H.O._ Vous n'engendrez que la destruction, la raison est mère de liberté, je préfère être banni, devenir un insurgé !
L'agent. _ Très bien. Tu vas bénéficier d'une anesthésie générale pour le transport. Quand tu reprendras connaissance tu seras dans une zone hors de contrôle. Mais à partir de maintenant tu ne pourras plus dire que nous ne t'avons pas tendu la main. Prends ce sac avec des provisions et un nécessaire de  survie. Adieu.