Je me pose sur un banc, devant le lycée. Face à moi s'étale la grande façade de l'établissement. Les larges fenêtres semblent être aspirées par les briques rouges, et un sentiment d'oppression s'installe dans ma poitrine. Je soupire, et ne peux retenir un léger tremblement. Il fait froid. Trop froid pour ne porter qu'un léger gilet en laine. Mais la laine porte chaud non ?
Je vois passer Jonah, et lui fais de grands signes de la main. Il sourit avant de répondre en faisant de même. Mais il finit par s'éloigner pour aller s'installer sous une des fenêtres du lycée.
Petit à petit, ils apparaissent autour de moi. Julie, la première personne que j'ai rencontré en entrant en seconde, s'assoit à côté de moi. Elle a cette facilité époustouflante à parler avec tout le monde. C'est un peu grâce à elle qu'un groupe s'est formé autour de nous. On discute, puis Louise, sa meilleure amie arrive. Sautillant, avec son maquillage extravagant, et ses vêtements fuchsia, elle s'assoit par terre, sort un crayon et se met immédiatement à gribouiller sur un petit carnet, entrant dans un univers où elle seule peut s'aventurer.
Quentin, Chloé et Rafael arrivent en même temps. Les deux premiers se tiennent par la main en se dévorant du regard. Rafael a les yeux rivés sur son portable, et manque de se prendre une poubelle.
Agathe, ensuite, parlant fort face à son portable, roulée dans une jupe trop légère pour l'hiver et portant des talons trop hauts pour les marches qu'elle aura à monter, se glisse dans notre cercle. Elle raccroche.
- Mathilde sera en retard, lance-t-elle à la cantonade pendant que Simon et Axel arrivent.Je souris, essaie d'écouter leur conversation, de saluer Enzo, Mia et Coralie.
Mais je me rends vite compte que mon regard reste bloqué sur Jonah.
Il a mis un pull vert fluo. Je ne peux pas le louper.Je lâche un soupire, qui laisse à nouveau le froid me pénétrer, et je frissonne.
- Ça va ?
Je souris à Coralie. C'est ma meilleure amie. On a passé toute notre scolarité ensemble depuis la maternelle, et c'est un miracle qu'on ne se soit encore jamais disputées.
- J'ai un peu froid.
Elle rit.
- Tu m'étonnes !
- Eh, Chloé n'est pas plus couverte que moi. Pareil pour Simon et Louise.
- Vrai. Mais vous êtes tous tarés.
Simon, qui nous a entendues, rentre dans la conversation en déclarant que sa petite veste le protégerait d'une tempête de neige.
Agathe finit par frapper dans ses mains
- Les loulous, faut y aller ! Il est 8h18.
Notre troupeau s'engouffre dans le hall de l'établissement à coup de rire et de cris. À 8h20, la sonnerie retentit. Arrivés en haut des imposants escaliers qui dominent l'entrée, nous nous séparons de Mia, Agathe et Enzo pour retrouver notre classe.
Dans le rang, quelques élèves révisent le cours de maths.- On a une évaluation où quoi ?
Quentin se penche sur le cahier de Jonah. Ce dernier hausse les épaules avant de répondre ;
- Je n'ai pas fait les exercices.
- Ah, mais tu fais quoi avec ton cahier de leçons ?
En un claquement, Jonah le referme.
- Écoute... Euh... Tu me passerais le tien pour que je recopie ?
Quentin a un petit rire, puis il s'exécute.
Au moment où Jonah tourne la tête de mon côté, je décide de m'incruster dans la conversation de Julie et Chloé. Elles dépriment par rapport au cours d'EPS de cet après-midi. On fait du relais, et c'est le dernier cours donc nous sommes évalués. Je souris.
- Du nerf les filles, après on sera enfin débarrassé !
Julie secoue la tête.
- Ça ne va pas me manquer, c'est sûr.
- Oh, souviens toi du concours de jongle de Quentin, Axel et Simon. Et quand Axel a envoyé son témoin sur Rafael !
Je réussis à les faire rire.
- OK, c'est vrai qu'il y a eu certains moments... Chloé ne termine pas sa phrase et se contente de rire toute seule. Il se propage et nous voilà trois à glousser pour rien.
- Nos amis sont idiots, finit-elle par soupirer.
Je ne peux pas m'empêcher de repenser à ce jour où Simon avait empilé plusieurs témoins ensemble. Axel l'avait porté sur son dos et ils avaient chargé vers Coralie, Rafael, Julie et moi.
Le cliquetis d'un trousseau de clés résonne dans le couloir. Suivi par le bruit sec que laisse quelqu'un se déplaçant en talon. Tous ceux qui tentaient désespérément de faire les exercices oubliés se mirent à fourrer leur cahier dans leur sac.
Surgissant d'un croisement du couloir, Mme Reboulet sourit et d'une voix mielleuse déclare :
- Bonjour les enfants !
Son parfum nous embaume, étouffe presque. Elle ouvre la porte avec difficulté, mettant chaque fois du temps à trouver la bonne clé. Mais nous restons silencieux. Parce que Mme Reboulet est une excellente professeure. Et qu'elle a beau être adorable, elle nous terrifie. On se faufile à l'intérieur, respectant scrupuleusement le plan de classe.Mme Reboulet fait l'appel. Un silence lourd règne dans la salle.
Chaque syllabe est prononcée d'une lenteur exaspérante. Lorsque que le dernier prénom est annoncé, j'ai le sentiment qu'il s'est déjà écoulé une vingtaine de minutes. Je regarde ma montre. Non, seulement trois.
- Vous êtes en séance d'exercice aujourd'hui. Vous savez ce que cela veut dire.
Mme Reboulet se lève, fait claquer ses talons sur le sol pour se planter devant Quentin, au milieu du premier rang.
- Vous pouvez vous entraider, mais seulement en chuchotant. Le premier que j'entends trop sera collé. Évidemment je suis à votre disposition si vous avez des questions.
Elle affiche les exercices au tableau, reste un instant debout à nous observer avant de retourner à son bureau.
Aussitôt je sors mon manuel de maths et le place au centre de la table.
Ah, les pourcentages. Ma mère me répète inlassablement que ce n'est pas compliqué, et ils ont tous l'air d'y arriver dans la classe. Sauf que la simple lecture de l'énoncé me donne la migraine.
Abandonnant sûrement trop vite, je me mets à gribouiller rageusement les carreaux de mon cahier.
- Tout va bien ?
Au son de sa voix, je sursaute.
- Oui... Je ne comprends rien à l'exo 117.
Jonah sourit, je plonge mes yeux dans les profondeurs des siens. Leur noir intense m'absorbe.
- Je ne peux rien faire pour toi, je suis bloqué au 114 et j'ai trop peur de regarder ce qu'il m'attend ensuite.
- Tu veux que je t'aide ?
Il répond à l'affirmative.
Plan de classe :
Julie – Clément | Axel – Quentin – Justine | Emilie - Jonah
Mathias - Lucie | Emil - Yasmine - Louise | Chloé - Simon
Arthur – Eyden | Sarah – Coralie - Rémi | Rafael - Ariane
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Émilie
Historia CortaEst-ce que tout va bien ? C'est une question intéressante. Je ne vois pas comment "tout" pourrait aller bien. "Tout", ça englobe trop de chose. "Tout" ne peux jamais aller bien. Mais si tu me le demande, je te répondrai sûrement "oui".