Une main se pose sur mon épaule. J'ai un léger sursaut. Agathe me regarde, inquiète.
- Tu te sens bien ?
J'ai une légère hésitation, mais je finis par hocher la tête en souriant.
- T'es malade ?
Elle fronce les sourcils et pose une main sur mon front.
Mia apparaît à côté d'elle, et penche la tête sur le côté.
- C'est vrai que tu es pâle.
-Ah ? je réponds, perplexe.
- Tout va bien ? redemande Agathe
- T'es pas morte ? renchérie Mia.
J'ai un petit rire.
- Je vais bien, je suis juste un peu fatiguée.
Agathe pose ses mains sur ses hanches.
- Tu as bien dormi ?
- T'as fait une insomnie ? Demande Mia.
- J'ai eu un peu de mal à m'endormir, mais c'est surtout le travail énorme que les profs nous donnent qui me fatigue.
- Ah, toi aussi t'as une évaluation bilan avec Reboulet ? Agathe s'assoit à côté de moi.
- T'inquiète, on l'a faite, elle est simple.
Mia, en face, s'assoit sur le sol.
Je leur souris.
- Je l'ai cet après-midi.
- Tu veux qu'on te dise ce qu'il y a dedans ?
Mia commence à fouiller dans son sac, mais je réponds à la négative.
Agathe et Mia se regardent un instant, une expression étrange sur le visage.
- Comme tu veux, répond Mia.
Puis, elles se lèvent, la première déclarant que ça va bientôt sonner, et que l'on doit rentrer.Le midi, nous nous retrouvons tous devant le lycée pour aller derrière l'établissement, où se trouve le réfectoire ainsi que la cantine extérieure. Aussitôt sorties, Mia, Agathe et Mathilde s'élancent vers moi.
Agathe pose à nouveau une main sur mon front.
- Tu te sens mieux ?
- Oui, oui. Une petite sieste en SVT, rien de tel pour être requinqué.
- Tant mieux alors ! Mia m'adresse un grand sourire.
Mathilde penche la tête sur le côté.
- Tu ne sais pas ce que tu avais alors ?
- Juste de la fatigue.
Agathe nous tire vers le groupe qui commence à partir en direction du réfectoire, puis elle se tourne vers moi.
- Tu es sûre que tu ne veux pas qu'on t'aide pour les maths ? J'ai mon cahier dans mon sac.
- Non, j'ai bien révisé et je n'ai pas envie de penser à ça.
Mathilde hoche la tête en me lançant un sourire de connivence. Comme moi, elle tient toujours à obtenir chaque note par elle-même. Chaque victoire, grâce à son travail.
Nous marchons un moment en silence. Du coin de l'œil, j'observe Coralie qui marche aux côtés de Rafael. Alors je cherche Jonah du regard, en vain. Il n'est pas avec notre groupe.
- Tu as envie de parler ?
Mathilde se glisse à ma droite.
- J'ai vu les regards que tu lances à Coralie.
Je ne sais pas quoi répondre. Je ne suis pas sûre de savoir si j'en ai envie. Agathe et Mia se taisent, elles continuent de marcher devant nous mais je sais qu'elles écoutent Mathilde.
- Vous vous éloignez un peu elle et toi. C'est normal tu sais ? Ça ne veut pas dire que tu vas la perdre, au contraire. Vous vous faites suffisamment confiance, et n'avez plus besoin d'être constamment ensemble. Tu pourras compter sur son soutien en cas de besoin.
C'est alors que Mia prend la parole.
- Mais si jamais tu te sens mal, et que Coralie te semble trop inaccessible, n'oublie pas que tu peux aussi te reposer sur nous.
Agathe pose une main sur l'épaule de Mia avant de continuer.
- On ne te dit pas de ne pas te confier à ta meilleure amie. Mais on peut comprendre que parfois, le fait de connaître quelqu'un par cœur n'aide pas. Tu penses savoir comment elle réagira quand tu lui diras ces mots qui te coûtent cher. Et tu n'aimes pas cette réaction. Sauf que Coralie aussi te connait par cœur. Et les gens n'arrêtent pas de nous surprendre.
Mia sourit, avant de poser sur moi un regard bienveillant.
- Oui, mais si tu as trop peur malgré ça, parle à quelqu'un. Ne t'enferme pas, tu risquerais d'exploser sinon.
Les trois filles se regardent, puis Mathilde reprend.
- Nous, on ne te rejettera jamais, tu sais ? Peut-être qu'on ne va pas comprendre, ni même aider. Mais on est là. Et on fera tout pour.
Je ne sais trop quoi répondre.
Je crois que je me mets à pleurer.
Elles me prennent dans leurs bras.
Un mot s'arrache de ma gorge, comme un murmure, je m'entends souffler un "Merci".
Puis je pense à Jonah.
Je ne suis pas seule.
Pas encore.Je monte rapidement les escaliers, une assiette de cookies dans les mains. Je donne un coup de pied dans la porte de ma chambre, et dépose l'assiette sur ma table de chevet. Je déplace ensuite le meuble en face de moi, avant de m'asseoir sur mon lit, entre Simon et Coralie. Cette dernière pioche un biscuit, avant de croquer goulûment dedans.
- Aaah, Émilie, je vous aime toi et tes cookies.
- Merci !
J'ouvre mon cahier de français en grand.
- Alors, cet exposé !
Coralie s'allonge sur le lit en soupirant
- Tu ne veux pas qu'on fasse ça plus tard ?
Simon sourit.
- Pourquoi on est ici alors ?
Coralie fait la moue.
- Pour discuter tous les trois en mangeant de délicieux cookies ?
Elle referme mon cahier et le pousse par terre. Je lui donne un coup de coude.
- Émilie, quelle violence ! Tu me brises le cœur.
Elle pose la paume de sa main sur sa poitrine et fait mine d'agoniser.
Je lui redonne un léger coup dans l'épaule.
- T'es bête...
Simon m'attrape les bras comme pour m'empêcher de frapper Coralie.
- Émilie, on va la perdre par ta faute ! Écarte-toi, je vais lui faire du bouche-à-bouche...
- Non !
Coralie se redresse illico, repoussant Simon.
- Je vais mieux, merci...
Ils éclatent de rire. Coralie me prend le poignet.
- En parlant de cœur qui bat...
Je lui lance un regard interrogateur.
- On ne parlait pas de ça, si ?
Elle secoue la tête.
- Blablabla, entre Jonah et toi, y'a quoi ?
Je me fige.
- Hein ?
Simon prend un cookie, et l'avale en presque une bouchée.
- Oui, c'est vrai... Il se passe un truc entre vous ?
- Je... Hein ? Pourquoi ?
- Vous avez l'air... plus proche que d'habitude.
Ils ont dit la phrase en même temps... Ils se sont entraînés ?
Je déglutis. J'ai aucune raison de paniquer, ce sont mes meilleurs amis, je peux tout leur dire... Pourtant quelque chose me bloque.
- Il m'a juste aidée... C'était compliqué à un moment donné et il... M'a aidée ?
C'est vrai qu'il a été là. C'est vrai que c'est compliqué en ce moment. Je me demande... Pourquoi je n'arrive pas à leur parler de tout ça comme à Jonah ?
Simon et Coralie se lancent un regard inquiet.
Ils posent tous deux une main sur mon épaule. Coralie est la première à prendre la parole.
-Ça arrive à tout le monde d'être dépassé par les événements. On remarque tout à coup des choses qui nous échappaient jusque-là. Si tu as besoin d'une oreille attentive, on est là... Si tu veux.
Simon reprend un cookie.
- Tu pourras toujours compter sur nous. Même si personnellement je ne serais pas d'une très grande aide.
Coralie fronce les sourcils.
- Écouter c'est déjà aider en soi... Non ?
Simon hausse les épaules. Il ouvre la bouche pour répondre, mais j'interviens afin de changer de sujet.
- Merci les amis. Mais je vais mieux. Surtout là, maintenant, tout de suite. Et c'est grâce à vous.
Tous deux me serrent dans leurs bras. Mais cette étreinte ne me semble pas aussi réconfortante que d'habitude. Un silence s'installe doucement, seuls les cris que les cookies poussent lorsqu'on les grignote raisonnent.
Puis Simon interrompt ce silence.
- D'ailleurs Coralie, toi aussi tu nous caches des choses non ?
- Comment ça ?
- Rafael~
Il hausse plusieurs fois les sourcils.
Coralie attrape un oreiller pour le lui lancer. Il le choppe au vol, pour le renvoyer vers elle. Je me baisse, pour échapper à l'assaut mais aussi pour prendre le dernier cookie. Ils ont disparu si vite, c'est Simon qui les a tous mangés ?
Celui-ci me voit mâchouiller le dernier biscuit, et m'envoie un coussin sur le visage.
- Eh ! Pourquoi moi ?
- J'avais réservé ce gâteau !
- Je n'ai pas vu ton nom écrit dessus.
- Va falloir que tu me le rembourses.
- Mais c'est moi qui les ai cuisinés !
- Justement, tu peux les faire quand tu...
Il ne finit pas sa phrase, Coralie lui assène un oreiller sur la figure, avant de m'en envoyer un aussi. Et je me retrouve embarquée malgré moi dans la bataille. Des oreillers volent de partout.
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Émilie
Historia CortaEst-ce que tout va bien ? C'est une question intéressante. Je ne vois pas comment "tout" pourrait aller bien. "Tout", ça englobe trop de chose. "Tout" ne peux jamais aller bien. Mais si tu me le demande, je te répondrai sûrement "oui".