Je suis heureux de t'avoir fait sourire

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Après la sonnerie, je prends tout mon temps pour ranger mes affaires. Mes amis passent à ma table pour me dire au revoir, puis je sors tandis que le professeur fait tinter les clés de la porte en me jetant des regards appuyés.
Jonah n'était pas là aujourd'hui. Je lui ai envoyé un message ce midi, mais il ne m'a toujours pas répondu. Ça m'inquiète un peu. En plus je n'ai pas de bus ce soir. Il va falloir que je prenne le train mais le prochain m'emmenant près de chez moi ne sera pas là avant une heure.
Devant le lycée, il reste Rafael, Simon et Axel.
- On va traîner un peu avant de rentrer, tu viens ? demande Simon en me voyant.
J'ai un moment d'hésitation.
- Tu n'as pas de bus aujourd'hui, ça te permettrait d'attendre le prochain train.
Je lâche un petit soupire avant de hocher la tête en souriant.
Je suis les garçons jusqu'au parc, à quelques minutes du lycée. On s'installe dans une aire de jeux réservée aux enfants entre 6 et 10 ans. Tandis qu'ils discutent, je reste un peu en retrait. Nous nous asseyons ensemble sur une balançoire à bascule.
Axel pointe du doigt un banc qui se situe entre deux murs tapissés de lierre.
- Y'a toujours des personnes qui fument ici.
Simon sourit.
- Et ils ont entre 6 et 10 ans ?
Axel rit, avant de répondre.
- Non. Tu rajoutes un 1 devant.
Simon me regarde, perplexe.
- Les mecs ont 110 ans.
Sa remarque m'arrache un sourire.
- On est d'accord ?
Je hoche la tête. Pendant ce temps, Rafael est plongé sur son portable. Axel, qui se trouve à côté de lui, lui donne un coup dans l'épaule.
- Alors Don Juan ? Toujours en contact avec Coralie ?
Simon me glisse un regard l'air de dire "Ça te dérange qu'il parle comme ça de ta meilleure amie ?"
Axel continue de taquiner Rafael.
- Tu vas encore nous dire que c'est juste une amie ?
Simon tire la manche de son meilleur ami.
- Émilie est là...
Axel rougit, avant de s'adresser à moi
- Désolé, je n'ai pas réfléchi.
- Tu ne réfléchis jamais, renchérit Rafael
Je souris.
- Tu profites de la faiblesse d'Axel, Raf.
Les yeux pétillants , Axel m'adresse un sourire narquois.
- Oui Raf, ce n'est pas juste.
Je me lève, Simon suit mon mouvement et la balançoire tombe du côté des deux autres garçons.
Nous nous rapprochons d'eux, tandis que Simon susurre d'une voix aiguë ;
- Oui, Rafael, quel vilain garçon !
Le concerné fronce les sourcils.
- Tu essaies d'imiter qui là ?
Simon hausse les épaules.
- Le fantasme d'Axel ?
J'ai un mouvement de recule qui les fait rire.
- Hein ?
- Je ne sais pas de quoi il parle, répond Axel.
- Vraiment ?
Simon hausse ses sourcils de manière très suggestive, avant de continuer.
- Tu ne te souviens pas de ce jour, en EPS ?
Rafael se relève.
- Mais oui ! C'est vrai !
Je secoue la tête.
- Mais de quoi vous parlez ?
Simon me sourit.
- Axel nous a dit que quand il était petit, il était amoureux de...
- Chuut!
Axel se jette sur Simon pour poser ses mains sur sa bouche.
Je regarde Rafael, avant de m'agenouiller devant lui, levant théâtralement les bras.
- Je t'en supplie, la curiosité me tord le ventre, je ne peux respirer ! J'ai besoin de savoir !
Je fais semblant d'agoniser.
- Rafael, si tu dis un mot...
Axel ne lâche pas Simon, mais il a les yeux rivés sur Rafael.
- Mais regarde la, elle va mourir si je ne dis rien.
- Je croyais que tu étais mon ami !
- Je mourrais pour toi tu le sais bien ! Sauf que cette jeune et innocente femme ne mérite pas de mourir pour si peu !
- Mon tendre ami, il ne lui arrivera rien je te le promets ! Tu dois me faire confiance !
- Axel, je te fais confiance !
Alors, dans cette scène dramatique, ils se jettent dans les bras de l'autre, libérant Simon au passage, qui s'écrit:
- C'est dans un dessin animé pour enfant !
Les deux autres garçons font volte-face.
- Toi ! s'écrit Axel.
- Mon cher ami, reprend Rafael, battons-nous pour défendre ton honneur !
Puis Rafael se baisse, Axel monte sur son dos et ils nous foncent dessus.
- Hue dada ! S'écrit Axel.
Simon m'attrape par le bras.
- Fuyons !
Nous nous cachons derrière un toboggan, et Simon se penche vers moi.
- Ils arrivent, je vais te porter et on va les attaquer !
- Ou alors on fuit...
- Non, la meilleure des défenses c'est l'attaque !
Je ris, Simon se baisse pour me porter. Nous sortons de notre cachette pour foncer vers les deux autres. Bras tendus, hurlant des "À l'attaque !", nous nous battons vaillamment jusqu'à l'épuisement.
Nous finissons par nous effondrer ensemble sur le sol. Axel et Rafael, toujours dans leur jeu de rôles, nous promettent une revanche.
Puis nous nous séparons.

Simon habitant près de la gare, il me raccompagne. Nous marchons un moment en silence, fatigués de nos bêtises.
En y repensant, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas rit comme ça. Je soupire.
- Personne n'a gagné.
Simon souffle et le coin de ses lèvres s'étire.
- Oui. Mais c'est mieux comme ça non ?
Je relève la tête vers lui. Il a l'air comblé.
- Tu as raison.
Lorsque nous arrivons sur le quai, le train est sur le point d'arriver.
- C'était cool non ?
Sortant de mes pensées, je le regarde, perplexe.
- Hein ?
- Tu t'es amusée ?
J'ai un petit rire.
- Bien sûr. Pourquoi ?
- Non rien.
Il laisse un silence avant de reprendre.
- Je suis heureux de t'avoir fait sourire.
Les portes du train sonnent, Simon me pousse à l'intérieur. Puis le paysage se met à défiler avant même que je ne réussisse à comprendre ce qu'il vient de se passer.



Chez moi, couchée dans mon lit, je repense à cette journée. Puis, soudain, j'ai comme un flash.
"- Tout va bien ?"

C'est vrai, j'ai envoyé un message à Jonah, pour savoir comment il allait. Je ferme les yeux, et saisis mon téléphone. Une boule se forme dans mon ventre. Et s'il...
Mon portable vibre dans mes mains, et je manque de le faire tomber dans un sursaut.
C'est justement Jonah.
"- Hey hey, désolé, je réponds seulement maintenant parce que quand je suis malade, mes parents me prennent mon portable. Tu sais, au cas où les vomissements et la fièvre soient une excuse pour rater les cours😭.
Non, mais je vais bien ne t'en fais pas😅
En plus j'ai le week-end pour me rétablir, et apparemment, j'ai plus de fièvre ! Elle est venue aussi vite qu'elle est partie.
Peu importe, je me rends compte que je suis en train de te harceler... Je suis en manque d'interaction sociale 🥲... Et toi, tout va bien ?"
Je sens mon cœur battre un peu plus fort lorsque je tape ma réponse.
" - Je vais bien, mieux depuis que je sais que tu n'es pas mort. Ce n'était pas une journée incroyable, tu n'as vraiment rien raté. Si tu as besoin d'interaction sociale, n'hésite pas, je suis là."
"- Baha, merci, tu me sauves du silence triste de ma chambre !
Mais ma mère vient de hurler pour que je lui rende mon portable, tu as quelques secondes pour répondre à ce message et faire en sorte que je me sente moins seul 😬"
"- Nooon! 😂
Repose toi bien Jonah, et à lundi."
Il répond avec un message vocal.
"- Toi aussi Émilie, et merci"
Son statut change en "hors ligne". Je suis un peu déçue.

Et je finis par m'endormir, réécoutant le dernier message de Jonah.

ÉmilieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant