Ce matin, je ne m'assois pas sur le banc. Je contourne le bâtiment pour m'installer dans une sorte de petite ruelle submergée de plantes. Je prends un livre, et essaie de me plonger dedans.
J'ai besoin de m'éloigner de tout ça.
J'ai besoin d'être seule.
Je croisJusqu'à ce que je reçoive un message. Jonah.
"- Tu n'es pas là ?"
C'est à ce moment que je comprends que je n'ai plus envie d'être seule. M'éloigner est juste un moyen de ne pas penser à mes problèmes.
Mais je veux être honnête avec Jonah.
"- Je suis dans une ruelle, côté droit du lycée."
"- Mais qu'est-ce que t'es allé faire là-bas ? 😂"
"- Je cherchais des pâquerettes 😌"
"- Ça explique tout 👀"
Il arrive quelques secondes plus tard, et se met à côté de moi.
- Tu lis quoi ?
Je baisse les yeux sur la page. Je l'avais pris dans l'étagère de mon père, sans faire attention.
- Oh, mais c'est un manga !
Jonah rit.
- Tu fais quoi depuis tout à l'heure ?
Je souris.
- Je croyais lire un roman... Je crois que je me suis trompée.
Il y a un silence. J'entends la respiration de Jonah.
Et comme chaque fois qu'il se retrouve à côté de moi, les mots sortent tous seuls.
- Parfois j'aimerais m'enfoncer dans le sol, ne faire qu'un avec lui. Je voudrais, non pas disparaître, mais fondre. Arrêter de ressentir des gênes, de la douleur, de la honte, de la peur. Être lisse de tous sentiments.
J'aimerais réussir à me convaincre quand je dis que tout va bien. Réussir à m'endormir malgré mes maux. Réussir à me libérer de cette emprise. Cette emprise que ce monde pèse sur moi. Trop lourd. Je suis trop solide. Ma peau ne fond pas. Ou alors c'est l'inverse. Le sol est trop solide. On ne fusionne pas. J'essaie d'éloigner mes tourments, de me dire que c'est idiot parce que je le pense, que je suis égoïste parce que je le pense, que je vais bien parce que je n'ai aucune raison de ne pas aller bien.
Parfois j'arrête de respirer. Juste pour voir ce que ça fait. Je me demande si je vais mourir. Je sais que non. J'ai lu une étude dessus. Tu reprends toujours ton souffle, ton corps veut vivre.
Je décroise mes bras. Je n'avais pas remarqué que je les serrais si fort. En posant mes mains au sol, je sens sous mes doigts celle de Jonah.
- Désolée
Il ne répond pas, et prend ma main dans la sienne, avant de souffler.
- Tu n'as pas à l'être.
Je regarde son profil. Ses yeux sont rivés sur les buissons en face de nous. Puis il tourne la tête vers moi.
Et je me rends compte que nos visages sont très proches. Je peux sentir son souffle sur ma peau.
Nous nous rapprochons doucement, comme attirés l'un vers l'autre.
- Ça va sonner, on rentre !
La voix d'Agathe raisonne, elle semble si proche que je sursaute et m'éloigne de Jonah.
De son côté, il réagit de la même manière.
Encore sonnée, je me lève.
- Je vais rejoindre les autres.
J'hésite un instant, avant de lui demander,
- Tu viens avec moi ?
Il plie ses genoux pour les serrer contre lui.
- Non, j'ai besoin de réfléchir un peu, j'arrive plus tard.
Je reste immobile un moment. J'ai la vague impression que quelque chose s'est éteint dans son regard.
Puis j'entends Coralie m'appeler. Alors je pars.Je le laisse seul.
Plus tard, dans l'après-midi, Julie et moi nous promenons dans la cour.
- Tu sais...
Elle coupe sa phrase, les yeux rivés vers un coin de la cour.
- Émilie, je crois que nos amis essayent de s'enfuir.
- Hein ?
Elle pointe du doigt un espace de la cour où le grillage est troué, laissant la possibilité aux élèves de passer un bras au travers. Enfin... De l'autre côté il y a une forêt alors l'intérêt est faible. Pourtant, Quentin et Enzo sont agglutinés devant.
Je lâche un soupire
- Qu'est-ce qu'ils sont encore en train de faire ?
Julie rit, avant de me proposer d'aller voir. J'accepte d'un hochement de tête.
Nous nous approchons en silence. Julie se glisse derrière Enzo pour lui faire peur en criant
- Les mains en l'air ! Vous êtes démasqués !
Elle finit même par me faire sursauter tant son cri est puissant. Les deux garçons se retournent dans un même mouvement, avant de souffler en voyant que ce n'est que nous.
Enzo fait une tape sur la tête de Julie
- T'es bête !
Aussitôt, elle réplique.
- Outrage à agent ! Je vais te coffrer !
Les deux se chamaillent, tandis que je me rapproche de Quentin.
- Vous étiez en train de vous enfuir ?
Il rit.
- Mince, comment t'as deviné ?
- C'est que je suis une détective hors-pair.
J'arrive une nouvelle fois à le faire rire
- Plus sérieusement, on essayait de prendre de grands bâtons.
Je fronce les sourcils.
- « Plus » quoi t'as dit ? « Plus sérieusement » ?
Enzo, qui s'était mis à nous écouter, m'interrompt.
- Pourquoi tu te moques ? C'est très important.
Julie penche la tête sur le côté
- Important pourquoi ?
Enzo passe sa main à travers le trou.
- Je vais te montrer.
Il en sort une branche plus grande que lui, et la tape sur le sol.
Quentin applaudit, et je décide de renchérir.
- Wow, Enzo, tant de pouvoir dans cet homme.
Julie rit, avant de croiser les bras.
- Oui, donc tu as pris un grand bout de bois juste pour le frapper sur le sol ?
- Je maîtrise un pouvoir dont vous, misérable être humain, ne soupçonnez même pas la puissance, mwahahahah.
Il fait semblant d'attaquer Julie, c'est alors que Quentin passe à son tour le bras derrière la barrière pour saisir une branche. Il se place rapidement entre Enzo et Julie, et les deux garçons se mettent à se combattre.
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Émilie
Historia CortaEst-ce que tout va bien ? C'est une question intéressante. Je ne vois pas comment "tout" pourrait aller bien. "Tout", ça englobe trop de chose. "Tout" ne peux jamais aller bien. Mais si tu me le demande, je te répondrai sûrement "oui".