Terminus.

Bus Stop 14.

Depuis déjà une bonne dizaines de minutes, Janessa ne cesse de me balancer des insultes ou des pics qui ne font que me sentir un peu plus mal-à-l'aise et humilié. Mais est-ce que je dois vraiment la laisser prendre ce dessus sur moi aussi facilement ?

Pendant toute ma vie, j'ai suivi les directives de quelqu'un que ce soit de Taylor, de Janessa ou encore de Blaire. Ma vie s'est complètement faite sur leurs envies. Ils voulaient que je passe mon après-midi dans une poubelle ? Vœux exaucé. Il voulait que je me fasse punir pour leurs conneries ? Vœux exaucé. Il voulait que je finisse par être la garce du lycée ? Vœux exaucé.

Ils ont fabriqué une image de moi au sein du lycée qui est absolument l'opposé de ce que je suis réellement. Ils ont ce contrôle permanent sur ma personne dont je n'arrive pas à me défaire. J'ai l'impression d'avoir été l'oeuvre d'un plan machiavélique de la vie dont l'unique but était de me piéger. La vie m'a tendu un piège et je n'ai rien à quoi me raccrocher. Et cette sensation est horrible.

Mais même si je ressens ce mal-être, c'est de cette façon que j'ai toujours vécu et je ne connais rien d'autre. Je ne saurais pas comment faire pour que ce cauchemar s'arrête, ce cauchemar est mon quotidien. J'ai beau vouloir vivre une autre vie de toute mes forces ,avoir une seconde chance de recommencer la mienne dans de meilleures conditions, nous ne sommes pas dans un jeu vidéo et je ne possède pas plusieurs vies. Le monde auquel j'appartiens ne nous en donne qu'une seule qu'il faut préserver à tout prix, coûte que coûte, malgré les obstacles qui paraisse insurmontables.

Et après mûre réflexion, je me demande bien si la mienne en vaut vraiment le coup. Me donner la vie en a gâché une pour une personne beaucoup plus méritante que moi.

Je soupire lourdement sans m'en rendre compte. Mon esprit est en constante recherche d'explications à des choses futiles et c'est parfois exténuant. J'en ai de violentes migraines à certains moments mais ça ne l'empêche pas de continuer de fonctionner et d'occuper la totalité de mon esprit à réfléchir sur la taille de la pièce où je me trouve, quel est le matériau des murs en dessous de la peinture, pourquoi réfléchissons nous autant. Et d'autres questions existentielles pour mon esprit qu'il est inutile de citer.

En vérité, j'ai appris que mon cerveau ne marche que d'une seule et unique façon. Je ne sais pas comment penser autrement ou réagir autrement que je l'ai fait par exemple avec Lauren, Zachary ou encore Janessa. Il existe plusieurs visions de ce monde tout comme différentes façons d'occuper notre temps. Il ne reste qu'à savoir laquelle nous correspond réellement, encore faut-il être sûr d'avoir trouvé celle qui nous convient et que celle que l'on utilise actuellement soit la bonne.

Je ferme doucement les yeux. Peut-être me faut-il un coup de pouce pour que je puisse avoir assez de courage afin d'enfin devenir cette personne que j'ai tant de mal à montrer et qui est enfoui en moi ? Il y a-t-il vraiment ce quelqu'un enfoui en moi ?

"Tu n'as pas à subir ça, tu es bien au dessus de tout ça." me murmure Zachary me sortant de mes pensées.

Je me tourne vers lui en fronçant les sourcils. Ce garçon m'impressionne de plus en plus. C'est comme s'il lisait dans mes pensées et c'est assez frustrant.

Mais pourquoi aujourd'hui ? Tout semble se ramener à cette journée. Pourtant, elle n'a rien d'exceptionnel à part ma rencontre avec Lauren, Zachary et cette adorable petite fille.

En y repensant, cette journée a été l'une des meilleurs de toute ma vie et je compte bien perpétuer celle-ci.

Je suis plus forte que ça.

Je n'ai pas à subir ça.

Ils ne m'atteindront plus.

Poussé par cette force intérieure qui s'intensifie en moi, je lève mon regard vers Janessa et la fusille du regard. Son sourire triomphal se fane peu à peu pour laisser place à une expression d'incompréhension. Oh oui, tu peux froncer les sourcils espèce de pimbêche parce que tu ne pourras plus rien me faire.

"Qu'est-ce que tu as à me regarder de cette manière ?" glousse-t-elle avec Blaire.

Je souris, "Rien, je trouve que c'est une magnifique journée aujourd'hui, n'est-ce pas ?"

Elles se regardent entre elle de longues minutes afin de comprendre mon changement de comportement soudain alors que je vois Lauren et Zachary sourire de satisfaction discrètement.

J'ai pu placer plus de deux mots devant Janessa, celle qui se plait à me faire du mal depuis des années.

Et crois moi, je n'ai pas fini de te parler, sale pimbêche.

Je crois que pimbêche est le mot qui la définit le mieux. Parce que sa prétention sera sa perte.

Le bus s'arrête, j'inspire, les portes s'ouvrent, les passagers montent et descendent, j'expire, les portes se referment. Le bus redémarre et je regarde Janessa d'une manière dont je n'ai jamais regardé personne.