Chapitre 4

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Finalement, papa ne s'est pas énervé. Je lui ai fait mon petit laïus « bonne nouvelle / mauvaise nouvelle » et il s'est contenté de soupirer avant de me dire : « L'important, c'est que tu n'aies rien. » La voiture a besoin d'une pièce de rechange en provenance de l'Indiana ou de l'Idaho. En attendant, je devrai partager la voiture de papa, prendre le bus pour aller au lycée ou demander à Bellamy de m'y conduire. C'est ce que j'avais prévu de faire.

Echo nous appelle plus tard dans la soirée, pendant que je regarde la télé avec Madi. Je hurle à papa de rappliquer. On s'assoit tous les trois dans le canapé et on se passe le téléphone pour lui parler à tour de rôle.

— Echo ! Devine ce qui s'est passé aujourd'hui ! braille Madi.

Je lui lance un regard noir, je secoue frénétiquement la tête et je lui dis : « Ne parle pas de la voiture » en bougeant seulement les lèvres.

— Clarke a eu... (Cruelle, Madi marque une petite pause.) ...une dispute avec papa. Ouais !
Elle a été méchante avec moi et papa lui a dit d'être plus gentille et ils se sont disputés.

Je lui arrache le combiné des mains.

— On ne s'est pas disputés, Echo. Madi fait juste sa peste.

— Qu'est-ce que vous avez mangé ? demande Echo. Vous avez fait le poulet que j'ai décongelé hier ? Sa voix semble si lointaine. J'augmente le volume.

— Oui, mais ne parlons pas de ça. Tu t'es installée ? Comment est ta chambre ? Elle est grande ? Et ta coloc ?

— C'est une fille très sympa. Elle vient de Londres et elle a un accent très british. Elle s'appelle Penelope St. George-Dixon.

— Eh ben ! Plus british tu meurs ! Et ta chambre ?

— C'est un peu la même que celle qu'on a visitée à l'Université de Virginie. En moins neuf.
— Il est quelle heure, là-bas ?

— Presque minuit. On a cinq heures d'avance, tu te souviens ?

« On a cinq heures d'avance » ? Elle se considère déjà chez elle en Écosse. Après une journée sur place, à peine.

— Tu nous manques déjà, lui dis-je.

— Vous me manquez aussi.

Après manger, j'envoie un SMS à Raven pour lui demander de passer, mais elle ne répond pas. J'imagine qu'elle traîne avec un de ses potes. Pas de problème. Je vais pouvoir continuer le scrapbook de Echo. Mon plan, c'était de le finir avant son départ, mais Rome ne s'est pas construite en un jour, tous les scrapbookers vous le diront. Parfois, on passe une année entière, voire plus, sur le même projet.

Je mets de la musique et j'étale mes fournitures devant moi : ma perforatrice en forme de cœur, des tonnes de papiers différents, des images découpées dans des magazines, mon pistolet à colle, mon rouleau de scotch, des rubans adhésifs de toutes les couleurs... Des souvenirs comme le ticket de la comédie musicale Wicked, qu'on est allées voir ensemble à New York, des additions, des photos. Des rubans, des boutons, des autocollants, des porte-bonheur. Un bon scrapbook a de la consistance. Il est épais et ne se ferme jamais complètement. Je travaille sur la page « bellamy et Echo ». Elle peut dire ce qu'elle veut, je suis convaincue qu'ils se remettront ensemble. Et même si ce n'est pas le cas, Echo n'effacera pas Bellamy de son existence comme ça. Ce n'est pas son genre.

Il fait partie intégrante de sa dernière année de lycée. De toute sa vie, je dirais. Le seul compromis que je suis prête à faire, c'est de ne pas utiliser de ruban adhésif « cœur », comme je l'avais prévu, mais d'opter pour un motif écossais classique. Malheureusement, quand je le place à côté des photos, les couleurs ne rendent pas aussi bien. Tant pis, je me rabats sur mon premier choix. Tout en me balançant au gré de la musique, j'utilise mon gabarit en forme de cœur pour découper leur photo du bal de fin d'année. Echo va adorer. Je m'apprête à coller un pétale de rose séché que j'ai prélevé sur son bouquet de poignet lorsque mon père toque à ma porte.

A toute les personnes que j'ai aiméOù les histoires vivent. Découvrez maintenant