A toute les personnes que j'ai aimé

Chapitre 3

Le lendemain, on dépose Echo à l'aéroport. Dans le parking, on charge ses valises sur un chariot. Madi essaie de grimper dessus pour danser, mais notre père la fait immédiatement descendre. Echo insiste pour nous quitter à l'entrée, comme elle nous l'avait dit.

— Laisse-moi au moins enregistrer tes bagages, dit papa en poussant le chariot derrière elle. Je veux être sûr que tu passes les contrôles de sécurité.

— Ça va aller. J'ai déjà pris l'avion toute seule. Le check-in, c'est pas compliqué.

Elle se dresse sur la pointe des pieds et passe les bras autour des épaules de notre père.

— Je vous appelle dès que j'arrive, dit-elle. Promis.

— Appelle-nous tous les jours, je chuchote.

La boule dans ma gorge n'arrête pas de grossir. J'ai les larmes aux yeux. J'avais espéré ne pas craquer. Je savais que Echo ne le ferait pas, et c'est pathétique de pleurer toute seule, mais c'est plus fort que moi.

— T'as pas intérêt à nous oublier ! la menace Madi.

Echo sourit.

— Comment pourrais-je vous oublier ?

Elle nous embrasse chacun notre tour. Elle me garde pour la fin, comme je m'y attendais.

— Prends soin de papa et de Madi. C'est toi l'aînée, maintenant. Je ne veux pas la laisser partir, alors je la serre plus fort. J'ai toujours l'espoir de détecter un signe, une preuve qu'on lui manquera autant qu'elle nous manquera. Mais elle rit et je la lâche.

— Bye, Echo, dis-je en essuyant mes larmes sur mon tee-shirt.

On la regarde pousser le chariot vers le guichet d'enregistrement. Je pleure comme une madeleine. Papa pose un bras sur mes épaules et l'autre sur celles de Madi.

— On attend jusqu'à ce qu'elle passe les contrôles, dit-il.

Après avoir enregistré ses bagages, Echo nous regarde à travers les portes en verre. Elle nous fait signe de la main et se dirige vers les portiques. On la regarde partir en pensant qu'elle se retournera une dernière fois, mais non. Elle est déjà loin de nous. Echo a toujours été la meilleure. Quand ce sera mon tour de partir, ça m'étonnerait que je sois à sa hauteur. D'un autre côté, personne n'est à la hauteur de Echo. Je pleure pendant tout le trajet du retour. Madi me fait remarquer que je suis un gros bébé, mais elle se penche vers moi et me serre la main, preuve qu'elle est aussi triste que moi, finalement.

Echo n'est pas quelqu'un de bruyant, mais la maison est calme sans elle. Bizarrement vide. Je me demande quel effet ça fera quand je partirai, dans deux ans. Que deviendront papa et Madi ? Quand ils rentreront, le soir, la maison sera sombre et déserte sans nous. Je n'aime pas cette idée. Je n'irai peut-être pas très loin. Je pourrais continuer de vivre à la maison. Pendant le premier semestre, en tout cas. Je crois que ce serait la meilleure chose à faire.
Plus tard dans l'après-midi, Raven m'appelle pour me donner rendez-vous au centre commercial. Elle voudrait mon avis avant d'acheter une veste en cuir et insiste pour que je vienne la voir. Je suis flattée qu'elle me demande conseil en matière de mode, et ça me ferait du bien de sortir et d'arrêter de me morfondre, mais j'ai peur de conduire toute seule. De l'avis de tous, je suis plutôt nerveuse au volant. Je lui demande de m'envoyer une photo, mais Raven me connaît par cœur.

— Nan, nan. Tu bouges tes fesses et tu rappliques, Clarke. Si tu veux t'améliorer, tu dois te forcer à conduire !

Me voilà donc en route pour le centre commercial à bord de la voiture d'Echo. J'ai mon permis, c'est juste que je n'ai pas confiance en moi. Mon père m'a servi de copilote un nombre incalculable de fois. Echo aussi. Quand ils sont avec moi, je n'ai aucun problème, mais dès que je suis toute seule, je panique. J'ai surtout peur de changer de voie. L'idée de quitter la route des yeux, ne serait-ce qu'une seconde, me terrifie. Et je n'aime pas aller trop vite. Mais le pire, c'est que j'ai tendance à me perdre. Les seuls endroits où je peux me rendre sans problème, c'est le lycée et le supermarché. Je n'ai jamais mémorisé d'autres itinéraires, car c'est toujours Echo qui nous trimballe. Mais maintenant, il faut que je me secoue !