L'obscurité

99 15 13
                                    


— Déshabille-toi, vite !

Une urgence vitale fait pulser mon sang dans mes veines. Je pose mes doigts sur lui, je lui arrache ses vêtements. Sa peau se découvre. Mon ventre se contracte. Je dois me dépêcher, il risque de mourir. Je suffoque. Je déboutonne son pantalon, glisse mes mains sous la ceinture et agrippe ses hanches. Il me laisse faire, consentant. Je m'agenouille devant lui pour faire glisser son pantalon le long de ses interminables jambes, aux cuisses fuselées et puissantes. Je relève les yeux vers lui, il me surplombe, me domine. Il est à couper le souffle, la peau offerte.

— Mew... murmure-t-il d'une voix grave et sensuelle.

Ces yeux semblent me supplier. Je dois le sauver. Je pose ma paume sur sa cheville, caressant sa peau masculine et pourtant si douce. Je me relève lentement sans rompre le contact. La pulpe de mes doigts glisse le long de sa jambe. Je sens le grain de sa peau, sa pilosité, ses muscles tendus. Je lui fais face, ses yeux magnifiques me sondent et m'appellent.

— Mew... Aide-moi...

Sa voix n'est plus qu'un souffle, je suis en train de le perdre. Il pose sa main sur mon torse. Je sens la tiédeur de sa paume. Il me touche et c'est tellement bon. Je ferme les paupières pour savourer cette sensation agréable qui, peu à peu, se transforme en malaise, pendant que la température augmente. Ma poitrine me brûle à présent. Une chaleur intense envahit tout mon corps, me faisant gémir de douleur. Il faut que ça s'arrête. Je me consume littéralement de l'intérieur, mais il ne retire pas sa main. Je ne peux plus bouger, mon cœur s'emballe, je sens qu'il va exploser. Le brasier infernal me submerge. Un cri d'agonie s'arrache de ma gorge...

Je me réveille en hurlant, le corps trempé de sueur froide, le cœur battant à tout rompre. Je me passe les mains sur le visage pour me sortir de ces sensations angoissantes. Mon esprit a du mal à sortir des brumes de ce rêve dérangeant... et excitant. La bosse qui déforme mon boxer ne laisse aucun doute sur ce que m'ont fait ressentir ces images de Gulf dénudé et la sensation de mes caresses sur sa peau.

Je ne me reconnais pas.

J'inspire profondément pour tenter de calmer mon rythme cardiaque. Je sais que ce rêve n'est que le reflet de ce qui s'est passé la veille. Je me sens étrangement en danger et cela n'a rien à voir avec le virus. Mon plus grand ennemi, à ce moment précis, c'est moi-même.

Il fait encore nuit, mais je décide de me lever, pour aller au travail plus tôt. L'eau chaude de la douche me permet de m'éclaircir la tête. Gulf m'attire, c'est un fait et il se doute de mon orientation sexuelle, vu sa question d'hier soir. Je sens confusément qu'il essaie de se rapprocher de moi. Je ne sais pas comment me comporter avec lui. Je vais peut-être devoir mettre les choses au clair entre nous. Il faut absolument que je garde mes distances. C'est capital.

Une colère sourde se réveille en moi, me faisant taper du poing sur le mur et contracter les mâchoires. Suis-je condamné à refouler toutes mes pulsions, mes désirs, ma vie entière ? Dois-je me résoudre à ne plus jamais sentir des mains sur moi, à ne plus ressentir de plaisir, ni d'amour ? Dois-je accepter de finir ma vie seul ?

C'est tellement... injuste.

Je pose mon front sur le carrelage froid, un poids énorme pèse sur ma poitrine. Comment garder l'espoir et la joie de vivre, quand la seule perspective d'avenir est la solitude, une vie fade et sans saveur, faite de peur et de méfiance ? Gulf a peut-être raison de se battre pour être heureux malgré tout. Mais, cela implique trop de risques... c'est impensable.

Je suis complètement perdu.

Je reste de longues minutes à essayer d'y voir plus clair dans ce flot de sentiments que Gulf a fait naître en moi, en à peine une journée. Je sais qu'il n'est pas le seul coupable. Ces deux années d'abstinence, coupées de tout contact, pèsent lourd sur mon équilibre psychologique. Toujours aussi confus, je me prépare et enfourche mon vélo pour me rendre au laboratoire. Une fois encore, travailler sera ma planche de salut.

La mort à fleur de peau - MewGulfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant