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Jared

Je me suis retenu de soupirer.

Elle commence son cirque.

Andy se retourne le premier, forcément, puisqu'il ignore qui c'est.

Le bruit symptomatique des talons de trop bonne facture martelant le sol succède aux (trop) courts applaudissements. J'ai l'impression d'être dans un mauvais film, tout ça est bien trop cliché.


J'aurai préféré finir en garde-à-vue.


Je reste dos à ce petit show, elle se donne en spectacle et a l'air d'adorer ça. J'observe plutôt les deux gaillards face à moi. Ils ont l'air content, le sourire aux lèvres. Je ne peux m'empêcher de ressentir un soupçon de mépris, envers moi-même.
J'ai laissé Jahra seule pour deux faux flics à peine armée d'un donut.

Dumb et Dumber, pas un pour rattraper l'autre. Putain mais ça se voit qu'ils ne sont pas policiers. Je ne dis pas ça parce qu'ils sont grands et trapu, l'air fainéant collé au visage.

Enfin si un peu.

Je le dis parce que leur uniforme a tout l'air d'un costume acheté dans un bazar. C'est pathétique.

J'aurai dû deviner que l'esprit tordu de ma tante se cachait derrière cette mascarade. Elle a toujours su y mettre du sien lorsqu'elle voulait m'apprendre une bonne leçon. Je repense à mon 16e anniversaire. Un pas si mauvais souvenir, elle avait vu des messages puérils et possiblement dangereux. Je comptais organiser la soirée du siècle et ça comprenait drogue et alcool...

Elle m'a laissé tout organiser, avant de mettre un laxatif dans un space cake et de nous observer les manger... Heureusement pour moi, c'était encore le début de la soirée et il n'y avait que Lana, Brad et Darren. Mais ça reste l'un de mes pires souvenirs....

Apparemment l'objectif était de nous éloigner de la drogue, et ça n'a pas vraiment fonctionné. Mais au moins j'ai arrêté de lui cacher ce genre de choses.

Une main fine se pose sur mon épaule et ses ongles se plantent légèrement dans mon omoplate. J'essaie de détendre mes épaules pour la dégager et surtout me préparer à encaisser ce qui va suivre.

Je tourne légèrement les yeux vers la lettre J tatouée sur son pouce, sous un parapluie.

Lou l'a fait pour moi, comme c'est poétique...

Elle interrompt mes pensées d'un claquement de langue contre son palais. Une manie qu'elle m'a transmise, sauf que j'émet ce petit son pour marquer mon incompréhension. Le sien sert à me prévenir qu'elle va certainement devenir brutale.

- J'ai carrément droit à l'expression la plus démonstrative de ton agacement ?

D'une simple pression sur mon épaule elle m'intime de me retourner.

Et... face à ses deux yeux noirs, en amande. Face à la femme qui m'a sauvé, je perd mes moyens.

Ma bouche devient sèche en quelques millisecondes. Dans ses pupille, je lis toute sa colère, sa déception. Elle n'a toujours pas parlé, certainement parce qu'on a un spectateur qui ne rate rien de cet échange non verbal (enfin de son côté). Mais elle n'en a pas besoin, parce que j'ai déjà compris.

Parfois j'oublie ma vie, j'oublie qui je suis. Et souvent, lorsque ça me revient, c'est parce que je croise son regard meurtri. Tout le monde ne gère pas ses émotions comme moi, je me force à les oublier. J'évite de penser à ce qui ne va pas, puisque je n'y peux rien de toute façon. Ça vaut pour ma situation familiale et pour à peu près tout dans ma vie. Si je ne peux pas influer sur la situation, ça ne sert à rien d'y penser et de se mettre plus bas que terre.

How to get away with loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant