- Birthnight (1) -

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La cloison des chiottes où j'avais trouvé refuge vibrait au rythme de la musique. Penchée au dessus du lavabo, les tympans en ruine, je ne priais plus tant pour le salut du voisinage que pour celui des fondations de cette barraque. A l'évidence, un séisme de magnitude 8 ne pouvait être plus dévastateur que cette soirée de Noël chez Hanji Zoe, et j'avais maintenant la quasi certitude que nous serions à la page des faits divers du journal du lendemain. "L'effondrement brutal d'une maison dans le quartier nord de Trost engloutit une trentaine de membres des forces spéciales réunies pour Noël. Josette, une voisine, témoigne : c'est bien fait pour cette bande de petits cons ! Doux Jésus ! On n'a pas idée de passer de la musique aussi forte jusqu'à point d'heure !". 

Je lâchai un soupir et relevai le nez pour inspecter le visage renvoyé par le miroir en face de moi. Un teint légèrement plus blafard qu'à l'ordinaire. De grands yeux noirs relevés par deux traits d'eyeliner - pas si dégueulasses pour une fois. Des cils dont la longueur faisait ma fierté. Deux pommettes saillantes. Une tignasse cuivrée attachée dans un savant coiffé-décoiffé qui exposait une nuque que j'estimais élégante. Un seul et unique grain de beauté sous l'œil droit. Une cicatrice de quelques centimètres encore rose au coin des lèvres - petit souvenir ramené de notre dernière excursion en territoire Mahr. Je relevai le menton et détournai la tête sur ma droite pour jeter un coup d'œil au tatouage qui recouvrait la moitié gauche de mon cou, comme pour m'assurer que lui aussi était bien resté en place. 

- Ok ma grande, fis-je en abattant une série de claques sur mes joues. On pourra rien faire de mieux avec tout ça alors maintenant tu prends ton putain de courage à deux mains et tu te lances ! 

Je soupirai. 

Les claques ne suffiraient pas. 

- Il me faut une paire de couilles, conclus-je d'un hochement de tête à l'adresse du reflet, à la recherche d'une approbation de sa part. 

- HINA PUTAIN ! QU'EST-CE TU FOUS ?! SORS DE LA ! J'AI SERIEUSEMENT ENVIE DE PISSER ! , brailla une voix de l'autre côté du battant. 

Je déverrouillai la porte des toilettes et me retrouvai face à un Kirstein trépignant.  

- Tu peux pas faire comme tous les membres de ton espèce et aller pisser dans le jardin ? 

- Hanji n'a pas de massifs, rétorqua-t-il d'un ton bien trop sérieux pour la teneur de nos propos. 

Je haussai les épaules. 

- T'as qu'à pisser dans ses jardinières. 

Jean pouffa à l'idée avant d'être secoué par un interminable frisson. Il se rua dans la pièce exiguë que je venais de quitter - me poussant allègrement au passage - et claqua la porte. De toute évidence, sa vessie était à l'agonie. 

-  HEY KIRSTEIN, m'écriai-je, bien trop sérieuse à mon tour. OUBLIE PAS DE RABATTRE LA LUNETTE ! 


* * * 


- HINAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! , brailla une voix nasillarde. 

Une Hanji était une plaie ambulante, mais une Hanji éméchée était comme les sept trompettes de l'Apocalypse : ça n'annonçait franchement rien de bon ! J'optai donc pour la tactique "fuyons !" et poursuivis ma route comme si de rien, jouant des coudes pour me frayer un chemin au milieu du salon bondé, transformé en piste de danse. Et croyez moi, si les fêlés qui ont rejoint les forces spéciales l'ont fait plutôt que d'entrer à l'Opéra, ce n'était pas pour rien. La majorité d'entre nous avons bien plus de grâce et d'élégance à tirer au fusil d'assaut qu'à tenir trois minutes sur n'importe quelle musique. 

// ONE SHOT // Où les histoires vivent. Découvrez maintenant