Nouvelle #13 - Jeu avec la mort

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Pour les poulettes, ypertext, mangeur_de_livre, Mayarahnee, Em_esse, AnyHunt

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Par cette nuit étrange au ciel dépourvue de lune, Pangon Belëmor, assis dans son lit, fixait une silhouette surnaturelle en osant à peine y croire. Devant lui se tenait un homme accroupi sur le rebord de son lit, qui le regardait fixement, pour ainsi dire. C'est en fait ce que Pangon s'imaginait, car à la vérité les profondeurs ténébreuses de son capuchon ne laissaient rien distinguer : ni yeux, ni nez, ni bouche. On aurait dit que cet homme était dépourvu de visage.

Il se tenait immobile, comme un corbeau perché sur le rebord d'une toiture, ne laissant rien deviner quant à ses intentions. Était-il prêt à fondre sur sa proie, simplement observateur, ou bien au repos ? Dans un tel état de nervosité, Pangon ne su trancher et décida de s'en remettre à la chance. Aussi, c'est avec une extrême prudence qu'il enchaîna toute une série de mouvements aussi lents que précautionneux, dans l'intention de s'extirper de ses draps sans être remarqué.

À peine eut-il posé un orteil sur le sol, qu'il fut saisi par deux sbires sortant soudainement des ténèbres en ricanant.

Leurs mines étaient affreuses, des visages, plutôt des gueules, cassées, tordues, grotesques aussi perturbantes qu'effrayantes, plus encore alors qu'ils ricanaient toujours comme des déments. Peut-être l'étaient-ils, après tout.

— Où croyez-vous aller, cher Monsieur Belëmor ? demanda soudain une voix caverneuse.

Jetant un œil en direction du lit, Pangon vit que l'homme à capuche, toujours immobile sur son perchoir, avait la tête tournée dans sa direction.

Est-ce lui qui a parlé ? Est-ce un fantôme ? trembla-t-il.

— Non, nous ne sommes pas des fantômes, cher Monsieur. Seulement des coursiers. Nous sommes venus vous récupérer, car notre course, c'est vous.

— Je... je ne comprends pas...

— Allons, faites un effort. N'avez-vous pas quelque dette à régler ? Réfléchissez bien.

Obéissant — comment imaginer faire autrement devant pareils avatars des enfers — il fit appel à ses souvenirs. Il chercha et chercha encore, aussi loin et avec la meilleure volonté, mais ce fut le néant. Ce dont on lui parlait, il n'en avait pas le moindre souvenir. Avait-il par mégarde contracté quelques prêts, demandé de l'argent ou bien réclamé un service redevable ? Non, il en était certain. Autrefois, il lui arriva bien de frayer avec la racaille lorsqu'il eut parfois la faiblesse de s'asseoir à des tables de jeu clandestines, mais jamais alors, malgré les revers de fortune, il n'eut contracté la fièvre du jeu et ne se mit dans le pétrin, comme ce fut le cas pour certains de ses amis.

Non, ils faisaient erreur, ces personnes étaient venues déranger le mauvais bougre, ce ne pouvait être que cela, une banale erreur sur la personne.

Voyant son air hébété, l'homme encapuchonné descendit de son perchoir et s'approcha de lui, très près, comme pour sonder son âme.

Il resta ainsi pendant quelques secondes, ou bien était-ce quelques minutes ? Pour Pangon, cela ne fit aucune différence, car le temps lui semblait suspendu, comme si...

— Je rêve, c'est cela. Ce ne peut être que cela. Je fais un cauchemar, un vilain cauchemar, c'est la seule explication. Monsieur, j'ignore véritablement à quoi vous faites allusion quand vous me parlez de dette. Je ne suis pas le plus parfait citoyen qui soit, certes, mais je puis vous assurer que je ne suis définitivement pas l'homme que vous recherchez.

Livre des Nouvelles : Fantasy - Volume 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant