08. Un douanier spécial

27 3 0
                                    

TW : Partouze.

C'était un choc absolu, un bouleversement sans nom. Ces quelques mots résonnaient sans cesse dans mon esprit. Le torturaient. Coupaient violemment ma respiration, comme Louis XVI quand sa tête s'était lamentablement détachée de son corps.

"Le Pape est mort."

Voilà les mots que ma mère, bouleversée également, m'avait adressés sans contexte dès mon réveil. Mon cœur s'était fissuré.

Peu de temps après...

Immédiatement après mon arrivée au bahut, je me dépêchais d'aller voir ma meilleure amie pour lui raconter cette péripétie. Je m'adressais alors à elle, d'une manière pressée :

- Romane (c'était son nom), me ferais-tu l'honneur de m'accompagner à l'enterrement du Pape ? J'aimerais vraiment que tu m'y accompagnes.

Elle me regarda de ses grands yeux suspicieux.

- Le Pape, dis-tu ? demanda-t-elle, sceptique.

- Oui, tu sais bien, je t'avais parlé de ma rencontre avec lui pendant notre discussion hier.

Elle haussa les sourcils, semblant trouver ma réponse des plus déplacées. En même temps, ce n'était pas ma faute si j'avais beaucoup de choses à dire pour vider mon sac, elle ne m'avait même pas interrompue.

- Bref, je te remets dans le contexte. Il y a à peine quelques années, mon papa, ma maman et moi étions partis à Ibiza en vacances. Lors d'une sortie en boîte de nuit une certaine soirée, j'ai rencontré un homme très noble, qui s'est présenté à moi comme étant le Pape. Il a été très bon avec nous, il nous a même appris les danses latino caliente. Mais pour moi, il est devenu un véritable confident, un ami de longue date, puisque je lui avais confié toute ma vie, à la seconde où mes beaux yeux bleus ont croisé les siens, légèrement injectés de sang, sûrement dû à l'alcool qu'il buvait comme de l'eau. De plus, il m'a appris sa langue natale. Tiens, sais-tu parler la langue du Pape lui-même ? Je ne crois pas non, et j'en suis navrée. Mais personnellement, j'ai eu la chance de me voir apprendre le latin par ce maître en la matière. Enfin bref, je m'égare. C'était l'homme le plus pur que j'ai jamais rencontré, et il a perdu la vie hier dans la soirée, ou ce matin, tout est relatif, alors qu'il marchait tranquillement dans la rue pour regagner son domicile après une bonne grosse séance de danses olé olé en boite. Il est malheureusement entré en collision avec un sale lampadaire qui se trouvait sur son chemin. Non mais, t'imagines ? De quel droit était-il là, celui-là ? C'est sa faute, aussi...

Je me mis à chialer comme une merde dans les bras de ma meilleure amie Romane, désemparée, qui me frotta énergiquement le dos, comme si cette action pouvait enlever mon infinie tristesse.

- Je réitère mon offre, réussis-je à prononcer entre deux gracieux reniflements. Me ferais-tu l'honneur de m'accompagner durant ce voyage ? Afin de me supporter dans ma douleur, en tant que meilleure amie...

Je sentis ses mains se crisper sur mon dos. Puis d'un coup, elle se détendit, secouant son corps de légers soubresauts de rire.

- Un séjour à Ibiza avec ma... meilleure amie ? Je ne dis pas non !

J'éclatai d'un rire bancal, continuant à pleurer. Hollywood devrait avoir le seum d'être passé à côté de tant de talent, tellement d'émotions ! Enfin, cela m'attristais vraiment.

On allait passer un chouette et douloureux moment ensemble, mais on allait lui faire honneur, et je m'y appliquerai personnellement en initiant Romane à nos danses latines, dans sa boite de nuit préférée. Sans me vanter, j'avais hâte d'assister à cet enterrement pour que toute cette tragédie soit derrière moi.

Le soir-même, je commençais à remplir ma valise. J'emportais avec moi uniquement le strict minimum, c'est-à-dire :

- un sweat de taille 6 ans

- un appareil auditif pour mon nez bouché

- un porte-clé avec juste l'anneau en fer

- mes 13 téléphones portables, de la marque Iphone

- une horloge et le pendule assorti

- une minuscule cinquantaine de crop-top noirs, pour l'enterrement

- une belle robe de soirée à paillettes

- trois canards en plastique pour mes bains

- trois escarpins gauches et quatre baskets droites (au cas où)

- un cactus, nommé Gérard

- un monocle pour astigmates aveugles

- une poignée de porte

- une demi-douzaine d'anti dépressifs (pour pas qu'ils ne m'approchent)

- une culotte

- un vidéoprojecteur de poche, un livre de poche et une imprimante de poche également

- une poche

- un gilet pare-balle de tête

- un chou de Bruxelles

- mon livre préféré (Apprends à écrire avec Dora)

- une clé USB cassée

- mon élevage de fourmis (qui prosperaient depuis mon visionnage du documentaire BrutX)

- une mèche de cheveux divine de Scott

- un sac à dos 8XL pour Romane

- mon avion de Barbie

une glacière contenant le pull odorant de Scott, ainsi que son bracelet de famille, transmis de génération en génération depuis mille ans

- une brosse à dents (celle de Scott)

- et enfin mes 288 boîtes de tampons tampax

J'étais fin prête !

Je retrouvais Romane à l'aéroport, un peu trop enjouée pour l'occasion. Je lui faisais un câlin d'approximativement 28 minutes et 35 secondes et 0,2 millisecondes, ce qu'elle eut l'air d'apprécier, au vu de son relâchement au bout de 3 minutes. Quand je la relâchai, elle s'écroula tel un petit caca.

Bref, nous passâmes la douane. 

Dans ma tête, les paroles "Wouwou that's the sound of da police ! Wouwou ni-nique la police !", en featuring avec Je ne regrette rien d'Edith Piaf, résonnaient. 

Tandis que je m'allongeais sur le tapis roulant pour me faire scanner aux rayons X, le douanier bg m'arrêta et me fouilla, parce que j'avais bipé. En effet, je trimballais mes anti-dépressifs sur moi, pour éloigner cette vermine. S'ensuivit un débat animé sur le sujet. Le bg voulait goûter mes anti-dépressifs, lui aussi en était terrifié, il craignait la contamination de cette tristesse très contagieuse.

Mais pourquoi pas, après tout ? Les douaniers ont toujours eu leurs petits univers bien à eux...

Il m'emmena alors dans la salle reculée réservée aux douaniers bgs, où moi et ses collègues primes l'apéro aux anti-dépressifs, avant qu'ils ne m'emmènent en me portant (à 88) vers mon jet privé, afin que mes petits pieds frêles ne se posent pas sur le sol souillé par les gueux.

Je ramassais Romane par la peau du cou en chemin, comme un cadeau gagné à la pêche à la ligne. 



A suivre...

Le Karma d'Amber SmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant