Chapitre 3

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Partie 2 : Juillet

Cassiopée resta chez elle une semaine sans sortir. Retour à la case départ. Elle avait la sensation de revenir plusieurs années en arrière. Elle avait pris le temps de réfléchir à ce que tout le monde lui avait dit et au fur et à mesure que le temps passait, elle estima qu'elle était plus forte qu'elle ne le croyait et qu'elle ne devait pas se laisser dominer par sa peur. Elle ne risquait rien dans le bureau où se trouvaient Emmanuel et Antoine. Elle laissa l'idée faire son chemin dans son esprit. Elle ne voulait plus être une victime, elle ne voulait plus que Lisandro l'empêche de vivre normalement. Dix jours après avoir quitté l'Institut, elle appela Teyssier.

-Si vous souhaitez revenir, vous êtes la bienvenue, répondit-il.
-Tout ce que je vous demande, c'est que monsieur Iñesta ne m'approche pas.
-Je vais être clair Cassiopée, je ne sais pas ce qui se passe entre vous mais les histoires de cul n'ont pas à interférer dans le travail. Je peux être compréhensif mais n'allez pas trop loin.
-Il ne s'agit pas de ça, ce sont des faits bien plus graves...
-Réglez le problème avec lui directement ou bien avec les forces de l'ordre, je ne suis pas assistante sociale.

Il raccrocha et Cassiopée eut envie de hurler. Elle se posa quelques instants pour réfléchir, Emmanuel Teyssier ne savait pas ce que Lisandro avait fait et elle avait effectivement besoin d'aide, elle contacta alors Constance sur sa ligne directe.

-Emmanuel vous a dit ça ? Je n'en reviens pas.
-Je suis un peu choquée mais il n'est pas au courant, il ne peut pas deviner. J'ai décidé de revenir, je dois reprendre ma vie en main mais pour ça j'ai besoin de vous.
-Je vous écoute.
-Organisons une rencontre avec Lisandro mais je veux que vous restiez avec moi.
-Je m'en occupe et comptez sur moi pour être à vos côtés.

Cassiopée roula jusqu'au château et retrouva Constance devant l'infirmerie.

-Je l'ai prévenu, nous avons rendez-vous dans le parc, à l'écart mais pas trop, ça vous convient ?

Elle fit oui de la tête sans répondre car au fond, rien ne pourrait lui convenir réellement. Les deux jeunes femmes s'installèrent à une table et elles le virent arriver de loin. Il portait un costume gris avec une cravate assortie et une chemise blanche. Cassiopée ferma les yeux en tentant de canaliser l'angoisse qui lui comprimait la poitrine. Plus il se rapprochait, plus les battements de son cœur s'accéléraient. Enfin, il arriva, les salua poliment et s'assit en face de Cassiopée. Constance était au milieu et c'est elle qui prit la parole la première.

-Je pense que c'est un moment très difficile à passer mais cette rencontre et ce que vous allez vous dire sont d'une importance capitale. Je ne suis pas là pour juger ou condamner qui que ce soit mais pour soutenir Cassiopée qui ne se sentait pas capable d'être seule. Est-ce que ça va aller ? Demanda-t-elle à la jeune femme.
-Oui, ça va aller, répondit-elle sans y croire. Pourquoi tu m'as fait ça ?
-Mais pourquoi je t'ai fait quoi ? Répondit-il d'un ton presque désespéré. Tu m'accuses de quelque chose que j'ignore, j'ai l'impression que simplement me voir te terrifie. Je t'assure que je ne comprends pas.
-A quoi tu joues ?
-Cassiopée, je sais que je vous demande l'impossible mais gardez votre calme. Expliquez à Lisandro ce dont vous parlez.
-Il sait très bien de quoi je parle...
-Cassiopée, je vous en prie. C'est une confrontation. Deux points de vue qui s'opposent.
-Très bien. Il y a cinq ans, après notre première rencontre tu m'as envoyé un sms pour que l'on se revoit. J'ai accepté, tu m'as dit de te retrouver au Club. Le soir venu, tu m'as envoyé un autre sms en me disant de te retrouver dans un petit coin à l'écart. Tu as ajouté "fais-moi confiance et laisse-toi faire".

Lisandro gigota légèrement sur sa chaise, mal à l'aise que Constance apprenne le contenu de leurs sms intimes.

-Oui, ça je m'en souviens très bien mais ensuite...
-Laissez-là terminer.
-Du coup j'ai compris que tu souhaitais qu'on se retrouve aux toilettes...
-Mais...Non !
-Lisandro ! Arbitra Constance.
-Alors je suis allée aux toilettes pour hommes. Une porte s'est ouverte derrière moi, on a posé un bandeau sur mes yeux et j'ai été entraînée dans une cabine. Ensuite, j'ai senti des mains gantées me toucher puis baisser ma culotte. Au départ, je pensais que c'était toi alors je n'ai pas opposé de résistance. Les gants sur ma peau m'ont alertés et une voix avec un accent étranger m'a dit "laisse toi faire" j'ai compris qu'il s'agissait d'un piège mais c'était trop tard. Tu n'as pas réussi à aller au bout, je t'ai mis un coup de coude dans ce que j'ai pu atteindre puis un deuxième, j'ai retiré le bandeau, tu étais évanoui sur le sol et j'ai vu un tatouage dans ton dos. Je me suis enfuie, j'ai demandé au barman s'il t'avait vu mais bien-sûr quand j'ai dit "Sandro" et "italien" dans la même phrase, il n'a pas compris. Alors, je suis rentrée chez moi, j'ai bloqué ton numéro et j'ai fracassé mon portable. Ma grand-mère m'a emmenée à la gendarmerie pour porter plainte. Ils ne m'ont pas pris au sérieux car je n'ai pu donner aucun détail sur toi, je ne te connaissais pas, en fait. Depuis cinq ans, ça me ronge. Je pensais que je n'aurais jamais de réponse alors j'ai essayé de continuer à vivre en oubliant. Ma grand-mère est décédée, j'ai hérité de sa maison, ici à Calvières alors je m'y suis installée et j'ai trouvé un travail à l'Institut. Te revoir m'a fait un tel choc, j'ai cru revivre mon cauchemar une deuxième fois.

Essoufflée, la jeune femme se tut, incapable de dire tout ce qu'elle pensait, incapable de formuler toutes les questions qui la tourmentait depuis toutes ces années. Lisandro l'avait écoutée avec attention et elle fut surprise de voir des larmes au coin de ses yeux. Il posa ses coudes sur la table, se prit la tête dans les mains en soupirant, visiblement secoué.

-Mon Dieu, Cassiopée...

Ce fut tout ce qu'il put dire.

-Si je n'ai pas pleuré, tu n'as pas le droit de verser ne serait-ce qu'une seule larme, par respect, siffla-t-elle.

Constance posa une main sur la sienne pour l'intimer au calme.

-Écoutons-le maintenant. Lisandro, racontez-nous cette soirée.
-Je reconnais que je t'ai envoyé un sms en évoquant un petit coin à l'écart. Mais je ne parlais pas des toilettes...Je ne voulais pas faire l'amour avec toi dans un lieu si sordide, pas après la nuit magique que nous avions vécu sur la plage ! Le français n'est pas ma langue maternelle, je ne comprends que maintenant le lien que tu as pu faire entre "petit coin" et "toilettes"...
-Donc, vous n'attendiez pas Cassiopée aux toilettes du Club ? Demanda Constance.
-Non ! Je l'attendais au bar, il y avait beaucoup de monde, beaucoup de bruit ce soir-là. J'ai attendu et au bout d'une heure, je t'ai cherchée dans la foule. J'ai essayé de t'appeler mais je suis tombé sur ton répondeur alors j'ai fini mon verre et je suis rentré chez moi. Je ne t'ai pas agressée, jamais je n'aurais pu te faire de mal. Pourquoi aurais-je fait ça ?
-Les malades n'ont pas toujours de raisons à leurs actes, répondit Cassiopée.
-Bon Dieu, j'avais des sentiments pour toi, j'avais prévu une soirée parfaite !
-Le pire, c'est que moi aussi je ressentais quelque chose pour toi.

La jeune femme se mit à pleurer.

-Je ne méritais pas ce qui m'est arrivé. Ou peut-être que c'était une façon de me punir pour ma légèreté.
-Aucune femme ne mérite d'être agressée, Cassiopée, dit-il en larmes. Je donnerais tout ce que j'ai pour te prouver que je ne t'ai rien fait...
-Justement, intervint Constance, elle dit avoir vu un tatouage dans votre dos, vous vous souvenez de ce qu'il représentait ?
-Bien-sûr, c'était une petite croix noire, dans le creux du dos.

Lisandro ne répondit pas, se leva, ôta sa veste avant de la poser sur la chaise. Il desserra sa cravate qu'il enleva puis défit un à un les boutons de sa chemise. Il se mit torse nu sans la moindre gêne et se retourna.
Cassiopée observa avec attention mais ne vit aucun tatouage dans le dos de Lisandro. Constance s'approcha à son tour et ne remarqua pas de traces de laser éventuelles.

-Je n'ai pas de tatouage, conclut-il en leur faisant face.

Il se rhabilla et Cassiopée eut l'impression de suffoquer. Elle ne comprenait plus rien.

-Si ce n'était pas toi...alors qui était-ce ?

Le temps d'un étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant