13

421 43 99
                                    

   Rindo déglutit difficilement. Ses doigts restèrent longuement sur la peau froide d'Hajime, ils appuyaient de plus en plus sur la veine qu'il avait trouvé, sans se rendre compte qu'il enfonçait ses doigts dans sa peau.
   — Rindo, appela Keisuke en lui lançant un regard perçant. Tu sens un pouls ? Rindo ?
   Le jeune homme fronça les sourcils et secoua la tête. Il ne sentait presque rien, le pouls d'Hajime était si faible que Rindo le sentait à peine, sa veine ne bougeait presque pas contre son doigt, et Rindo avait beau appuyer dessus autant que possible, il perdait de plus en plus son pouls. Il en venait même à se dire qu'il l'imaginait. Qu'il voulait tellement le sentir qu'il finissait par le faire, et qu'il réchauffait lui-même la peau d'Hajime grâce à ses doigts chauds.
   — Je sens presque rien, dit le jeune homme d'une voix tremblante. Il est en train de mourir... Il est en train de mourir...
   — Il perd beaucoup trop de sang, dit Keisuke en regardant son visage.
   — Il faut le réveiller, s'il s'évanouit il va tomber dans le coma et ici on a rien pour s'occuper de lui, dit rapidement Kazutora.
   — Il faut surtout qu'on bouge, on est à la vue de tous là, dit Hanma.
   Il avait raison. Ils ne se trouvaient qu'à la lisière de la forêt, ils avaient seulement pu traverser entre la prison et la forêt avant qu'Hajime ne s'écroule. Si quelqu'un arrivait, ils seraient immédiatement repérés. Ils devaient absolument se mettre à l'abris... Vite, il fallait réfléchir calmement. Le plus simple serait de faire demi-tour et de se replier dans la prison, puisqu'il y avait forcément une infirmerie là-bas. Le problème, c'était que de la fumée continuait de s'élever au-dessus du bâtiment, il y avait forcément le feu quelque part. Le bâtiment pouvait très bien exploser à tout moment, surtout que des forces de l'ordre viendraient peut-être voir ce qu'il se passait ici, et s'ils se trouvaient dans la prison à ce moment là, ils ne pourraient plus s'enfuir. La forêt était la meilleure solution.
   Mais Rindo ne savait pas exactement où était le point de retour, même s'ils avaient une carte, il ne saurait pas situer dessus par où il était précisément arrivés. Normalement c'était Izana qui les guidait, lui il devait le savoir... Si seulement Izana était là... Pourquoi était-il parti ? Et les filles alors ? Où étaient-elles passés ? Plus rien allait, tout partait en vrille.
La situation était catastrophique, et les choses ne faisaient qu'empirer ! Les filles étaient parties de leur côté, Izana avait disparu et à tous les coups, les prisonniers s'étaient échappés... Ran était seul dans la forêt, Mikey et les autres étaient on ne sait où, Shinichiro était peut-être encore en prison, ou libéré, oui parce que Rindo n'en savait rien. Et le pire, Takeomi était déjà mort, Hajime était en train de mourir, Hanma avait une balle dans la jambe, et Seishu était inconscient ! Et le pire, c'était que si Seishu se réveillait maintenant et voyait l'état d'Hajime... Il perdrait complètement le contrôle de lui-même, et Rindo savait que s'il voyait Hajime ainsi, Seishu se briserait en un instant. Et il ferait tout pour ne jamais voir cela.
   Pour ne jamais voir les beaux yeux de Seishu se remplir lentement de larmes, voir sa bouche entrouverte qui laissait s'échapper son souffle saccadé, ses lèvres frissonnantes comme si son corps était envahi par un soudain froid glacial. Rindo voudrait ne jamais lire autant de peur dans son regard, ne pas voir la terreur qui ferait trembler ses iris, et ses yeux si écarquillés par l'effroi que ses cils blonds toucheraient ses sourcils. Et ne pas comprendre tout ce à quoi il penserait, toutes les questions qui envahiraient son esprit. Seishu se demanderait si Hajime rouvrirait les yeux un jour... s'il était toujours là, avec lui... s'il avait perdu ou non l'amour de sa vie...
   Rindo se mordit la lèvre. Alors que devaient-ils faire pour éviter cela ?
— Je suppose que vous n'avez aucun moyen de contacter les autres, demanda Rindo en essayant de rester calme.
Ses amis secouèrent la tête, au moment même ou des sirènes retentissaient. Ils devaient partir tout de suite, les forces de l'ordre seraient là d'une minute à l'autre. Rindo passa ses bras sous le corps d'Hajime, qui commençait à se refroidir, et le porta délicatement. Keisuke reprit alors Seishu dans ses bras, forçant le couple à se lâcher la main, et les deux jeunes hommes de relevèrent.
— Hanma, sort la carte que vous avez trouvé et dis nous où aller, dit précipitamment Rindo.
Hanma s'exécuta et sortit un bout de papier froissé, qu'il avait coincé sous son t-shirt et son pantalon. Il le déplia d'une main, continuant de s'appuyer sur Kazutora de l'autre main, et la consulat un instant.
— Ok alors... on va essayer d'aller tout endroit dans cette direction, dit Hanma en pointant son doigt vers la gauche.
— Ok on y va.
Rindo prit les devant et se dépêcha de s'enfoncer dans la forêt. Ils devaient faire aussi vite que possible, Hajime respirait difficilement, il entendait à peine son souffle. Il ne devait plus avoir de forces du tout, avec tout le sang qu'il perdait, et toute l'énergie qu'il avait dépensée en se battant, il ne devait plus avoir aucune ressource. Rindo n'aurait jamais dû le laisser seul avec tous ces policiers, qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Il aurait dû se douter qu'Hajime ne ferait rien pour se soigner s'il était blessé, il faisait toujours passer Seishu avant lui ! Rindo aurait dû être là pour lui, depuis qu'il était ici il ne faisait qu'enchaîner les mauvaises décisions et il ne servait à rien du tout. Il allait perdre Hajime s'il ne faisait rien, s'il ne rejoignait pas rapidement la côte et qu'il ne le faisait pas évacuer, son meilleur ami allait mourir dans ses bras. Il ne pouvait pas le perdre, il s'était promis de le protéger, de le ramener en vie, avec Ran, Sanzu, Kazutora, et avec tous les autres ! Hajime devait tenir bon, il le devait...
Et si Seishu se réveillait et qu'Hajime n'était plus là... Rindo n'osait même pas imaginer ce qu'il se passerait. Il devait protéger Hajime pour lui, il n'avait pas le droit de le laisser mourir.
Le jeune homme baissa les yeux sur son meilleur ami et le regarda avec inquiétude. Son sang virait au noir, les bouts de tissus qui couvraient son visage étaient si imbibés de sang qu'il faudrait les essorer pour en faire tomber le sang. Ses joues étaient affreusement pâles, ses lèvres toutes violettes tremblaient, et sa poitrine se soulevait péniblement. La douleur qu'il ressentait devait être si forte qu'elle devait le submerger et le paralyser. Et il était obligé de puiser dans ses forces les plus lointaines pour la supporter, pour ne pas y succomber. Rindo était sûr qu'il continuait de se battre, de lutter pour sa vie. Même si Hajime était en train de partir lentement, Rindo était persuadé qu'une part de lui était toujours là, à se battre contre la mort, à tout faire pour survivre. Il lui faisait confiance. Il savait qu'Hajime ne laisserait pas Seishu, il ferait tout pour vivre pour lui. Il allait y arriver. Il allait tenir pour lui, il en était capable.
— Arrêtez-vous, dit soudain Hanma.
— Quoi, demanda Rindo en s'immobilisant.
— J'ai entendu un bruit.
Rindo resserra machinalement ses bras sur Hajime pour le protéger, et scruta les environs. Tout avait l'air immobile, aucun buisson ne bougeait, il n'y avait pas un craquement de branche, pas une ombre. À part eux, il n'y avait pas trace de vie dans cette forêt. Pourtant, Rindo était sûr qu'ils n'étaient pas seuls. Bien qu'il ne voyait rien, il sentait la présence d'intrus dans les parages, il sentait des regards rivés sur lui. Il pouvait presque entendre la respiration de ceux qui l'entouraient, leur souffle court qu'ils devaient tenter de calmer pour rester concentré, il pouvait déjà imaginer leurs mains crispées sur leur arme, et les voir glisser aussi discrètement que possible une balle dans leur pistolet.
   Rindo tourna lentement la tête et fixa les arbres. Ils étaient sûrement encerclés. Avec Seishu qui était inconscient, Hajime qui était à bout de force, et Hanma qui était blessé, se défendre allait être compliquer. Il ne fallait pas paniquer. Rindo devait garder son calme, la priorité était de protéger les blessés, et même s'ils étaient en très mauvaise posture, ils pouvaient s'en sortir.
Rindo n'avait aucune idée de comment faire pour s'en sortir, mais ils allaient y arriver. Son cœur battait à toute vitesse dans sa poitrine, si fort qu'il l'assourdissant presque, et tout son corps était tendu. La panique montait lentement en lui, mais il n'allait pas la laisser prendre le contrôle de ses émotions. Jusque-là, il avait été complètement inutile et incapable de faire les choses correctement et s'était reposé sur les autres, mais maintenant qu'Hajime était gravement blessé, c'était à lui de protéger ses amis. Il était hors de question qu'il en laisse un seul mourir.
— T'es sûr que-  
Une puissante détonation retentit et Rindo se baissa aussitôt. Il tomba à genoux au sol et protégea par réflexe Hajime, avant de le lâcher et d'attraper son arme à toute vitesse. Keisuke l'imita et se décala vivement derrière un arbre, alors que Hanma plaquait Kazutora au sol, lui évitant de justesse de se prendre une balle en pleine tête.
— Ça venait d'où, cria-t-il en cherchant des yeux la personne qui venait de leur tirer dessus. Vous allez bien ?!
— À droite, cria Hanma.
Rindo tourna aussitôt son arme et tira sans même chercher des yeux sa cible. L'homme qui avait surgi de derrière un arbre réussit à éviter son tir en plongeant sur le côté. Il roula sur lui-même et se redressa pour pointer son arme sur Rindo, mais celui-ci fut plus rapide et appuya sur la détente en premier. Sa balle se logea dans sa joue et le tua immédiatement, mais deux autres policiers surgirent de nulle part et leur foncèrent dessus.
— Attrapez-les, cria l'un d'eux.
Rindo pencha la tête et ferma un œil pour viser. Sa respiration se suspendit un instant, il posa son doigt sur la détente en pointant soigneusement son arme sur lui, et tira de nouveau sur les deux policiers.
— Merde, y'en a partout, dit Keisuke en tirant sur d'autres policiers.
— On s'en fou, tire, s'écria Rindo en abattant un nouveau policier.
— On est vraiment en mauvaise position les gars, dit Kazutora en frappant un policier.
— Ça tombe bien, je commençais à me refroidir, dit Keisuke avec un petit sourire.
— Moi aussi je veux m'amuser, dit Hanma en sortant son arme.
Kazutora lui donna un coup de pied dans le torse pour l'empêcher de se relever, et se mit devant lui en tirant sèchement sur un policier.
— Les blessés restent au sol, dit-il avec concentration.
— Et les dépressifs restent dans leur chambre, pourtant regarde où on en est, répliqua Hanma en se relevant malgré tout.
— Hanma, ne me tente pas de te coller une balle dans la tête, dit Keisuke.
Rindo baissa son arme et rechargea et la rechargea en faisant tomber sa cartouche vide au sol.
— Concentrez-vous, on est pas là pour s'amuser, dit-il avec mauvaise humeur.
— Et toi, appela soudain quelqu'un.
Rindo se tourna et se prit alors un violent coup dans la mâchoire. Il poussa un cri de douleur et manqua de tomber au sol, mais la personne qui l'avait frappé l'attrapa par les épaules et enfonça son genou dans son ventre. Rindo serra les dents et se força à ignorer la douleur, il plis son coude et frappa dans la gorge de son agresseur, avant de remonter son propre genou entre ses jambes. Le policier poussa un cri de douleur et s'écrouler à ses pieds, ce qui permit à Rindo de l'abattre avec son pistolet.
Il y avait beaucoup trop de policier qui arrivaient, à trois ils n'allaient pas s'en sortir, ils seraient vite débordés. Qu'est-ce qu'ils pouvaient faire pour se débarrasser d'eux ?! Ils n'allaient quand même pas perdre leur temps à les tuer un à un ! Rindo poussa un grognement de frustration, et se releva avec colère. Il leva son arme, la cala contre son aisselle, la pointa sur un policier au hasard, et pressa la détente. Il garda son doigt enfoncé dessus en fronçant les sourcils, et commença à mitrailler les arbres devant lui pour toucher un maximum de policiers, sans même se soucier de qui il touchait. Il n'en avait rien à faire du tout de faire un bain de sang, si c'était ce qu'il fallait pour que les forces de l'ordre laissent ses amis tranquilles, Rindo était prêt à tous leur tirer dessus.
Ses balles sifflaient dans l'air et produisaient de puissantes détonations qui l'assourdissaient, mais il n'y faisait pas intention. Il gardait son doigt pressé sur la détendre de son arme, ses mains crispées dessus pour la maintenir droite, et tirait encore et encore. Les balles fusaient et faisaient gicler le sang de ses assaillants, des gouttes de sang étaient propulsés sur les arbres et le sol, se mêlait à la terre en tombant dans les flaques d'eau sale, et les corps s'écroulaient un à un devant eux. Rindo sentait des balles le frôler, de vives douleurs commençaient à l'envahir, à provoquer d'horribles sensation de brûlure dans ses membres, et du sang se mit à couler sur sa joue sans qu'il ne sans rende compte. 
   Kazutora, Keisuke, et Hanma l'imitaient aussi. Hanma s'était relevé, et les trois jeunes hommes s'étaient postés devant Seishu et d'Hajime pour former un cercle autour d'eux avec Rindo, et eux aussi vidaient leur chargeur sans se soucier du nombre de mort qu'ils faisaient.
   Rindo fut le premier à être à court de balles. Il laissa tomber son chargeur au sol pour en mettre un nouveau, et remarqua alors qu'il n'y avait plus aucun mouvement devant lui.
   — Arrêtez, dit-il en baissant les armes de Keisuke et Hanma, qui étaient près de lui. Y'a plus personne.
   — Pourquoi il y avait autant de policier, dit Kazutora en s'avançant prudemment.
   — On a dû tomber sur une unité de la police ou de l'armée, dit Keisuke en le suivant. T'éloigne pas trop, on sait jamais s'il en reste ou pas.
   — Faut qu'on bouge, dit Rindo en vérifiant rapidement qu'il ne restait plus personne.
   — On a utilisé trop de balles, c'est vraiment pas malin.
   — Oui mais on avait pas le choix. Et puis Seishu à des recharges sur lui, et Hajime aussi, il a pas du s'en servir puisqu'il préfère le corps à corps, dit Rindo.
   — De toute façon maintenant c'est fait. On a pas de temps à perdre, on doit y aller, dit Hanma. Ma jambe me lance et j'ai l'impression que je vais finir par la perdre, alors j'aimerais bien qu'on se bouge, qu'on récupère les sacs sur la côte, et qu'on me donne un anesthésiant ou de la morphine, j'en sais rien mais là j'ai besoin de prendre quelque chose.
   — T'es pas censé être un mec fort toi, répliqua Keisuke en haussant un sourcil. Pourquoi tu fais la chochotte ?
   — Tu veux que je te mette une balle dans la jambe pour quoi voit c'est qui la chochotte entre nous deux ?
   Rindo leva les yeux au ciel. Ils se chamaillaient vraiment dès qu'ils le pouvaient, c'était insupportable. En tout cas, plus aucun de leurs ennemis n'étaient vie, ils allaient pouvoir reprendre leur route. Mais un petit gémissement retentit soudain, et Rindo se retourna vivement vers les arbres, prêt à tirer à tout moment.
   — Hajime, hurla soudain quelqu'un.
Rindo sursauta et se tourna immédiatement vers son ami, et vit avec surprise que Seishu s'était réveillé et qu'il tenait son petit ami dans ses bras tremblants.
— Hajime, cria-t-il avec hystérie. Hajime réveille toi ! Tu m'entends ?! Hajime !
— Arrête de le secouer, s'écria Rindo en l'écartant. Il est en vie !
— Qu'est-ce qu'il lui arrive, cria Seishu avec horreur.
— Il a dû se prendre un coup de couteau dans l'œil pendant un combat, mais il est en vie !
Seishu ne répondit pas et regarda le corps de son petit ami avec peur. Ses yeux se remplissaient déjà de larmes, et Rindo pouvait presque sentir la peur de Seishu se diffuser autour de lui et alourdir l'air, l'écraser, et frapper de plein fouet les jeunes hommes. Il pouvait sentir son cœur s'accélérer et entraîner le sien dans sa course, le faire battre à tout rompre contre sa poitrine, si fort qu'elle pourrait y faire apparaître un bleu, et frapper douloureusement ses côtes. Sa gorge se nouait rien qu'en voyant le visage de son ami se décomposer et des perles d'eau brillantes tomber sur ses joues. Non. Rindo devait faire quelque chose, il ne devait pas laisser la panique de Seishu l'impacter, et il devait le rassurer pour qu'il ne parte pas en vrille.
— Seishu, dit le jeune homme en le prenant fermement par les épaules. Hajime s'est sacrifié pour te protéger, quitte à perdre un œil et à se mettre en danger. Maintenant il est entre la vie et la mort, et si tu veux qu'il s'en sorte, tu dois rester calme et tout faire pour le protéger. Alors arrête de pleurer et reprends-toi.
Rindo jeta un regard perçant à son ami, alors que celui-ci le regardait avec détresse. Il savait que lui dire cela d'une manière aussi froide pouvait être violent, mais là, Seishu avait besoin d'une claque pour reprendre ses esprits. Et Rindo préférait lui mettre une claque verbale que physique.
— M-Mais... Il est... il est...
— Il est en vie. Et si tu veux qu'il le reste, tu vas devoir tout faire pour. On va rejoindre la côte et chercher l'endroit par lequel je suis arrivé. À cet endroit des sacs sont cachés avec des talkies-walkies, et on pourra joindre Akane, qui viendra nous récupérer. Si on y arrive, Hajime pourra être évacué et prit en charge, et il s'en sortira. Ok ?
— ... Oui... D'accord, dit Seishu en hochant la tête d'un air bouleversé.
— Tu peux marcher ou tu as besoin d'aide ?
— Je peux marcher, je vais bien..., dit Seishu en toussant, sûrement à cause de la fumée de l'explosion qu'il avait inhalé.
— Ok, dit Rindo en se levant. Alors on y va.
Keisuke se baissa pour reprendre Hajime dans ses bras, mais Seishu fut plus rapide et il prit lui-même son petit ami dans ses bras. Keisuke s'écarta alors, et partit vers Hanma pour aider Kazutora à le soutenir. Une fois que tout le monde fut debout, le petit groupe se remit en route silencieusement. Rindo profita des cadavres des policiers pour récupérer leurs munitions de balles, il en donna à ses coéquipiers, et se mit en tête du groupe pour les guider.
Le réveille de Seishu n'avait pas été aussi terrible que ce que Rindo avait imaginé, c'était une bonne chose. Il avait bien fait de vite le calmer, parce que s'il avait laissé Seishu éclater en sanglots et se morfondre sur le corps de son petit ami, ils y seraient encore. Ils avaient donc un blessé en moins et un soldat en plus, c'était parfait. Seishu avait l'air un peu faible, il était pâle et tousser bruyamment, mais ça avait l'air d'aller. Il allait pouvoir se battre si besoin, c'était le plus important.
— Donc... Je suppose que tout le Bonten est là, dit Seishu au bout d'un moment de silence.
— Presque, dit Rindo. Les filles sont là, Izana aussi, et on a dû ramener Chifuyu et Kakucho. Izana surveille les prisonnier, il devait nous attendre dans la forêt normalement, donc il a dû avoir des problèmes...
— Les prisonniers se sont peut-être échappés, dit Keisuke.
— Pourquoi vous les avez ramenés, demanda Seishu.
— On avait pas le choix, on allait pas les laisser seuls au quartier général. De toute façon, s'ils s'échappent moi ça m'arrange, dit Rindo avec une pointe d'irritation dans la voix. Ça fera des boulets en moins dans les pattes, et ça m'empêcherait de faire exploser la tête de Chifuyu. Ce mec est l'homme le plus chiant que j'ai jamais rencontré, et pourtant j'en connais des mecs chiants.
— Oui mais ça fait des ennemis en plus dans les parages, dit Kazutora avec perplexité. Surtout que Chifuyu et Kakucho sont particulièrement dangereux.
— On aura qu'à les tuer dès qu'on les croise, enfin, s'ils sont en liberté. Keisuke t'as compris ?
— Quoi ?
— Si tu croises Chifuyu et qu'il est en liberté, tu le tues. T'attends pas qu'il t'attaque, tu t'en débarrasses tout de suite. Parce que lui il hésiteras pas à nous tirer dessus.
— Vous voulez tuer un innocent, fit remarquer Keisuke.
— Oh si tu veux on peut attendre qu'il bute l'un de nous pour le tuer, proposa Hanma avec nonchalance. Si tu veux on peut même t'organiser un rendez-vous avec lui, comme ça il en profite pour te tuer, et après on pourra lui régler son compte puisqu'il ne sera plus innocent. Ah et évidemment on écrira sur ta tombe « on te l'avait bien dit connard ».
— Très drôle, dit Keisuke en levant les yeux au ciel.
— Keisuke on fait pas ça contre toi, mais Chifuyu c'est un danger pour nous, dit doucement Kazutora. Il hésitera pas à nous tuer, imagine qu'il tire sur Mikey parce que t'auras rien fait pour l'arrêter. Tu préfères le perdre lui, alors que tu ne le connais que depuis quelques semaines, ou Mikey, que tu connais depuis que t'es petit.
— Je préfère perdre Chifuyu... Mais si ça pouvait bien se terminer avec lui, ça m'arrangerait.
— Ton Chifuyu c'est un connard, dit Seishu.
— Je confirme, approuva Rindo.
— C'est à cause de personne comme lui que Shinichiro s'est fait emprisonner ici, dit Seishu. Ouvre les yeux, Chifuyu travaille pour les services secrets du gouvernement, il fait autant de choses illégales que nous. Il cautionne des choses horribles aussi. Si ça se trouve, il a déjà torturé lui-même Shinichiro.
— Il ferait pas ça, dit Keisuke en secouant la tête.
— T'en sais rien, tu le connais pas.
— Sérieusement, qu'est-ce que tu lui trouves, demanda Rindo en dégageant une branche d'arbre de leur chemin.
— Tu l'aimes vraiment, demanda Kazutora en se penchant en avant pour voir son meilleur ami.
— Je sais pas... C'est pas vraiment de l'amour, puisque c'est vrai que je le connais pas beaucoup... Mais il me plaît quand même un peu, avoua Keisuke. Au moins physiquement quoi... Je veux pas avoir à le tuer...
— Autrement dit on peut pas compter sur toi, ne put s'empêcher de dire Rindo.
— Si ! Je pourrais le mettre hors d'état de nuire ! Je le tuerai juste pas !
— Et imagine qu'il s'en prenne à toi et que tu sois sur le point de mourir ?!
— Et ben je... Je...
— Je le ferai pour toi alors, dit Kazutora avec détermination. Si Chifuyu te fait du mal je le détruis.
— Mais...
— Y'a pas de mais. Tu peux faire ce que tu veux avec lui, mais si jamais il tente quoi que ce soit, je le tuerais. T'es prévenu.
— C'est beau l'amour, dit Hanma d'un air indifférent.
L'amour ça complique tout, pensa Rindo. Ça n'apportait que des problèmes, et ça poussait ses amis à agir n'importe comment. Keisuke ne voulait pas tuer un ennemi juste par amour pour lui, Kazutora était capable de se mettre en danger par amour pour Keisuke, Hajime avait perdu un œil par amour pour Seishu...
L'amour était le plus dangereux des sentiments, il pouvait pousser jusqu'à la folie, et déraisonner complètement. L'amour rendait fou, et dans une situation où la mort planait au-dessus d'eux, l'amour était le pire sentiment à ressentir. Rindo avait conscience qu'il n'était pas mieux que ses amis. S'il voyait Ran ou Sanzu, ou même Kazutora, au bord de la mort, il savait qu'il serait capable de faire n'importe quoi. Il pourrait faire la pire des folies s'il voyait ceux qu'il aimait en danger, il pourrait perdre la vie pour eux, et tuer ses propres coéquipiers pour les sauver. S'il le fallait, il savait qu'il serait capable de le faire.
Alors oui, l'amour était dangereux, c'était le pire et la meilleure des armes. Il pouvait les détruire en une seconde, et les rendre invinciblement en un battement de cils. L'amour était destructeur. Et Rindo était bien heureux que ni Ran, ni Sanzu ne soient là pour l'instant. S'ils étaient avec lui et qu'ils leur arrivaient quelque chose, Rindo perdrait complètement le contrôle. Il n'osait même pas imaginer comment il aurait réagi si ça avait été Sanzu à la place d'Hajime...
Rindo poussa une branche d'un buisson qui gênait sa route, et jeta un rapide coup d'œil derrière son épaule pour vérifier que tout le monde allait bien. Ses six coéquipiers étaient toujours là, dispersés autour de lui. Seishu était juste derrière lui, il avançait en gardant les yeux rivés sur Hajime, et le regardait avec un mélange de tendresse et d'inquiétude. Et Hanma, Keisuke et Kazutora fermaient la marche. Parfait, tout le monde était...
Rindo s'arrêta soudain, s'immobilisant au milieu du chemin, et sentit son cœur louper plusieurs battements. Six coéquipiers ?! Mais qui était le sixième homme que Rindo avait vu ?!
   Le jeune homme se retourna vivement, au moment même où une puissante détonation retentissait. Un hurlement de douleur retentit et Seishu s'écroula au sol sous le regard horrifié de Rindo, entraînant Hajime dans sa chute, et un homme apparut devant Rindo. Le jeune homme leva aussitôt son arme pour lui tirer dessus, mais l'inconnu plongea sur le côté et évita de justesse sa balle.
   — Seishu ça va, cria Rindo en tirant de nouveau sur le policier.
   — Ouais, la balle a juste touché mon gilet, dit Seishu en grimaçant.
   — Attrapez-le, cria Keisuke en essayant de se jeter sur l'homme.
— VOUS ÊTES EN ÉTAT D'ARRESTATION, POSEZ VOS ARMES AU SOL, cria le policier en frappant Keisuke.
— KEI POUSSE TOI J'ARRIVE PAS À LE VISER, cria Rindo en tirant sur le policier.
— DÉGAGE CONNARD, cria l'homme en tirant sur Keisuke.
Keisuke réussit à se baisser de justesse, et Rindo tira de nouveau sur leur agresseur. Kazutora lâcha Hanma, qu'il continuait de soutenir, et poussa un cri de rage en se ruant sur le policier et le plaqua violemment au sol. Il brandit l'un de ses couteaux et tenta de frapper le policier, mais celui-ci retint son bras et réussit à frapper sa mâchoire avec son poing. Il inversa leur position et plaqua à son tour Kazutora au sol en lui montant dessus. Il lui asséna un nouveau coup au visage, alors que Rindo lui tirait dessus. Seulement, le policier se baissa juste à temps et lui tira dessus.
   Rindo se jeta derrière un arbre pour éviter la balle. Seishu se releva en se placçant devant Hajime et tira à son tour sur le policier, tandis que Hanma courait vers lui pour récupérer Hajime et le mettre en sureté.
— EMMÈNE-LE LOIN D'ICI, cria Seishu en se cachant derrière un arbre.
— Je vais faire ce que je peux, je te rappelle que je peux pas marcher, répliqua Hanma en soulevant Hajime pour l'emmener.
Pourquoi est-ce qu'ils n'arrivaient pas à le tuer alors qu'ils étaient quatre contre lui ?! Seishu s'était pris une balle, Keisuke avait failli se faire tuer, et Kazutora était en très mauvaise posture. À peine tentaient-ils de faire quelque chose qu'ils se faisaient tirer dessus, c'était presque comme s'il anticipait tous leurs mouvements. Il fallait faire quelque chose, ça ne pouvait pas continuer comme ça !
   — PUTAIN BUTEZ-LE, cria Rindo alors que Seishu et Keisuke se faisaient tirer dessus.
   — LES GARS, hurla Kazutora alors que l'homme resserrait brutalement ses mains sur sa gorge.
   L'homme leva une main armée d'un couteau, il l'abattit d'un coup sur Kazutora, mais celui-ci leva les bras pour se protéger et la lame transperça sa main. Il poussa un hurlement de douleur si strident que durant l'espace d'une seconde tout le monde s'immobilisa, alors que son sang giclait sur son visage. Rindo regarda avec horreur la lame ensanglantée qui passait au travers de la main de son ami. L'homme continuait d'appuyer sur son couteau pour que sa lame atteigne la gorge de Kazutora, comme s'il voulait lui déchirer la main et faire passer le manche de son arme à travers sa chair. Et Kazutora continuait de hurler à s'en arracher les cordes vocales, des larmes de douleur se mêlant au sang qui couvrait son visage.
   — DÉGAGE, hurla-t-il en continuant de repousser sa lame avec sa main. ARRÊTE !
   — LE TOUCHE PAS, cria Keisuke en se relevant à toute vitesse.
   Il tira dans le dos du policier et réussit à toucher son épaule, mais ce n'était toujours pas suffisant. Il n'arrêtait pas de bouger dans tous les sens, Rindo n'arrivait pas non plus à bien viser ses tirs ! Il n'avait pas le choix. Si personne ne faisait rien, Kazutora allait vraiment mourir !
   Le jeune homme serra ses mains sur son arme. Il n'avait pas le choix. S'ils continuaient ainsi et que personne ne faisait rien, Kazutora allait mourir. Il était toujours bloqué sous le policier et il hurlait à l'agonie, et le policier continuait de le mutiler, en tirant en même temps sur Keisuke et Seishu. Il suffisait qu'il arrête de tirer sur eux, qu'il baisse son pistolet sur lui, et s'en était fini. Rindo allait devoir se sacrifier. Il était prêt à le faire, si c'était pour sauver Kazutora, il pouvait le faire.
Il allait courir sur le policier pour attirer son attention, et le plaquer au sol. Pour l'instant le policier gardait les autres à distance de lui en menaçant de tuer Kazutora, mais ils n'allaient pas continuer à se battre pendant des heures. Il suffisait que quelque chose se passe mal, et le policier tirerait immédiatement sur Kazutora.
Si Rindo réussissait à courir jusqu'à lui sans se faire toucher, il pourrait le pousser de son ami. Et s'il se faisait tuer à sa place, ce n'était pas grave. Il préférait sauver Kazutora, parce qu'il savait déjà qu'il ne supporterait pas sa mort. Rindo pouvait supporter la mort de certains membres du Bonten, il aurait mal, mais il arriverait à le supporter. Mais Kazutora non. Il tenait trop à lui.
Et parmi tous les membres du gang, il était un pilier. Il était un poing d'attache, une maille qui les reliaient tous, il était une base du gang. Sa vie était bien trop précieuse pour la perdre, de lui dépendait une grande partie du gang et de son fonctionnement. S'il s'effondrait, il entraînerait tout le monde avec lui. Si Kazutora mourrait, Keisuke allait s'effondrer ce qui entrainerait la perte de leur division. S'il mourrait, Rindo tomberait aussi, et avec lui il entrainerait Ran, et Sanzu. Si Kazutora mourrait, Senju en serait impactée, et Mikey, Draken, et donc indirectement toutes les personnes proches d'eux.
Kazutora était l'un des piliers du Bonten, et si un pilier tombait, tout leur équilibre en serait perturbé. Leurs liens se fragiliseraient, leur toile se disloquerait, les pions s'éparpilleraient. Comme un jeu d'échec sans roi, le gang n'aurait plus de sens. Kazutora faisait partie de ceux qu'il fallait protéger. Et Rindo le savait. Il ne pouvait pas le laisser mourir.
Le jeune homme serra les dents, et se pencha de derrière son arbre pour voir où le combat en était. Ses amis n'arrivaient toujours pas à approcher le policier. Il était intouchable. Son torse était protégé par un épais gilet pare-balles, ses jambes aussi devaient être protégées, et il portait un casque de protection. Le seul endroit qu'ils pourraient essayer de toucher était sa nuque ou sa gorge. Mais il bougeait tellement que c'était difficile de viser, et puis la cible était trop petite. Le seul moyen de se débarrasser de lui serait de le tuer au corps à corps.
Rindo rejeta alors lentement son arme dans son dos, et attrapa l'un des couteaux attachés à sa cuisse. Le policier n'avait même pas du remarqué qu'il ne lui tirait plus dessus. Rindo allait pouvoir s'approcher de lui sans qu'il ne le remarque. Le jeune homme prit une grande inspiration, et sortit de sa cachette. Il s'élança alors vers le policier, en faisant un discret signe à Keisuke et Seishu de garder sur eux l'attention du policier, et courut aussi vite que possible vers lui.
Il entendait son cœur battre avec force contre sa poitrine, si fort que pendant un instant, il n'entendit plus que ses battements. Les bruits alentours s'évanouirent, les cris, le sang qui fusait, les détonations, tout s'estompa soudain alors que Rindo courait vers le policier. Il n'entendit plus que son cœur battre contre sa poitrine, son sang qui résonnait dans ses tempes, accompagnés de battements sourds et assourdissants. Il n'arrivait plus qu'à entendre cela, ainsi que le craquement des branches sous ses pieds. Comme s'il n'y avait plus rien autour, et que le décor avait disparu. Il n'arrivait plus à penser, ni à voir autre chose que le policier devant lui. Il avait à peine conscience qu'il était en train de courir, que son corps bougeait, que ses jambes s'élançaient en balançant ses bras dans le vide, et qu'il tenait un couteau dans la main.
Pourtant, lorsque la tête du policier se tourna lentement vers lui et qu'il croisa ses deux yeux sombres, il sentit très bien la décharge électrique qui traversa son corps. Il écarquilla les yeux et fit un pas sur le côté en voyant l'arme du policier se lever vers lui, mais il n'eut pas le temps de réagir davantage. Une puissante détonation retentit, et il vit presque les deux balles qui fonçaient vers lui. Un hurlement retentit, alors qu'il voyait les deux balles de plus en plus précisément, un corps percuta violemment le sien, et il sentit soudain sa tête heurter brutalement le sol. Rindo poussa un cri de douleur et roula sur lui-même.
— Rindo ça va, s'écria quelqu'un en le secouant pas les épaules.
Le jeune homme ouvrit difficilement les yeux, et croisa deux yeux violets, penchés juste au-dessus de lui.
— Ran, s'écria-t-il en se redressant.
Ran n'eut pas le temps de répondre. Une nouveau hurlement retentit et le deux frères tournèrent aussitôt la tête vers le policier. Hanma surgit de nulle part, il fonça à toute vitesse sur le policier sans lui laisser le temps de réagir, et se jeta sur lui pour l'éjecter de Kazutora. Ils roulèrent rapidement l'un sur l'autre avant de se relever, et le policier pointa son arme sur le ventre d'Hanma. Il ne portait pas de gilet pare-balles... il n'avait aucune protection... Il ne portait pas de gilet pare-balles !
Rindo poussa son frère pour se relever, au moment même où Hanma attrapait le bout du pistolet.
— HANMA ÉCARTE-TOI, hurla Rindo en se relevant.
Mais Hanma ne s'écarta pas. Rindo eut juste le temps de le voir échanger un dernier regard avec le policier. Il sortit un couteau de sa poche, prêt à le planter dans la gorge du policier. Il serra sa main sur le bout de son arme, avant qu'il ne relève d'un coup vers le haut en plantant le couteau dans sa gorge, au moment même où une dizaine de détonation retentissaient. Des jets de sang s'élevèrent dans les airs, dans le silence assourdissant qui suivit les détonations. Le corps d'Hanma fut agiter de violents spasmes, et il ne bougea plus pendant un instant. Avant de s'écrouler au sol, en même temps que le policier.

─────── ༻𖥸༺ ───────

...
Ils vont tous tomber un à un comme des dominos-
Je vous laisse faire vos pronostics sur qui va rentrer en vie de l'île, en tout cas il risque d'en manquer quelques-uns (sans compter l'œil de Koko qui va rester sur l'île, et la main de Kazu qui est en train de décéder...)

Mais du coup voilà voilà... on perd Hanma et à moitié Koko, mais on retrouve Ran...
(est-ce que j'essaye de relativiser ? Oui).

La dernière scène est un peu inspirée de Alice in Borderland pour ceux qui connaissent, la scène du combat contre le roi de pic. Je trouvais ça extrêmement stylé et je voulais faire quelque chose comme ça.

Du coup voilà zoubi zoubi, et on pense à Hanma qui est un homme incroyable et héroïque 😔

Criminel de penséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant