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   Seishu roula lentement sur les marches, il tomba dans la boue, projetant des taches de saleté sur le mur grisâtre de la prison. Il atterrit à plat ventre, son visage plein de sang et de suie tomba dans une flaque brune, alors que l'épaisse fumée noire s'élevait au-dessus de lui. Il ne bougeait pas. Il avait l'air d'être arrivé de nul part, comme s'il s'était matérialisé sur le seuil de la porte de la prison, avant de s'écrouler. Il était devenu immobile, lorsque son corps était tombé il n'avait pas essayé de se retenir, il ne devait même pas avoir vu Rindo et Hajime.
   Rindo s'était figé, et son meilleur ami aussi. Son cœur s'était même arrêté de battre, comme si sa poitrine s'était vidée, ou qu'un énorme trou avait avalé son cœur et aspirait lentement sa peau. Sa gorge s'était serrée, son air restait bloqué dans sa bouche sans parvenir à descendre et atteindre ses poumons. Ses yeux rivés sur le corps de Seishu ne parvenaient plus à se détacher, et ses pensées s'étaient arrêtées. Comme si son cerveau essayait d'empêcher son esprit de réaliser ce qu'il se passait, de comprendre la situation, et de réagir. Comme s'il l'empêchait d'avancer et l'ancrait dans le temps, étirait les minutes et repoussait toutes actions. Rindo était bloqué, aussi immobile que Seishu.
   Il restait là, planté au milieu du vaste terrain qui séparait la forêt de la prison, et ne réagissait plus. Une voix lointaine lui criait de partir pourtant, de courir vers son ami et de l'aider, de s'assurer qu'il était en vie et de le sortir de là. Ne serait-ce que bouger, partir se mettre à l'abris, s'éloigner de la prison en flamme qui menaçait d'exploser à tout moment. Et surtout ne pas rester là à la vue de tous ! La police pouvait arriver à tout moment, ils allaient débarquer dans un instant, et l'armée aussi sûrement, il ne pouvait pas rester là à la vue de tous ! Même s'il faisait nuit noir, les flammes rougeâtres de l'incendie l'éclairaient, et il serait tout de suite repéré. Si la police arrivait et les voyait, lui, Hajime et Seishu, elle leur tirerait immédiatement dessus. Et même si Rindo portait un gilet pare-balles, il lui serait inutile s'il se prenait une balle en pleine tête.
Allez réagis, lui cria une petite voix dans sa tête. Bouge-toi, va aider Seishu ! Bouge toi Rin !
— SEISHU, hurla soudain Hajime près de lui.
Rindo sursauta violemment. Le hurlement de son ami venait de lui faire réintégrer son corps, il arrivait de nouveau à réfléchir et à bouger. Il battit vivement des paupières et chercha à comprendre ce qu'il se passait, mais il vit Hajime lui passer devant à toute vitesse et partir en courant vers Seishu. Rindo ne bougea pas tout de suite, il leva son arme en la maintenant avec assurance, et regarda précipitamment autour de lui. Il n'y avait personne, ni à droite ni à gauche, mais les forces de l'ordre ne tarderaient pas à arriver. Il allait falloir se dépêcher d'agir. Rindo baissa alors son arme, tout en gardant son doigt posé sur la détente, et courut à son tour vers Hajime et Seishu.
Hajime avait retourné son petit ami sur le dos et était occupé à retirer son gilet pare-balles, sûrement pour le mettre à Seishu.
— Il est en vie, demanda Rindo en essayant de garder son sang froid.
— Oui, il est juste évanoui, dit Hajime avec précipitation. Il va bien...
— Tu devrais pas retirer ton gilet.
— Seishu en a plus besoin que moi. Il doit y avoir d'autre personne à l'intérieur du bâtiment, va voir.
— Non, on doit d'abord mettre Seishu en sûreté, dit Rindo en s'agenouillant pour essuyer le visage de son ami.
— Je m'occupe de Seishu, toi va chercher les autres. Ran est peut-être à l'intérieur.
— Tu peux pas t'en occuper tout seul, t'as besoin de moi, t'es même plus protégé !
— Je peux m'en occuper seul, fais moi confiance, dit Hajime d'un ton catégorique. Il va rien nous arriver et je n'ai besoin de personne pour protéger Seishu !
Des pas retentirent soudain dans le couloir de la prison et Rindo se tourna vivement en levant son arme, alors que Hajime se mettait devant Seishu. Il n'était qu'agenouillé près de son corps pour faire un rempart, mais il déploya ses bras devant lui et son regard devint si sombre que Rindo lui-même fut tenter de s'écarter. Hajime avait l'air d'une tigresse prête à tout pour défendre ses petits, une terrible envie de meurtre brillait dans ses yeux, et Rindo ne serait pas étonné de voir des griffes sortir de ses ongles.
Un homme surgit soudain devant eux, un fusil à la main, et il tomba nez à nez avec Rindo. C'était un policier, il portait un masque sur son visage et visiblement, il ne s'attendait pas à tomber sur eux maintenant.
— Qu'est-ce que...
Il n'eut pas le temps de terminer. Hajime bondit soudain sur lui et le plaqua violemment au sol, il monta à califourchon sur lui pour l'empêcher de bouger, lui arracha son masque qui le protégeait de la fumée toxique du feu et le frappa au visage sans aucune pitié. Pendant un instant, Rindo crut vraiment qu'il allait le griffer au visage, ou faire quelque chose de similaire, mais Hajime n'en fit rien et saisit son pistolet. Il ouvrit de force la bouche du policier et enfonça le bout de son arme dedans.
— Vous êtes combien dans le bâtiment, demanda-t-il d'une voix menaçante.
Le policier gémit et secoua la tête. Hajime enfonça alors un peu plus son arme dans sa bouche, et écrasa son ventre avec son genoux.
— Je suis d'humeur massacrante, tu ferais mieux de répondre, murmura-t-il en se penchant sur lui.
— Est-ce que d'autres membres du Bonten sont présents dans le bâtiment, demanda Rindo en entrant dans la prison avec prudence.
— Oui, dit rapidement le policier. Des... Des femmes sont entrés... S-Shiba, et...
— À part elles, coupa Rindo.
— O-oui ! J-J'en ai vu trois à l'étage, j-je sais pas qui c'était mais il y en avait !
— Autre chose à nous dire, demanda Hajime en posant son doigt sur la détente.
— R-rien, dit le policier en secouant la tête avec panique. J'ai tout dit, je vous ai pas men-
Une puissante détonation retentit, et du sang gicla dans l'air. Hajime se releva rapidement et récupéra son masque à oxygène, qu'il s'empressa de poser sur le visage de Seishu.
— Il nous faudrait d'autres masques pour avancer, on peut pas respirer ici, dit Rindo en toussant à cause de la fumée.
— Tu pourras en prendre aux policiers que tu croiseras, moi je dois aller mettre Seishu en sécurité. Izana et les autres sont partis, dit Hajime en regardant vers la forêt. Et merde, où est-ce qu'ils sont partis encore...
Rindo ne répondit pas. Il s'avança prudemment dans l'épaisse fumée qui grandissait dans le couloir, levant lentement son arme, et plissa les yeux. Une forme sombre se mouvait dans la fumée, il n'arrivait pas à l'identifier ni à comprendre de quoi il s'agissait, mais plus elle grandissait, plus elle se précisait. D'autres tâches apparaissaient peu à peu, elles se détachaient les unes des autres, Rindo serra les dents. Il y avait cinq formes, cinq policiers. Il pouvait facilement les abattre avant qu'ils ne réagissent, seulement... Qu'est-ce qu'il lui disait qu'il s'agissait bien de policiers ?
— Hajime, on a de la visite, dit le jeune homme en penchant la tête pour viser un policier.
— Je vais m'en occuper, dit Hajime en se relevant. Toi profites-en pour monter à l'étage.
— Mais tu peux pas t'en occuper et protéger Seishu.
— Fais-moi confiance, dit simplement son ami.
Rindo acquiesça. Il pouvait faire confiance à Hajime pour protéger Seishu, il ne le laisserait jamais mourir, et quand il s'agissait de le garder en vie, Hajime devenait vraiment redoutable. Rindo recula prudemment. Il sortit de la prison à pas de loup, et en profita pour tirer délicatement Seishu hors du passage pour le cacher derrière le mur de la prison, puis il s'adossa contre et respira calmement. Il devait à tout prix garder son calme pour ne pas faire n'importe quoi et bien agir.
Tout à l'heure il avait complètement perdu le contrôle de son corps en voyant Seishu apparaître, il n'avait pas bien réagi, heureusement qu'Hajime était là. Mais à présent ils allaient se séparer et Rindo serait seul. Il devait se reprendre et être capable de réagir. Là il avait eu de la chance, aucun policier n'avait débarqué pendant qu'il ne réagissait pas, mais s'il entrait dans la prison, les choses ne se dérouleront pas de la même façon. Il devait faire plus attention, et surtout rester calme. Il pouvait tomber sur n'importe quoi dans le bâtiment, que ça soit des policiers armés, ou le corps de ses amis. Il devait s'y préparer.
   Du bruit se fit soudain entendre dans l'entrée, et presque aussitôt des cris retentirent. Rindo se pencha alors pour vérifier que la voie était libre, mais un homme surgit soudain devant lui et le vit immédiatement. Les réflexes du jeune homme s'activèrent tout de suite, il leva son arme et tira d'un coup dans le front de l'homme. Inutile de chercher à savoir de qui il s'agissait, si Rindo ne reconnaissait pas les visages qui apparaissaient devant lui, il les éliminerait sans réfléchir davantage. Le jeune homme jeta un dernier coup d'œil à Seishu. Il était toujours inconscient, c'était peut-être mieux pour lui au final. Au moins il ne se mettait plus en danger, et puis ils l'avaient retrouvés, c'était le plus important. Rindo détourna le regard de lui et entra de nouveau dans la prison.
   Il jeta un coup d'œil à Hajime pour vérifier que tout allait bien de son côté. Deux hommes étaient au sol, entourés d'une mare de sang, et quatre autres se battaient avec lui. Hajime n'avait pas l'air d'avoir la moindre difficulté à les tenir éloigner de la sortie, d'ailleurs il avait dû faire exprès d'envoyer un policier sur Rindo, peut-être pour le forcer à se reprendre en main. Hajime voltigeait entre ses ennemis avec agilité, ses cheveux volant autour de son visage comme une vague de reflets d'argent, il se baissait, frappait, poignardait là où il le fallait, se relevait et tirait sans louper sa cible. Il ne prêtait même pas attention aux blessures que les policiers réussissaient à lui faire. Aucun doute, il ne laisserait personne passer tant que Seishu n'était pas en sécurité. Rindo n'avait pas de raison de s'inquiéter.
   Le jeune homme s'éloigna alors du groupe en courant et chercha des escaliers. Il devait se dépêcher de monter et de trouver ceux dans le bâtiments pour les faire sortir. Avec un peu de chance, Yuzuha, Senju et Emma n'étaient déjà plus dans le bâtiment. Il avait aussi vu par la fenêtre qu'un autre bâtiment se trouvait juste derrière la prison. Il était plus petit, c'était sûrement un centre de contrôle, et il était très probables que les filles soient parties là-bas. Ce serait utile en tout cas, s'ils pouvaient gérer le centrer de contrôle, il pourrait avoir des informations sur l'île et peut-être empêcher la police de venir ici en leur donnant de fausses alertes... Il fallait espérer que Yuzuha et les autres s'occupent de ça.
Ça arrangerait Rindo en tout cas, ainsi il n'aurait que trois membres du Bonten à retrouver. Sachant qu'ils avaient déjà retrouvés Seishu, il leur manquait encore Ran, Kazutora, Keisuke et Hanma. C'était pas gagné...
   Rindo faisait confiance à Ran, et même s'il était vraiment inquiet pour lui, il savait qu'il pouvait se débrouiller seul. Il n'était pas imprudent et faisait toujours passer les autres avant lui, ce qui lui faisait penser que Ran ne se trouvait pas ici. Sinon, il serait sorti de la prison tout de suite après l'explosion pour ne pas se mettre en danger, ou alors il était blessé et ne pouvait plus bouger. Mais Rindo doutait vraiment de cette hypothèse, et il voyait mal Ran s'introduire dans une prison tout seul. Le connaissant, il devait plus chercher à retrouver l'autre partie du groupe, donc il devait plutôt se trouver dans la forêt.
   S'il avait raison, cela voudrait dire que c'était Keisuke, Kazutora et Hanma qui étaient ici... Ça, c'était une mauvaise nouvelle. C'était probablement l'un des pires trios. Entre Keisuke qui avait un tempérament de feu et qui agissait sans réfléchir, Hanma qui pouvait facilement perdre son calme et qui ne supportait pas qu'on ne fasse pas ce qu'il disait, et Kazutora qui était une véritable tête brûlée prête à foncer dans la gueule du loup juste pour sauver ses amis... C'était vraiment l'un des plus mauvais trios. C'était d'ailleurs pour ces raisons que lors des missions, Mikey ne les mettait jamais ensemble...
   Rindo atteignit le deuxième étage et courut dans le couloir. Il venait de vérifier le premier étage et à part quelques policiers dont il s'était rapidement débarrassé, il n'avait pas trouver ses amis.
Bon, Rindo devait arrêter de courir dans tous les sens et réfléchir à où pourraient se cacher ses amis. Hanma était le plus logique, alors il essaierait sûrement de descendre et de sortir au plus vite du bâtiment, mais à tous les coups les deux autres ne l'écouteraient pas. Kazutora était assez suicidaire pour partir sur le toit en disant « au pire on saute ». Et Keisuke était assez idiot pour rester dans le bâtiment et chercher Shinichiro dans les prisonniers. Oui mais en même temps, il tenait beaucoup à Kazutora et est-ce qu'il le mettrait en danger pour Shinichiro ? Pas sûr, Rindo en doutait vraiment. Argh il ne savait pas quoi faire !
   Il y avait plusieurs escaliers par étage, alors Keisuke, Kazutora et Hanma avaient très bien pu descendre pendant qu'il montait ! Ça l'énervait de ne pas savoir quoi faire, il avait l'impression de tourner en rond et de ne servir à rien !
   — AIË, cria soudain quelqu'un au dessus de Rindo. Tu peux pas faire attention ?!
   — Oh si bien sûr, je peux arrêter si tu veux et au lieu de faire ça, je peux tout simplement TE COUPER LA JAMBE, cria une autre voix.
   Le jeune homme se précipita dans la cage d'escalier et releva la tête. Il reconnaissait ces voix !
   — On devrait l'abandonner là.
   — Si vous m'abandonnez c'est pas la jambe que je vais vous couper.
   Rindo retint un soupir de frustration à l'entente de ce dialogue, et se précipita dans la cage d'escalier. En plus d'être au mauvais endroit au mauvais moment, il fallait qu'il y ait un blessé. Le jeune homme grimpa quatre à quatre les marches et tomba immédiatement sur ses amis.
Kazutora, Keisuke et Hanma étaient agenouillés au sol, près d'un mur partiellement détruit et dont les débris étaient couverts de sang. Ils n'avaient pas l'air en trop mauvais état, à part Hanma, dont la jambe droite saignait abondamment. Il avait l'air de s'être pris une balle dans le mollet, et visiblement Keisuke essayait de le soigner. Il était blessé à la jambe, ça l'empêcherait de courir. C'était la pire chose qui pouvait arriver.
   — Rindo, dit Kazutora avec surprise. Mais qu'est-ce que tu fais là ?!
   — Je suis venu pour vous aider, vous aviez disparu, dit Rindo avec colère. On était tous super inquiet. Où est Ran ?
   — Il est parti à la recherche des autres, mais il allait bien, dit aussitôt Kazutora en se levant. Rindo t'es pas censé être ici, t'es en danger.
   — Et vous alors, dit Rindo en lui jetant un regard brûlant. Qu'est-ce que vous avez encore fait ?!
   — Une explosion nous est tombée dessus et on a pas réussit à l'éviter, Hanma a été touché mais on s'en sort bien, assura Keisuke.
   — Vous vous en sortez bien, cria Rindo avec colère. Vous vous foutez de moi ?! Hanma t'as une putain de balle dans la jambe, Seishu est inconscient, et Ran est tout seul dehors, et vous osez dire que tout va bien ?! 
   — On est en vie, c'est le plus important !
   — Vous avez de la chance d'être en vie, cria Rindo en frappant Keisuke. Vous avez même pas remarqué mon arrivée, j'aurais pu vous tuer tous les trois !
   — Ok on est pas parfait mais c'est bon, on est en vie, s'exclama Hanma. Aide-nous au lieu de nous engueuler, parce qu'en attendant on peut toujours pas bouger.
   Rindo lui lança un regard plein de colère, mais il s'agenouilla tout de même et regarda l'état de sa blessure. Elle n'était vraiment pas belle à voir, et Keisuke avait dû empirer les choses en essayant de le soigner. Mieux valait ne plus toucher à rien.
   — Il faut faire un bandage, on va opérer en rentrant, dit-il en retirant rapidement son gilet pare-balles.
   — Qu'est-ce que tu fais, demanda Kazutora en le regardant faire sans comprendre.
   — J'ai des sarashis.
   Rindo jeta son gilet pare-balles et remonta son t-shirt sur sa poitrine, en coinçant le bas entre ses dents. Il défit rapidement les bandes de cotons qu'il avait enroulées autour de ses abdominaux quelques heures plutôt, et se dépêcha de les donner à Kazutora pour qu'il s'occupe de bander la jambe d'Hanma.
   — Qui d'autre est là, demanda Keisuke alors qu'il se rhabillait en vitesse.
   — Hajime, Izana et les filles. On a aussi emmené Kakucho et Chifuyu.
   — Chifuyu ?!
   — Oui et je te préviens, t'as pas intérêt à déconner avec lui, dit Rindo d'un ton menaçant. Tu t'approches pas de lui.
   — Comme si j'allais faire quelque chose de bizarre...
   — Personne te fait confiance quand t'es avec lui, répliqua Hanma. Ce mec nous cause que des problèmes et c'est toi qui nous l'a ramené je rappelle.
   — Moi je lui fais toujours confiance, dit Kazutora avec calme.
   — Parce que t'es naïf.
   — Peu importe, dit Rindo. Chifuyu est notre ennemi, alors Keisuke ne l'oublie pas. On hésitera pas à le tuer s'il le faut.
   — Essayons de ne pas en arriver là, dit Kazutora.
Il termina de poser les bandages sur la jambe d'Hanma, puis il baissa son pantalon et se redressa.
— On doit bouger, on a pas de temps à perdre, dit-il en lui tendant la main.
Hanma lui prit la main et se releva difficilement. Il passa un bras autour de ses épaules pour s'appuyer sur lui pour marcher, et fit de même avec Keisuke. Les deux jeunes hommes le maintinrent par la taille, et le petit groupe se dépêcha de descendre dans les escaliers.
Rindo ne les suivit pas tout de suite. Il s'arrêta d'abord au haut des marches et prit une longue inspiration. Il devait se calmer. S'énerver contre eux ne servait à rien, il avait seulement peur de les perdre, et ce n'était pas une raison pour s'en prendre à eux. Ils devaient sûrement faire de leur mieux, ils n'avaient pas choisi d'être dans cette situation. La peur, mêlée à la tension, le stresse et la frustration ne faisant pas bon ménage. Il devait se calmer, sinon il finirait par faire quelque chose qu'il regretterait.
Le jeune homme soupira et rejoignit ses amis.
— On risque pas de croiser la police, dit soudain Keisuke.
— Normalement non, ils ont dû tous fuir avec l'explosion qu'il y a eu, et Hajime les attend à la sortie, dit Rindo. Comment vous vous êtes retrouvé là ? Et pourquoi vous êtes plus avec le reste du groupe ?
— Parce qu'on avait prévu de se séparer pour chercher Shinichiro, sauf que l'armée a débarquée et on a tous dû fuir là où on pouvait. Au départ Hanma était avec Seishu et Ran, et avec Kazu on s'était réfugiés à l'est. On réussit à se retrouver par hasard, mais Ran a préféré partir parce qu'il pensait savoir où était la base — parce qu'on était perdu — sauf que nous on préférait longer la côte. On a fini par arriver là, donc on est entrés pour essayer de voir s'il y avait pas une carte, mais les policiers sont arrivés et c'est parti en course poursuite, expliqua Keisuke.
— Ok, dit Rindo. Et vous avez trouvez une carte ?
— Ouais, dit Hanma. C'est moi qui l'ait.
— Ok. C'est déjà ça.
— Qu'est-ce qui vous a pris d'amener les filles ici, demanda Hanma en grimaçant, alors qu'ils arrivaient devant un tas de débris sur lesquels ils devaient passer.
— On avait pas le choix, et puis elles sont tout aussi utiles qu'un mec.
— Ouais sauf que Mikey va vous tuer s'il arrive quelque chose à Emma. Et Sanzu aussi.
— Je pense qu'ils seront surtout contents qu'on vienne les sortir de là, répliqua Rindo.
— Et qu'est-ce qu'on va faire maintenant, demanda Keisuke.
— On va aller à la base. Mais toi Hanma tu vas aller au point de départ, je te donnerais l'emplacement. Y'a des sacs cachés entre les pierres près de la rives, et dedans y'a des talkies-walkies qui permettent d'appeler Akane et South. Ils viendront te chercher, et t'emmèneras Seishu avec toi. Il faut évacuer les blessés en premier.
— Alors là même pas en rêve, dit Hanma d'un ton railleur. Je suis pas faible, je rentrerais pas avant d'avoir buter tous ceux que je veux buter ici.
— Ah ouais, et tu comptes faire comment avec une seule jambe, demanda Rindo en haussant les sourcils.
— J'ai deux béquilles pour m'aider, dit Hanma en secouant la tête de Keisuke et Kazutora. C'est suffisant.
— Ose toucher une fois de plus à mes cheveux et je te jure que je te coupe la jambe valide qu'il te reste, menaça Keisuke d'une voix sifflante.
— Tu ferais mieux de rentrer, tu pourras rien faire dans cet état, dit Kazutora d'un air perplexe. T'aurais l'air con à mourir juste parce que t'avais qu'une jambe pour fuir.
— Ça c'est mal me connaître. Même sans jambes je pourrais me débrouiller seul.
— Ok alors vas-y, dit Keisuke en le lâchant. Avance tout seul, parce que moi j'en ai marre de te porter. Et tu lâches Kazutora bien sûr.
— Mais pas de problème.
— Kei arrête c'est débile, souffla Kazutora en retenant Hanma contre lui. On a assez de problèmes comme ça, arrêtez de vous engueuler.
— Et ben comme ça il comprendra que c'est un boulet qui a besoin de nous.
— On dirait un gamin, fit remarquer Rindo d'un air agacé. Il va se faire mal bêtement et on va perdre du temps. Aide-le à marcher pour qu'on s'en aille rapidement.
Keisuke marmonna quelque chose d'incompréhensible, mais il écouta son meilleur ami et aida de nouveau Hanma à marcher.
Voilà pourquoi Rindo disait que ces trois-là formaient le pire trio. Ils étaient incapables de travailler ensemble. Enfin, c'était surtout Hanma et Keisuke le problème, ils passaient leur temps à se disputer. Le duo Kazutora et Keisuke marchait à la perfection, et Kazutora allait aussi très bien avec Hanma, mais Hanma et Keisuke... c'était compliqué.
Ils se disputaient tout le temps pour tout. Pour savoir qui commandait, qui avait raison ou tort, qui était le plus fort, le plus agile, qui partait avec Kazutora, oui, Rindo les avait déjà entendu se disputer pour savoir qui avait telle ou telle personne dans son équipe, qui devait avoir le plus de munitions, qui avait le meilleur plan... Des gamins. Il n'y avait que Kazutora qui était à la hauteur en fait, il n'était pas le chouchou de Rindo pour rien.
Le jeune homme garda cette réflexion pour lui, et le petit groupe finit par atteindre le hall. Il n'y avait plus aucune agitation ici, tout était complètement silencieux. La fumée s'était légèrement dissipée, mais elle était toujours très épaisse et l'air était tout aussi irrespirable qu'aux étages. La zone avait l'air déserte de toute vie ici, il n'y avait plus que des cadavres qui jonchaient au sol, s'entassant les uns sur les autres, gisant dans leur sang. Rindo poussa une exclamation de dégoût et écarta du bout du pied le bras inerte d'un policier sur sa route. Hajime n'y était pas allé de main morte, il n'en avait pas loupé un seul. Et bien... voir Seishu aller mal avait dû le mettre dans une terrible fureur pour qu'il ne laisse aucun survivant.
   Du bruit provenait de dehors en revanche. Rindo leva alors son arme et s'avança en évitant les cadavres, et se pencha vers la porte d'entrée. Mais il se rendit vite compte qu'il ne s'agissait que d'Hajime, qui était retourné auprès de Seishu.
   — J'ai retrouvé Kazutora, Keisuke et Hanma, prévint Rindo en le rejoignant. Hanma est blessé à la jambe alors je propose qu'avec Seishu on les renvoie... Hajime ?
   Son ami ne répondit pas. Il s'était agenouillé devant son petit ami, dos à Rindo, et était occupé à soigner ses plaies artifielles. Il avait déchiré la manche de Seishu et nettoyait une coupure qui barrait son biceps. Mais ses mains étaient couvertes de sang, et elles tremblaient horriblement.
   — Hajime, ça va, demanda Rindo avec inquiétude.
   — O-oui, Seishu va bien..., dit Hajime d'une voix tremblante.
   — Non, je t'ai demandé si toi tu allais bien.
   — Je me suis débarrassé de tout le monde, je... Oui, i-il faut renvoyer Seishu, et Hanma aussi s'il est blessé...
   — Hajime, il t'es arrivé quelque chose ?
   — N-non... partez devant, je vais moi-même ramener Seishu près de la rive...
   Rindo attrapa l'épaule de son ami et le força à se tourner vers lui. Il poussa alors une exclamation d'horreur et le lâcha immédiatement. Du sang dégoulinait en grande quantité sur sa joue...
   — Hajime qu'est-ce que...
   — Rien, s'écria Hajime avec toute la force qu'il lui restait. C'est rien, c'est pas si grave !
   — Ils t'ont crevé l'œil, s'écria Keisuke avec horreur. 
   — Hajime il faut stopper l'hémorragie, s'écria Rindo en s'agenouillant immédiatement devant lui.
   — Je le ferais tout à l'heure, je dois d'abord m'occuper de Seishu ! Je dois le mettre en sûreté, je vais bien, dit Hajime en se débattant. Je vais bien, Rin je t'assure que ça va !
   Rindo ne l'écouta pas et prit son visage pour plaquer sa main contre son œil avec panique. Le côté gauche du visage de son ami était couvert de sang, une longue coupure barrait son visage et traversait son œil juste en son milieu. Elle partait de la naissance de ses cheveux et descendait en diagonale jusqu'à son oreille, et du sang coulait abondamment de sa plaie. Le reste de globe oculaire qui jonchait dans son orbite baignait dans du sang presque noir, sa paupière fendue laissait voir sa chair mise à vif, et sa peau autour de son œil pâlissait jusqu'à en devenir grise, comme si son visage mourrait peu à peu.
   — Merde, Hajime on doit faire quelque chose, dit Rindo avec panique. T'as... merde... merde...
   — Ça va, assura Hajime en se reculant. C'est rien du tout, il y a plus important-
   — Mais non, cria Rindo avec hystérie. Passe-moi tes sarashis !
   — Je les ai mis sur Seishu, sa plaie à la cuisse s'est un peu réouverte et j'ai préféré être prudent... Moi j'en ai pas besoin !
   Rindo lâcha son meilleur ami et se rua sur Seishu pour reprendre ses bandages, mais Hajime le repoussa vivement et s'interposa entre eux pour l'empêcher de toucher Seishu.
   — Le touche pas ! Il a besoin de bandages, et j'ai choisi de lui donner les miens ! Je m'en fou de mon œil, c'est pas grave j'en ai toujours un deuxième, Seishu j'en ai qu'un seul ! J'en ai q-qu'un seul, e-et je suis prêt à guérir chacune de ses blessures, même les plus petits, je suis prêt à n'importe quoi pour lui, cria Hajime d'une voix tremblante.
   — Mais il va très bien, cria Rindo. C'est pas trois coupures qui vont le tuer, Hajime ta vie est en jeu, tu dois aussi penser à toi !
   — Je vais bien ! 
   — Te fous pas de moi, tu vas tout sauf bien !
   Rindo fut soudain poussé sur le côté et Kazutora et Keisuke s'agenouillèrent à ses côtés. Keisuke prit l'un des couteaux qui étaient attachés autour de la cuisse du jeune homme et coupa rapidement les deux manches de son t-shirt, tandis que Kazutora l'imitait. Ce dernier plia plusieurs fois ses bouts de tissu sur eux-même et pour en faire un petit carré, et le plaqua sur l'œil blessé d'Hajime. Pendant ce temps, Keisuke enroula ses propres manches autour de son crâne, de façon à maintenir le carré de tissu contre son œil, et l'attacha fermement.
   — Merci, dit Hajime en se laissant faire.
   — T'as pas intérêt à perdre ton dernier œil, dit Keisuke. Et tu vas aussi rentrer sur l'île.
   — Mais je peux me battre !
   — Tu vas rentrer avec Seishu, vous serez plus séparés, promit Kazutora.
   — Oui mais et vous qui va vous protéger ?
   — Pas un borgne en tout cas, dit Hanma en croisant les bras.
   — On peut se débrouiller seul, assura Kazutora. Toi tu vas rentrer à Tokyo et prendre soin de Seishu, pour qu'à son réveil il voit ton joli visage et que vous soyez tous les deux heureux. Ok ?
   — Ok...
   — Vous feriez mieux de partir maintenant, dit Rindo. Hajime même si tu dis que tu vas bien, tu vas pas tenir longtemps dans cet état. Et Hanma tu peux pas rester là, tu vas rien pouvoir faire.
   — Je repartirai quand j'estimerai que je pourrais partir, dit Hanma en croisant les bras.
   — T'es débile ou quoi, s'énerva Keisuke. « Je repartirai quand j'estimerai que je pourrais partir » c'est pas toi qui décide, tu te barres un point c'est tout !
   — Toi barre toi !
   — Oh arrêtez de vous engueuler, dit Rindo d'un air agacé. De toute façon, on va tous devoir retourner au point de retour. Il faut quelqu'un pour aider Hanma et Hajime à marcher, et quelqu'un doit porter Seishu.
   — Je suis d'accord, dit Kazutora en se relevant.
   — Je peux porter Seishu, dit Hajime en secouant la tête.
   — Il vaut mieux que t'économise tes forces. Je vais t'aider à marcher, dit Rindo en lui tendant la main.
   Hajime soupira, mais il la saisit et se releva difficilement. Il tenait à peine debout, il vacillait dangereusement et ses jambes tremblaient tant qu'elles ne parvenaient plus à le soutenir. Rindo le prit immédiatement contre lui, tandis que Keisuke soulevait Seishu et que Kazutora retournait près d'Hanma. Le petit groupe s'élança alors vers la forêt, en allant aussi vite que possible. Ils avançaient lentement, avec Hajime et Hanma qui avançaient difficilement, ils n'étaient pas près de rejoindre le point de départ.
   — On est vraiment une bande de bras cassés, dit Keisuke en secouant la tête.
   — Surtout vous, dit Rindo.
   — Sur six on est plus que deux à pouvoir se battre...
   — Deux, dit Kazutora sans comprendre. Toi, Rindo et moi ça fait trois Kei.
   — J'aimerais bien que t'évite de te battre, j'ai pas envie que tu finisses dans le même état qu'eux.
   — Je te retourne ça, répliqua Kazutora. J'ai pas envie de te voir dans un lit d'hôpital et encore moins dans un cercueil.
   — Ce serait bien qu'on évite tous l'hôpital et le cercueil, dit Rindo. Et qu'on revienne tous en vie.
   — Ce serait un miracle qu'on revienne tous en vie, dit Hanma.
   — Ce serait trop beau en effet, dit Rindo. Mais on a pas le choix. Takeomi est déjà mort, on ne peut pas se permettre d'en perdre un autre.
   — Je vois mal comment on pourrait tous s'en sortir.
   — Il faut surtout que les fondateurs du gang restent en vie. C'est les piliers du gang, sans eux tout sera déstabilisé, dit Rindo.
   — Ah donc la vie de Keisuke est plus importante que la mienne, s'indigna Hanma.
   — Parce que tu pensais que t'étais plus important, répliqua Keisuke.
   — Vous êtes aussi important l'un que l'autre, arrêtez de vous engueuler pour rien, c'est lourd, dit Kazutora d'un air las.
— C'est toi qui est lourd, répliqua Hanma.
— Dit celui qui m'écrase depuis dix minutes.
   — Il m'agace, dit Keisuke.
   — Kei fais un effort s'il te plaît. Ça fait deux jour que je vous supporte, j'en peux plus là.
   — C'est vrai... Désolé Kazu.
   — Rindo, murmura Hajime à l'oreille du jeune homme. Ma tête tourne...
   — Ça va aller, dit Rindo en le tenant un peu plus fort. Tu vas vite être en sécurité, et Akane te ramènera à la maison pour te soigner.
   — Non... Je peux plus avancer..., dit Hajime alors que ses jambes cédaient.
   Rindo le rattrapa de justesse, et le fit s'asseoir au sol. Le bandage improvisé que lui avait fait Keisuke et Kazutora était déjà imbibé de sang, des gouttes rouges perlaient du tissu et tombaient sur ses joues horriblement pâles. Il perdait trop de sang, il n'allait pas tenir à ce rythme...
   — Hajime, dit Rindo en prenant son visage entre ses mains. Hé tu m'entends ?
   — Il faut peut-être l'allonger, dit Keisuke avec inquiétude.
   — Et lui lever les jambes, ajouta Kazutora.
   — Hé Hajime ça va aller, dit Rindo en l'allongeant. T'es juste un peu faible t'inquiète pas.
   — Je veux pas mourir...
   — Tu vas pas mourir, ça va aller. Respire lentement, il faut que tu attendes un peu et tes forces reviendront. Pense à Seishu ok ?
   — Je veux pas l'abandonner, dit Hajime alors qu'une larme tombait de son œil. Je veux pas le perdre... je veux pas...
   — Tu le perdras pas. Regarde, il est juste là, dit Rindo en faisant signe à Keisuke de s'approcher. Il va bien grâce à toi, et on va tous prendre soin de lui alors tu peux te détendre un peu.
   — J'ai peur Rindo..., dit faiblement son ami. Je veux pas le perdre...
   Keisuke déposa Seishu au sol et Rindo prit sa main pour la poser sur celle d'Hajime. Les doigts de Seishu bougèrent légèrement et caressèrent le dos de la main de son petit ami. De nouvelles larmes glissèrent sur les tempes d'Hajime. Il se retourna sur le flanc et se blottit difficilement dans les bras de Seishu. Il passa un bras autour de son torse et approcha sa tête de la sienne en continuant de pleurer.
   — Seishu me laisse pas... J'ai besoin de toi pour tenir... Je vais pas... tenir longtemps... réveille-toi... Sei... J'ai besoin de toi...
   — Hé Hajime reste avec nous, dit Rindo en voyant que l'œil de son ami tournait au blanc. Hajime ? Hajime tu m'entends ? Hé non non non tu dois rester avec nous. Hajime !
   — Hajime tu dois tenir, dit Keisuke en lui secouant l'épaule. Hajime oh !
   — Hajime ça va aller, on est là ok, dit Rindo en sentant sa voix trembler. Hé... Hajime...
   Le jeune homme regarda ses amis avec panique, en cherchant une solution dans leur regard, mais il ne trouva rien. Seulement une lueur de peur et d'incompréhension. Rindo fronça les sourcils avec peur, il baissa la tête, ses lèvres tremblantes, et posa ses doigts sous la mâchoire d'Hajime pour chercher son pouls.
   Et son cœur s'arrêta de battre.

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Je poste avec quelques minutes d'avance...

J'espère que ce chapitre vous a plus, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ou ce que vous pensez qu'il va arriver 👀
On croise les doigts pour que notre petit Koko s'en sorte pour epouser Inui et vivre une belle vie avec lui
(Et on croise aussi les doigts pour les autres, ne les oublions pas 🙂)

Zoubi zoubi

Criminel de penséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant