Chp 10

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Je me souvenais soudainement à quel point j'avais
été dure avec Carl au début. Je l'avais jugé trop vite. Et puis, il y avait Diego qui m'avait expressément demandé de ne pas l'approcher... Pourtant, me voilà à dîner avec lui et à me préparer pour un gala, alors que je suis censée commencer mon travail dans moins d'une semaine.

Argh.

— Carl, je suis désolée pour tout, dis-je en jouant distraitement avec ma fourchette.

— Désolée pour quoi ? demanda-t-il, intrigué.

— Je t'ai mal jugé. Et puis, les messages que je t'ai envoyés... Je pensais que tu étais comme Diego, un coureur de jupons.

Il eut un sourire narquois.

— Et qui t'a dit que je n'en étais pas un ? répliqua-t-il. Les femmes sont comme des diamants. Elles ont toutes une valeur unique. Elles ne se ressemblent pas.

Je ne pus m'empêcher de rire.

— Pourquoi tu ris ? lança-t-il. Toi, tu n'es pas un diamant, alors arrête de rire.

Son ton était sec, et cela me fit taire instantanément. C'était la première fois que quelqu'un me parlait aussi durement.

Non, en fait... ça me rappelait une autre époque. Une époque où j'avais six ans et où tout ce que je voulais, c'était un doudou. Comme tous les enfants de mon âge.

Je me souviens avoir demandé à ma mère. J'étais si innocente, si heureuse de le lui demander, sans même réaliser qu'elle était en colère.

Elle était dans la cuisine, en train de couper de la viande d'un geste sec, le couteau à la main. Je m'étais approchée d'elle, tirant sur sa robe pour attirer son attention.

— Maman, tu vas me l'acheter, pas vrai ? demandai-je, lui tendant un catalogue avec un grand sourire.

Elle posa son couteau et prit le catalogue. Pendant quelques secondes, elle l'observa en silence. Puis, soudain, elle éclata de rire. Un rire hystérique.

Et c'est là, à cet instant précis, que la petite fille que j'étais comprit que sa mère était malade.

J'éclatai en sanglots, prise d'une peur viscérale. Son regard était sombre, ses veines saillantes sur sa peau tendue.

— Arrête de pleurer, sale gamine de merde ! Tu me fais chier ! cracha-t-elle. T'es qu'une erreur. J'aurais dû te tuer quand tu étais dans mon ventre.

À six ans, je ne comprenais pas encore pleinement la signification de ses mots. Mais la douleur dans ma poitrine, elle, était bien réelle.

Je pleurais trop fort. Une crise de panique incontrôlable.

Elle attrapa mes cheveux et tira violemment, avant de reprendre le couteau et de le poser contre mon visage. Je ne pouvais plus respirer.

Elle s'accroupit à ma hauteur, abaissa le col de mon t-shirt pour exposer mon épaule... et y traça une entaille nette avec la lame.

Je ne ressentis rien.

Les sanglots couvraient la douleur de la coupure.

— Je déteste le bruit de tes pleurs.

Sa voix était glaciale.

— Tu n'as pas besoin d'un doudou. Tu as ton chiot. Elle marqua une pause, puis ajouta avec un sourire cruel : Tu sais, celui que j'ai tué à cause de ses aboiements.

Je relevai la tête, bouleversée.

— Il... il est mort ? balbutiai-je. Mais... je devais l'amener à l'école. Les autres enfants vont se moquer de moi...

— Tu oses me contredire ?! siffla-t-elle. Tu voulais un chien, alors tu vas en prendre soin. Même mort.

Et c'est ainsi que j'abandonnai l'idée d'avoir un doudou.

J'avais dû emmener Kyos à l'école. Mon chien. Mon chiot sans vie.

Je me souviendrai toujours de la façon dont il est mort.

Je n'étais pas passée inaperçue, ce jour-là.

Les professeurs avaient convoqué ma mère. Moi, je n'avais rien dit. Mais elle... elle s'était contentée de lancer des piques, feignant l'innocence.

J'avais été déscolarisée pendant un an.

Jusqu'à ce jour où mes "parents" se disputèrent une fois de plus. Comme d'habitude, je m'étais enfermée dans ma chambre, les mains plaquées sur mes oreilles, attendant que ça se termine.

Mais cette fois, ce fut différent.

On frappa à la porte.

L'assistante sociale était venue.

Et c'est ainsi que j'appris que ces adultes, ceux que je considérais comme mes parents... ne l'étaient pas.

Ils m'avaient prise à mes véritables parents.

— Tania, ça va ?

La voix de Carl me ramena brusquement au présent.

— Hein ? Oh... Oui, désolée. Tu disais ?

Il plissa légèrement les yeux avant de sourire.

— Je pense que les restaurants gastronomiques ne sont pas ton fort, ma rose.

Je sentis mes joues s'embraser au son de ce surnom.

— Uhh... Ça me gêne de l'admettre, mais je préfère les pizzas. Je baissai les yeux sur l'addition. Même si, à cause de moi, tu vas devoir payer une fortune...

— Quelle addition ? répondit-il, toujours aussi calme.

Il fit signe au serveur, qui accourut immédiatement.

— Votre repas s'est bien passé, Monsieur le Directeur ? demanda-t-il avec respect.

— Oui, merci. Moi et madame allons dans mon bureau. Préviens Mia.

Le serveur inclina la tête et disparut aussitôt.

Mon cerveau mit quelques secondes à assimiler.

— Attends, attends... MONSIEUR LE DIRECTEUR ?! m'écriai-je en me levant brusquement.

Carl me fixa avec un air las.

— Cesse de crier et prépare-toi plutôt pour le gala. On va passer par mon bureau, histoire que je t'apprenne comment bien te comporter en présence de personnes haut placées.

Nous quittâmes le restaurant.

Devant l'entrée, une voiture nous attendait. Par réflexe, je me dirigeai vers le siège passager, mais Carl m'attrapa brusquement par le bras avant de souffler, exaspéré :

— T'es sérieuse, Tina ? Monte à l'arrière, idiote.

Rougissante de honte, je me réfugiai à l'arrière sans un mot.

*

Carl était en appel tout du long, et son ton devenait de plus en plus sec. Son visage, lui, était fermé, concentré, presque froid.

Ce n'était donc pas un simple influenceur.

Carl Rodrigo... était bien plus que ça.

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