C'est alors qu'au virage apparaît un leclerc*
Qui file à son rivage, en ces Gorges de pierre.
Le voyant les gueulards se taisent par respect.
Ou par peur de se prendre un bon coup de pagaie.
Moi je crois au respect. À la paix sur l'Ardèche,
Quand la rame se plaît dans l'eau fraîche en été,
Quand le calme se fait le long des berges sèches,
Donnant même aux fêtards l'envie de méditer.
Le maître du leclerc aperçoit son domaine:
Sa plage de galets et son salon de roche
Vers lesquels il approche, et je sais mon aubaine,
Heureux d'y retourner. Le canoë s'approche.
L'eau verte et claire accueille de petits poissons
Qui viennent à nos pieds, écoutant deux chansons:
Celle de la rivière enlaçant cette terre,
Celle de ces falaises endormies sous l'éther.
Nous sommes rafraîchis, mon grand-oncle et moi-même.
Alors je réfléchis à mon prochain poème
Et au passé des grottes que je vois en face,
Pendant que je me sers un grand verre de Vals.
Au salon nous sortons le pain et la caillette
En écoutant Ferrat et un chœur de cigales.
Puis, tandis que les guêpes s'invitent à la fête,
Les souvenirs du vieux viennent danser au bal.
Ils tournent en souriant, ces visages d'antan.
Ils disent "Souviens-toi que j'ai été enfant".
Ils défilent en riant dans la voix de Tonton
Et, de Ferrat à Brel, tous les deux nous chantons !
Mais nous devons partir, je reprends les pagaies.
Il n'y a plus de gueulards, le calme est retombé.
Nous glissons doucement en ces Gorges de Pierre.
Soudain, au virage, disparaît le leclerc.
À Tonton Bernard, je t'embrasse
*un « leclerc » est un type de vieux canoë français. Une des caractéristiques de ces bateaux est d'avoir une coque en plastique à renfort de verre. Aujourd'hui, vous en verrez sûrement moins. Les nouveaux canoës sont plus faciles à manœuvrer, plus économiques à réaliser et pratiquement insubmersibles.
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Jamais ne meurt la poésie!
PoetryLa poésie fait et fera toujours partie de nos vies. Le public change, les codes aussi, comme toujours. De nouveaux outils ont émergé, élargissant la possibilité de diffusion de nos écrits, tout en les noyant sous l'abondance de la production. Certai...