L'amant pensait «Que vienne la lumière,
Qu'elle apporte le chant qui brisera l'Hiver».
L'amant priait «Que vienne le Soleil,
Qu'il redonne l'Été à mes souvenirs d'elle».
L'amant chantait «Que vienne l'incendie,
Qui embrase le cœur, le brûle et puis s'enfuit».
L'amant parlait «Qu'importe la clarté,
Sans vous je suis une ombre dans l'obscurité».
L'amant pleurait «Je suis dans les ténèbres».
Ainsi il acheva son éloge funèbre.Et sur le lit glacé où il s'était penché,
Au milieu de la foule en tout point affligée,
Comme une Galatée qu'on ne peut éveiller,
Ou comme une Eurydice à jamais sans Orphée,
Comme un mythe endormi qu'on voudrait réveiller,
L'amante paraissait une étoile gelée.
Alors l'amant, enfin, leva haut son épée.
Forcené, il cria «Que l'assaut soit lancé !»
«Qu'on ne m'arrête pas, je m'en vais plus à l'Est
Rendre un dernier hommage à l'amour disparu,
Sous une dalle en or coucher ce qu'il en reste
Et puis je reviendrai, l'âme déjà vaincu.
Bien que que ma grande armée puisse gagner la guerre,
Faire couler le sang de ceux qui l'ont tuée,
À quoi bon la vengeance et les chants des trouvères ?
Ils ne me rendront pas ce que l'on m'a ôté.»
Pourtant le triste assaut fut bel et bien lancé
Et le camp de l'amant finit par l'emporter,
Dans un élan de haine et de bestialité.
Vieillards, enfants et chiens, rien ne fut épargné.
Amantes ennemies furent aussi massacrées.
On brûla toute entière la ville assiégée.
Et notre amant, vers l'Est, où l'aube se levait,
S'exprima «Oh mon Dieu, ma douce qu'ai-je fait !?»
Photo: La tenture de David et Bethsabée
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Jamais ne meurt la poésie!
PoesiaLa poésie fait et fera toujours partie de nos vies. Le public change, les codes aussi, comme toujours. De nouveaux outils ont émergé, élargissant la possibilité de diffusion de nos écrits, tout en les noyant sous l'abondance de la production. Certai...