Le temps des kermesses

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Amie, te souviendras-tu du temps des kermesses ?
Te rappelleras-tu les rires qu'on avait,
Ces éclats de bonheur enrobés de tendresse,
Quand le monde était beau, que tout était parfait ?


Ami, la Grande Révolution avortée,
Tu sais, celle qu'on voulait faire à la cantine...
Tu t'en souviens ? Nous avions été dénoncés.
Nous, "révolutionnaires", avions mauvaise mine.


Amie, rue des Menuts que le monde était beau.
Pour nous, pour des enfants joueurs et innocents.
Mais il s'est assombri avec Charlie Hebdo,
Un instant effrayant, il semblait menaçant.


Ami, je repense à notre petit collège.
Goya, qu'il s'appelait. Je ne l'oublierai pas
Ce jour où, dans la cour, l'on vit un peu de neige.
À peine un millimètre et pourtant, quelle joie !


Amie, c'était le temps des erreurs et des doutes
Qui débutait. Je ne savais plus qui j'étais,
Et toi non plus. Chacun voulait choisir sa route,
Sans se presser. Nous aimions notre liberté.


Hélas, amis, nous avons dû choisir quand même.
Du jour au lendemain, on a pris des chemins
Qui nous ont séparés. Vînt le temps des problèmes
De la vie quotidienne, où tout est incertain.


Les éclats de bonheur de la rue des Menuts
Sont revenus à d'autres. Et je suis parti
Me confronter au monde. Seul et à demi-nu.
J'ai bien été chômeur et ça m'a endurci.


Puis de Révolution en manifestations,
J'ai gardé mon ardeur et me suis fait entendre !
Parfois je n'avais pas du tout de solutions.
Mais pourtant j'étais là, toujours prêt à défendre !


Un jour, amie, je t'ai croisé par accident.
Cette matinée, nos sentiers se sont mêlés.
«Amis» devînt «amants» et un grand jour «parents
D'un merveilleux éclat de bonheur partagé»!


Mais le temps a passé.


Chérie, vois mes cheveux. Ils commencent à blanchir.
Je suis malade et la mort me caresse.
Parle-moi, car mon mal me prend mes souvenirs.
Dis-moi, te souviendrais-tu du temps des kermesses ?


Jamais ne meurt la poésie!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant