Je me réveille encore une fois avant la sonnerie aiguë du réveil posé sur mon guéridon. Mes nuits sont de plus en plus courtes, animées par des cauchemars de plus en plus récurrents. Je descends au salon de notre duplex en fine robe de chambre blanche et je vois ma mère, revêtue d'une longue blouse bleue électrique et portant des gants en latex, telle une chirurgienne prête à sauver une vie. Je prends place sur la chaise au milieu de la pièce en soupirant et allume la télévision. 《J'essaie de faire au plus vite ...》
L'écran de la télé n'offre à mes yeux que des séries américaines stupides avec des doublages à rendre sourde une chauve souris alors je me concentre sur les gestes de ma mère reflétant dans le grand miroir en face. Elle est agile, rapide et ses gestes sont d'une légèreté incroyable. Je la regarde prendre le pinceau et déposer la crème claire sur mes cheveux, mèche par mèche, sans jamais se lasser. J'aurais déjà dû apprendre, moi aussi, à exécuter cette tâche régulière mais ma réticence était si forte que ma mère n'a pas insistée.
《Il est 8h, il devrait y avoir le journal 》
Je change la chaîne pour aller sur la première et augmente le volume. Le présentateur, un jeune homme en chemise derrière sa table en verre, laisse place à des images de notre bon vieux président. Sa tête m'horripile et sa voix me dresse les poils mais je fait un effort, comme chaque matin, pour le supporter et espérer un changement prochain. Mais rien. Rien que des mots hypocrites 《Bonne journée mes chers citoyens, et que votre beauté illumine l'avenir !》
J'éteins la télé avec un grognement sous les yeux surpris de ma mère.
《Tu peux te lever, reviens dans 2h.》
Elle me fait un bisou sur le front et range le matériel. Je monte dans ma chambre et m'assois sur mon lit, face à la fenêtre. Les pinces m'arrachent la peau du crâne et mes cheveux tirés en arrière m'agrandissent le front et m'ajoute 10 ans de plus mais c'est la souffrance à subir pour rentrer dans les critères. Je me laisse divaguer dans mes pensées pour écouler ce temps infini où le produit doit agir. Mon médecin m'a dit une fois que les rêves que l'on fait régulièrement veulent dire quelque chose, mais j'ai beau me souvenir parfaitement de ceux que je fais depuis une semaine maintenant, aucune explication n'est plausible excepté le fait que je déteste littéralement ce gouvernement, cette vie imposée. Il commence par une carpe koi, le symbole de la vie, dans un bassin magnifique. Puis ce bassin rétrécit jusqu'à ne laisser la place au poisson que de se retourner sur lui même. Après ça, une main de bûcheron le saisit et le mets sur un plateau de dégustation. Une chute terrible. Puis généralement je me réveille après qu'une personne ai coupée une nageoire. Typique d'un rêve.
L'appel de ma mère me sort de cette réflexion et je rejoins la salle de bain pour me laver les cheveux. L'eau chaude qui coule dans la baignoire est foncée avec quelques cheveux qui partent, abîmés par ces nombreux produits. Je finis de me laver et me découvre alors, brune des racines aux pointes, une longue cascade de terre brillante dans le dos.
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Couleur mortelle [Réécriture]
General FictionLa société n'est plus ce qu'elle était. Votre vie ne tient plus qu'à un cheveu, une couleur cuivrée, une couleur mortelle. Le monde se construit désormais sur la beauté, le physique ayant prit le pas sur la Raison. 《 Que votre beauté illumine l'aven...