°•. Chapitre I

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C'était quand j'avais 4 ans. La mémoire d'un enfant de cet âge n'est pas encore totalement développée mais ce passage est resté ancré.

J'étais dans les bras de ma mère, un biscuit à la main, pendant qu'elle me berçait avec sa voix d'ange. Je plissais les yeux pour ne pas être éblouie par la couleur foncée mais brillante de ses cheveux et d'une main, essayait de les attraper. Ce moment de tendresse, c'était un peu comme le calme avant la tempête. Mon père rentra du travail les points serrés et les pas lourds, jetant son sac dans le salon et provocant une sorte de peur chez ma mère. Elle me serra un peu plus fort en lui demandant ce qui se passait. Je me souviens parfaitement de cette réponse. 《On va mourir ! Ils nous cherchent ! Tout ça à cause de toi ! Lâche la gamine, on se taille, on la laisse, elle a les mauvais gènes, on la laisse j'te dit !》Il prit ma mère par l'épaule violemment pour la tirer hors du studio, tentant de me pousser à l'intérieur des WC pour que j'y reste. Il me lança une gifle et lui donna des coups pour la faire céder, partir au plus vite. Les voisins sont arrivés juste après la fuite de mon père, alertés par les cris, et emmenèrent ma mère inconsciente après cette crise de violence à l'hôpital. Personne ne me trouva et j'attendis qu'elle rentre des urgences, une semaine après. Cet épisode, elle n'a jamais voulu me le raconter, me l'expliquer. Parfois, je remarque des traces sur son corps, des marques de son passé avec mon père, un homme violent et impulsif qui ne l'a jamais épargnée.

Cela fait maintenant 12 ans que je n'ai pas revu la couleur originale de mes cheveux. Chaque fois qu'une racine apparaît un peu rousse, ma mère s'empresse de prendre son kit de coiffeur et de me repeindre les cheveux. Nous n'épprouvons aucune joie à répéter ce rituel mais nous savons que notre vie ne tient qu'à ça, notre vie ne tient qu'à un cheveu.

Cette loi est passée en 2023, pour la population ça a fait comme l'effet d'une deuxième 2nde Guerre Mondiale. Nous avions un nouvel Hitler, non pas raciste envers les juifs mais envers les roux, avec la même folie et la même autorité. Ce président, M. Jelil Besgue, n'est resté que trois ans à la tête du pays pour ensuite passer le relais à son fils de 50 ans, un personnage qui a finit ses jours à l'hôpital après huit ans d'amélioration des lois au sujet des roux. Depuis un an, c'est le fils qui a repris la charge du pays, un beau brun de 25 ans qui continue le travail de son grand père avec beaucoup de coeur. Alors depuis, la France ne compte plus que des bruns, des châtains et des blonds parmis ses habitants. La génération des années 2000 avec toutes ses technologies a eu un "gros impact sur le cerveau et la capacité à raisonner des personnes exposées" comme le dise si bien ces médecins.

Depuis, je ne choisis que le brun pour mes cheveux, passant du brun acajou au brun cerise. Il y a des contrôles partout, chaque boutique, lieu public ou lycée, à croire que les cheveux cuivrés donnent la peste. De nombreuses personnes n'ont pas critiqués cette nouvelle loi et ce nouveau système où la mode et la beauté sont les deux mots d'ordres. Jamais je n'aurait cru que le film de mon enfance où la petite souris vivait dans un monde de barbie deviendrait réalité.

Nous vivons désormais dans un monde où l'apparence physique prends le pas sur la raison et l'intelligence, au point de supprimer des libertés individuelles pour imposer des critères jugés beaux par une assemblée de stylistes.

Les cheveux n'ont pas été le seul changement ... Les pantalons qui ne sont pas collés parfaitement à la peau sont une insulte à la beauté du corps humain et les ballerines sont devenues interdites après que quelqu'un ait remarqué que cela aplatissait les fesses des françaises, "assez plates comme ça". Autant dire que le ridicule a atteint son apogée.


***


Je me suis habillée d'un jean "skinny" qui me fait des fesses de brésilienne, de talons compensés de 6 cm et d'un t-shirt à fleur laissant apparaître mon ventre. Je rejoins ma mère à la cuisine pour l'aider à terminer le déjeuner et nous passons à table. Nous vivons plus que toutes les deux depuis la fuite de l'autre salaud mais cette vie nous convient très bien. Sauf que ma mère veut un deuxième enfant.

《 J'ai regardé les centres d'adoptions pendant que tu faisais ton shampooing. 》

《 Alors ? 》

《 ... Je me suis inscrite sur liste d'attente ! 》

Elle avait un sourire magnifique. Je l'admirais. Vouloir un deuxième enfant était déjà un grand choix quand on vit seule avec un travail prenant mais en plus elle en voulait un comme moi, avec des cheveux naturellement cuivrés, ceux qui sont interdits. Elle voulait sauver un enfant. Seulement un seul orphelinat en France les hébergeait. Les teintures coûtent cher en ce moment et pas tous ne pouvait se les payer. Les enfants étaient donc abandonnés, dans un mode cruel et ridicule où ils pouvaient mourir pour être nés roux.

Je finis mon assiette et part au lycée, situé à quelques pâtés d'immeubles d'ici. Je descends les escaliers et arrive sur le grand pavillon de notre building. On vit dans le quartier chic de Lyon, une grande ville à l'est du pays, où on a acquit notre duplex il y a quelques mois grâce au salaire de ma mère, avocat spécialisé en violences conjugales. Son métier est difficile mais son expérience personnelle lui confère beaucoup d'arguments pour défendre ses clientes. Les temps ont changé et les hommes deviennent de plus en plus violents, faute encore aux jeux vidéos à l'époque où ils n'étaient que des gamins.

Je continue ma marche quotidienne, passant devant les boutique de prestige telles Prada, Dior ou encore Rolex qui se développent bien dans ces quartiers. Je m'arrête devant une porte en verre et attend Abby, une grande amie depuis 3 ans maintenant qui ne tarde pas à arriver.

《 Alessia ! Tu m'as manqué 》

Je lui saute dans les bras, après un mois de séparation.

《 Toi aussi Abby, tu as bien bronzée ! 》

《 C'était magnifique, je crois que c'est un des pays que je préfère 》

Tout en marchant elle me raconte son voyage en Afrique du Sud. Son teint est halé, contrastant un peu plus avec le mien, et ses yeux d'un brun noisette éclatant. Elle a une beauté naturelle qui attire tout le monde mais elle se refuse à faire du mannequinat.

Nous arrivons enfin au lycée pour notre deuxième année. On retrouve plein de connaissance après ces mois de vacances et nous formons maintenant un petit groupe de quinze à se diriger vers les tableaux d'affichage. Je cherche mon nom entre la foule et le trouve en 1 ère S 4, la quatrième classe de première S sur 6 au total. Parmi les 400 élèves de mon niveau cette année, je me retrouve avec Abby, une des meilleures nouvelles de la journée. On saute ensemble telles des fillettes de 10 ans et on se dirige vers notre salle avant la sonnerie de 13h. Ici, on a cours de 13h à 18h tous les jours sauf le dimanche qui nous est donné.

On découvre, assises sur les chaises d'une salle jaune pâle, notre classe et notre professeur principal, un homme d'une cinquantaine d'années qui nous enseignera la Physique Chimie. On regarde et on juge sans le vouloir les personnes que je connaîs presque tous, au moins de vue. Abby repère rapidement un groupe de beaux "coqs" comme elle les appelle et me donne un coup de coude quand elle voit Lorenzo, un bel italien qui m'attire franchement depuis l'année passée.

On finit la journée et on décide de passer à la bibliothèque pour chercher les livres qu'on doit lire pour le cours de français. On entre dans un grand bâtiment en verre qui fût autrefois des bureaux et on se promène dans les allées interminables de bouquins. Les mains remplies, on se dirige vers le comptoir où une jeune femme enregistre les emprunts. Abby me regarde, les yeux apeurés.

《 T'as entendu ce cri ?! 》

J'acquiesee en prenant la même expression et on rejoint la rue en courant pour regarder d'où venait l'appel. On s'approche d'un cercle de foule et on se fraye un passage parmi tous ces passants pour finalement arriver au centre, où je ne parviens pas à croire ce qui s'offre à mes yeux.

Couleur mortelle [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant