Je reste décontenancée par la réaction de ma mère. Cette femme si protectrice, inquiète et paranoïaque venait de sauter dans les bras de Marlisa, une simple inconnue récupérée dans la rue que j'invite à vivre chez nous.
Elle a directement vu que cette petite ne représentait aucun danger mais quand bien même, on ne sait de quoi est fait son esprit ni ce qu'elle souhaite réellement. Mais ma mère a toujours eu ce don de cerner automatiquement les personnes qu'elle croisait ou que je fréquentais, de me mettre en garde ou m'encourager à la connaître, et jamais elle ne s'est trompée. Au début, je ne l'écoutais pas et je me souviens encore de quelques conséquences.Elle ébauche un grand sourire quand je fais les présentations sur un ton monotone, n'arrivant pas à me détacher de cette facette là de ma procreatrice.
Après de longs compliments sur ses cheveux, Marlisa se retire dans ma chambre pour s'installer, je fixe implacablement la femme devant moi.《 C'est quoi cette hypocrisie là ?!
- On appelle ça de la politesse, chérie. Tu devrais essayer une fois. Allez, appelle ta copine on mange maintenant. 》Je soupire en secouant la tête. Jamais je ne l'avais dévisagée comme ça et jamais elle ne m'avait répondue aussi ironiquement. J'en suis un peu frustrée pour ne pas dire énormément vexée. Je déteste qu'on me tienne tête surtout quand on se fiche de moi.
Je ramène Marlisa à table et m'assois, sans même dire Bon appétit, contrairement à notre invitée qui se contente simplement de sortir une belle phrase pour nous remercier.《 Je voulais vous remercier, Mme Clarke, pour m'héberger pendant que je n'ai pas encore de situation stable. Je vous en suis entièrement reconnaissante. 》
Je laisse échapper un petit rire.
Ma mère se racle la gorge dans cette lourde atmosphère, inhabituelle chez nous, et entame la recherche d'un sujet en espérant combler les silences.《 Marlisa, tu devrais aller au lycée avec Aless demain pour connaître des personnes et continuer tes études.
- Oh oui, j'aimerais bien.
- En quelle classe es tu ?
- En seconde. 》J'assiste à la fin du repas sans bouger et pars dans la salle de bain. Je me fais couler un bain chaud à m'en brûler la peau et me glisse dedans.
Je n'ai jamais éprouvé de jalousie, certainement parce que je n'ai jamais été amoureuse. Les mecs, les potins, les discussions de rencard, les romans d'amour ... Je n'aime pas. Ce qui peux certes paraître étrange de la part d'une adolescente de 16 ans. Mais je crois que là, c'est réellement de la jalousie que je ressens contre Marlisa. Cette émotion est fortement désagréable, comme si mon coeur était pris dans des fils barbelés, je sens des picotements et une envie de crier, de taper.
Elle arrive dans ma vie il y a une semaine, dans ma maison aujourd'hui et dans le coeur de ma mère il y a une heure. Mais quel est son pouvoir ?Entre les bruits délicats de bulles qui éclatent et celui de l'eau qui remue, je peux entendre une conversation téléphonique. Ma mère est en train de prévenir le lycée de l'arrivée d'une nouvelle élève en seconde et, demain, Marlisa sera entrée dans ma vie sociale.
Je sors du bain et prépare le lit de la future lycéenne, au pied du mien. Je me couche ensuite et tapote sur mon portable, enfermée dans le monde de la musique.
Je vois une personne entrer doucement et se poser sur le lit fraichement fait. Elle me regarde, se tenant un pied et rongeant les ongles de sa main libre. Son genou saute frénétiquement et elle se force à l'immobiliser quand je retire mes écouteurs pour écouter ce qu'elle a à me dire. Sauf que rien ne sort. Elle me fixe désespérément alors je soutiens son regard, aussi ridicule que cela puisse paraître.
Finalement, je ne peux rester comme ça.《 Tu veux me dire quelque chose ?
- J'ai peur pour demain ... 》Je reste sans mots, j'ai cru qu'elle allait s'excuser. Mais s'excuser de quoi au juste ? Pourquoi j'attends des excuses ? Je lui en veux de s'installer dans ma vie et je suis jalouse de la place qu'elle occupe maintenant alors que c'est moi même qui l'ai placée ici. Je n'ai qu'un mot, pitoyable. Je me déçois, par mon attitude et mes illusions, par mon égoïsme.
Cela pose encore d'autres doutes. L'aurais-je laissée là, dans la rue, pour préserver ma place importante dans l'appartement ? L'aurais-je abandonnée simplement pour être la seule aux yeux de ma mère ? J'en apprends encore sur moi.
Alors je me contente de lui expliquer brièvement comment s'organise notre lycée, les horaires et lui détaille rapidement le plan du bâtiment. J'éteins la petite lampe bleue sur mon chevet et repense aux événements, à mon évolution. Je pense que la crise d'adolescence ne commence que maintenant pour moi.
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Couleur mortelle [Réécriture]
Ficción GeneralLa société n'est plus ce qu'elle était. Votre vie ne tient plus qu'à un cheveu, une couleur cuivrée, une couleur mortelle. Le monde se construit désormais sur la beauté, le physique ayant prit le pas sur la Raison. 《 Que votre beauté illumine l'aven...