°•. Chapitre VI

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Je saisis la mèche et l'observe avant de la cacher dans la poubelle, sous les détritus. Si une autre personne l'avait trouvé, un grand scandale aurait commencé.
Je marche rapidement sans penser au cours que je suis en train de sécher. Abby doit être inquiète mais pour l'instant, une personne est potentiellement en danger. Il faut toujours que je joue les héroïnes, partout où je vais.
Je parcours les couloirs de chaque étage en scrutant le moindre bruit. Treize heures et cinquante deux minutes, dans moins de huit minutes la sonnerie va retentir et alors je n'aurai plus aucune chance. Si ça se trouve, cette fille était même déjà partie chez elle, un pinceau à la main, plantée devant le miroir.
Comment cette mèche pouvait elle être aussi rousse ? Avec toutes les règles et tous les contrôles, je ne vois pas comment elle a pu passer inaperçue ... Une rebelle peut être ?

Je redescends au deuxième étage sans avoir trouvé quoi que ce soit. Il n'y a personne dans les couloirs, on ne peut entendre que les voix faibles des professeurs énonçant leurs cours. Cette idée de rebelles me plaît pas mal. Pourquoi personne ne s'exprime dans ce pays connu pour ses libertés ?
Mon coeur s'accélère quand j'essaie de trouver une idée, une bonne dose d'adrénaline monte en moi et je vois dans ces couloirs déserts une belle opportunité de me mettre à l'oeuvre. Je recommence ma marche, à la recherche de quoi écrire cette fois, et je tombe sur un marqueur noir, tel un objet de messager. Je vais considérer ça comme de la chance.
J'entame d'écrire une phrase en noir indélébile sur les carreaux blancs qui parsèment le mur sur un mètre cinquante de hauteur. Dans peu de temps, des centaines de lycéens sortiront, passeront devant et s'attarderont sur mes mots.

Le feu finira par vous brûler.

Je pense à toutes les peines que j'encoure. Si je me fait prendre en flagrant délit sans avoir terminé ma phrase, c'est la prison pendant 1 an pour dégradation de matériel scolaire. Si je me fait prendre en marquant le point, c'est 4 ans de prison pour propagande et atteinte au gouvernement, si je suis suspectée je risque de longues heures en interrogatoire et si je suis discrète, tout ira pour le mieux.
Je détaille le marqueur dans ma main et le fourre au fond d'une poubelle, comme la mèche.
Je redescends rapidement quatre étages pour rejoindre ma classe et toque, après 10 minutes d'absence, puis m'explique auprès du professeur rapidement. Heureusement que mon visage a encore un teint pâle après mes vomissements sinon mon excuse serait mal passée.

Mes genoux s'entrechoquent en attendant la sonnerie qui ne se fait pas attendre. Je sors en suivant Abby et entends soudain quelques cris d'exclamation venant des étages supérieurs, puis la foule devant nous prend les escaliers à gauche. Tous se dirigent vers mon oeuvre et, à ce moment là, mon talent d'actrice est en jeu.

On se faufile dans les lycéens pour apercevoir un message dessiné sur le mur, un message pas très politique. Abby me fixe, déconcertée et laisse échapper une contestation.

《 Celui qui a fait ça est vraiment con ! Il risque la prison à vie ! 》

Autant pour moi, ce n'est pas quatre ans mais la prison à vie pour de la propagande, même effectuée par un mineur. J'avais oubliée que les règles et les peines avaient été renforcées.

J'acquiese et essaie de prendre son ton.

《 Il y en a qui n'ont pas peur ! Si on le retrouve, il risque gros. 》

Une voix aiguë nous coupe dans nos discussions et amène le silence.
C'est notre proviseur adjointe, une petite femme autoritaire et repoussante, n'adressant des mots doux seulement devant son supérieur. Son air hautain me fait lever les yeux au ciel. Je soupire et appuie un coude sur l'épaule d'Abby.

《 Cessez tout ce bruit ! Nous sommes des personnes civilisées contrairement à l'élève ayant écrit cela. Il s'agit bien d'une preuve d'immaturité et de rébellion ridicule, un manque d'intelligence énorme. Retournez donc tous en cours avant que les heures de colle tombent ! 》

Couleur mortelle [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant