°•. Chapitre VII

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Nous nous tenons tous debout, un vent frais parcourant les rangs et de fines gouttelettes perlant sur nos visages, se regardant à tour de rôle pour savoir s'il faut pleurer, rire ou s'énerver.

Tout le lycée est réuni dans la cour et attend les instructions qui vont rythmer l'après midi, un peu particulière pour une journée de cours. J'éprouve une profonde amertume pour les personnes qui se trouvent en face de moi ; Notre proviseur et son adjointe, leur visage fermé et dur comme du roc, le président du conseil régional et ses assistants, nous fixant tels des moins que rien. J'ai l'impression de me trouver dans une autre époque, celle où chaque crime était officialisé devant des centaines de personnes et où les prisonniers attendaient patiemment leur peine.

Quelqu'un commence alors à parler dans le micro, énoncant sur un ton monotone les principes de notre société, rappelant les objectifs de celle ci, continuant avec un peu d'histoire de France. Un cameraman se tient accroupi devant eux et enregistre chacune de ses paroles pour les diffuser sur la chaîne nationale, afin de sensibiliser le public aux nouvelles règles. Si un gamin de seize ans peut se rebeller, un pays n'aura pas de mal.

Mes yeux se baladent sur l'assemblée de jeunes pendant ce discours si ennuyeux. Je remarque qu'il y a une majorité de filles brunes, certainement parce que décolorer ses cheveux pour les reteindre en blond est beaucoup plus fastidieux.
Je repère la classe de Marlisa et la vois, fixant ses pieds et ses genoux qui tremblent sous le peu de graisse qu'elle a. Ses cheveux volant, je remarque une certaine pureté dans son visage et une aura de douceur qui se dégage d'elle.

Quelqu'un me touche soudain l'épaule. Une rotation furtive de la tête et je me retrouve face à Lorenzo, un large sourire exhibant ses dents sur son visage.
Mais que fait il là ? Ses yeux se posent sur mes seins comme un vulgaire pervers et me réduisent à un objet. Je déteste les hommes, je le sais depuis très longtemps et déjà petite je ne les fréquentais pas. Ils sont impulsifs, arrogants et indiscrets. Je le regarde d'un mauvais oeil tout en cachant ma poitrine d'un bras.

《 Je peux savoir ce que tu regardes là ?
- Eh oh calmes toi, je trouve que tu as un joli pull c'est tout. Peut être un peu léger pour le temps qu'il fait. 》

Son air moqueur me déplaît fortement et je me détourne de lui pour essayer de m'intéresser au discours lassant des présidents. Je sens son regard sur moi, j'ai peur de ce que je peux lui montrer et je n'ose plus bouger. Ma respiration se débloque au moment où une voix féminine l'interpelle. Je reconnais tout de suite la voix grave d'Enora, une magnifique fille métisse aux formes parfaites et aux cheveux sombres, chantonnant le prénom de mon bourreau.
Voilà à quoi je réduis la gente masculine. Des bourreaux. Je n'ai tellement pas l'habitude de les avoir à mes côtés que dès que l'un d'entre eux pose ses yeux sur moi, cela m'apparaît comme une torture. Je dois subir leur convoitise, quelque chose qui est valorisant en temps normal mais que je perçois comme une réification à une sorte de jouet. Ma mère me dit régulièrement que je suis extrême.

Comme poussée par un sentiment inconnu, je me retourne et observe discrètement Lorenzo et sa belle, discutant énergiquement d'un sujet bien éloigné de celui dont parle notre proviseur. Enora se tortille comme une carpe, soulevant un peu plus son t-shirt à chaque sourire charmant de l'italien. Elle joue un jeu qu'elle ne va pas contrôler jusqu'au bout, ce qui a tendance à me faire sourire.
Ses ondulations s'arrêtent quand elle me remarque et je reprends soigneusement ma place pour éviter de lui montrer mes joues rouges. Abby, qui se tient à côté de moi, me regarde amusée. Elle ne doit pas avoir l'habitude de me voir dans cet état.

C'est au tour de la proviseur adjointe de parler et, comme toujours, c'est elle qui annonce les peines.

Les classes de secondes, vous commencez par repeindre les salles d'histoire, d'économie et de mathématiques, vos professeurs vous indiqueront les instructions plus précises après. Les premières L et ES, vous nettoyez le réfectoire et les couloirs de l'établissement, le matériel vous sera donné. Les premières S et les terminales, vous vous occupez de la peinture des salles de langues et de sciences.
Soyez efficace sinon les vacances diminueront encore.

Couleur mortelle [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant