°•. Chapitre VIII

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《 C'est celui du jour où tu m'as défendue. 》

Je suis sous le choc. Elle m'a repondu sans aucun doute, avec une assurance remarquable. Comment l'as t'il retrouvée ? Que lui veut il ? Je ne comprends toujours pas comment on peut s'attaquer à une gamine de quinze ans, la battre comme cela. Je ne le connais pas mais je déteste ce type plus que personne, j'ai envie de le voir, de m'expliquer avec lui. J'ai un caractère impulsif or, pour le coup, je crois que c'est une réaction normale de vouloir la mort de quelqu'un comme lui.

Je m'apprête à poser d'autres questions quand Marlisa se tourne, mettant un terme à la discussion. Je comprends parfaitement et la laisse seule, rejoignant le salon en bas des escaliers. Je saisis quelques biscuits dans le placard et m'assois sur le canapé devant une série, une des seules que j'aime bien. Elle suit une adolescente dans sa vie de tous les jours mais sous un point de vue particulier. Pas d'histoire d'amour à en vomir, pas de surnaturel, pas d'exagération, une série sobre comme je les aime.
Je me rends compte que j'ai vraiment faim et retourne plusieurs fois aux placards, inconsciente de la quantité que j'avale de biscuits.
Je reçois un message, non pas de Lorenzo comme je m'y attendais mais d'Abby. C'est vrai qu'aujourd'hui on s'est quittées un peu violemment, lassées de peindre des murs dans un silence des plus complets, avant que ce garçon inconnu m'emmène vers Marlisa.

Salut crevette,
Ça te dit ce soir, pizza chez moi ?

On s'aime à un tel point qu'on se donne des noms de crustacés.
J'adore ces petites soirées qu'Abby organise au dernier moment, où on ne se prend pas la tête et où l'on peut discuter ouvertement de nos problèmes de filles, de nos angoisses. Je crois qu'en ce moment, j'en ai bien besoin pour me détacher de Marlisa.

Je repense au mot pizza et fixe avec dégoût le paquet dans ma main, à moitié vide. D'autres traînent sur le canapé. Je sens une montée d'amertume dans ma gorge, une sorte de colère intérieure contre moi même, une envie de m'ouvrir le ventre afin d'en retirer toutes les calories ingurgitées. Mes fringales reprennent.
D'un grand geste j'attrape tous les paquets et les fourrent au fond de la poubelle. Il va falloir que j'arrête rapidement de tout cacher au fond des ordures. Je passe devant le grand miroir du salon sans prêter attention à mon reflet et me dirige directement vers les toilettes. Il ne faut pas que je le fasse, je m'étais promis d'arrêter, pour maman, pour Abby, pour moi. Je dois assumer les conséquences de mes actes, j'ai jamais regardé la vérité en face. Je suis une lâche.
Je me penche au dessus des toilettes en me répétant toutes ces phrases, m'insultant de tous les noms mais je ne peux m'en empêcher, je mets mon majeur dans ma gorge et attends. J'ai une remontée acide et tous les biscuits et mon repas de ce midi tombent dans les WC. Je suis lâche.

***

Bientôt sept heures, ma mère va arriver de son bureau. Je me regarde une dernière fois dans le miroir. Les cheveux bouclés soigneusement, un smoky sur les paupieres, les ongles coupés et manucurés. Il ne me reste plus qu'à enfiler mes talons et rejoindre le perron de l'immeuble pour aller à mon audition de piano.
Je descends les escaliers et trouve la BMW flambant neuve de ma mère. Elle esquisse un sourire en me voyant et retire son sac pour que je puisse m'asseoir sur le siège passager. La voiture a une odeur de cuir mélangé au parfum que je vient de mettre.

《 Tu es magnifique ma chérie.
- Merci maman. Ta voiture est pas mal non plus. 》

Elle étouffe un petit rire et démarre pour rejoindre la salle communale, une immense pièce qui peut accueillir plus de cent personnes facilement. J'ai soudain la boule au ventre et je ne pense plus qu'à mes partitions. La musique m'a toujours servie pour exprimer mes sentiments en toute discrétion, chaque musique que je joue fait référence à une partie de ma vie, à une émotion personnelle que personne ne peut dechiffrer. Je me mords la lèvre en me rappellant que la dernière musique que je doit jouer, Nuvole Bianche, musique datant de 2011, est associée à mes problèmes alimentaires que j'avais réglés depuis maintenant six mois. Je ne sais pas si j'aurai la force de la finir.

Couleur mortelle [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant