°•. Chapitre IX

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Je ne sais toujours pas ce qu'il s'est passé, je n'arrive pas à comprendre. On ne s'est jamais parlé, je l'ai poussé une fois et on s'est fixé durant un cours et nous voilà enlacé dans les bras l'un de l'autre, au fond d'une ruelle perdue de la ville. Et pourtant, je n'ai pas envie de perturber ce moment, comme si un seul faux geste allait le faire exploser. La chaleur de son corps m'enveloppe, je me sens protégée telle une chenille dans un cocon. Je ne veux pas bouger, ni parler, ni même respirer. Jamais je ne me suis sentie aussi bien et j'aimerais que cela continue, que la vie soit un mélange de douceur et de compassion, que l'hypocrisie et l'égoïsme disparaisse.

Lorenzo se lève en me soutenant les coudes pour que nos mouvements soient coordonnés. Il me regarde, un sourire léger sur son visage, et m'entraîne en me tenant la main vers mon immeuble, empruntant des rues qui m'étaient inconnues. Il y a tellement de choses que j'aimerais lui demander. Comment m'a t'il trouvé ? Comment savait il mes sentiments ? Pourquoi m'avoir choisi moi ?
Je ne sais pas ce que veut dire cette rencontre et ce baiser. Est-on en couple ? Était-ce seulement un manque qu'il a comblé ? J'ai peur de ce dans quoi je m'aventure.

Arrivés sur le perron de mon immeuble, il me lâche la main et me fait un discret baiser dans le cou. Ce geste me surprend et me donne des frissons dans tout le dos.
Je le regarde s'éloigner tandis que lui ne se retourne pas une fois. Je monte lassement les escaliers, comme si tout ce que je venais de vivre n'était qu'un rêve, une impossible réalité. Il y a des passages de la vie incompréhensibles, qui nous échappent totalement. Mais ça ne m'était jamais arrivé, j'arrivais toujours à garder un contrôle sur la mienne jusqu'à aujourd'hui. Ce garçon me déstabilise, je n'arrive pas ressentir ses sentiments comme si tout cela était faux.

Je pousse la porte de l'appartement et découvre Marlisa s'apprêtant à partir. Elle est vêtue d'un slim noir de mon armoire et d'une veste sobre prise à ma mère, un style plutôt triste qui ne fait que durcir le temps gris de la journée.

《 Marlisa, où vas tu ?
- Acheter du pain, vous n'en avez plus.
- Attends, je t'accompagne.
- Non ! Je ... je ne veux pas. 》

Elle disparaît dans les escaliers, les bras croisés autour de sa poitrine comme se tenant le coeur. Ça ne sert à rien de vérifier auprès de ma mère, elle ment à coup sûr. Son attitude est inhabituelle, elle traine derrière elle une aura de mélancolie qui m'a figé sur place.
Je me presse à sa suite en restant à distance pour ne pas me faire remarquer. Elle file entre les passants, ses fines mèches châtains volent à travers sa capuche et ses maigres jambes accélèrent encore l'allure. Je ne sais pas où elle se rend mais elle y tient. Ou alors elle est encore terrifiée à l'idée de recroiser son agresseur.

Les ruelles pavées ne ressemblent aucunement à celle où j'ai rencontré Lorenzo. La luminosité du ciel gris parvient jusque dans les boutiques et des bouquets de géraniums décorent chaque balcon, bordés d'une barrière argentée. Chaque porte d'entrée a sa petite décoration, son cadre, sa boîte aux lettres déguisée par des dessins d'enfants. Une vraie chaleur humaine se dégage de ces appartements. Je passe devant une école maternelle bruyante, une boulangerie parfumée et m'arrête devant la fleuriste du coin.
Marlisa est à la caisse, une rose blanche à la main, versant les 3€ à la tenante du magasin. Lorsqu'elle se retourne, j'aperçois sa mine défaite et ses yeux larmeux.
Elle reprends sa marche rapide en ne faisant attention qu'aux pavés sous ses pieds. Les rues sont interminables. Elles sont très jolies mais toutes identiques, si je perds Marlisa ici, je me perds tout court dans cette ville qu'est la mienne.
Je souffle discrètement quand j'arrive au bout d'une d'entre elles. Ma cible traverse une rue piétonne et pousse un grand portail toisant 3 fois sa taille. Un grand mur en marbre entour ce lieu sombre et l'inscription Cimetière sur l'arche principale m'apparaît comme un fantôme. Involontairement mon corps est secoué de légers spasmes, redoutant l'entrée dans ce lieu si privé, si intime, où je n'ai clairement pas ma place.

Couleur mortelle [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant