Recueil de nouvelles

Le jour qui a brisé ma vie

To the father son and Holy Spirit
I hold you nearest
My best friend, best friend
Let the trumpets blow with your appearance
I can almost hear it
My best friend, best friend...

(Best Friend - Yelawolf ft. Eminem)

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Le jour qui a brisé ma vie, c'était pas un jour - c'était une nuit. Je m'étais endormie tôt, et paisiblement. Ce n'était pas mon habitude. Mais rien dans cette journée avait été habituel de toute façon. En pleine nuit, mon coeur rata un battement. Je me réveillais aussitôt. Je ne savais que trop bien ce que cela signifiait. IL avait besoin de moi. Je soupire nerveusement et fixe mon écran. 4h34. Je prends une grande inspiration et arrive sur la conversation en même temps que lui. Je peux voir son petit avatar me sourire dans le coin. Il m'envoie qu'un seul message. Un seul mot. Un seul prénom. Le mien.

-Charlotte ?

Très vite, les battements s'emballent. Je me rappelle de tout. Je vois ma vie - notre vie en fair - défiler devant mes yeux. Je peux encore me remémorer son odeur. Son sourire, le bruit cristallin de ses éclats de rire : le bruit du rire des gens qui rient beaucoup trop fort.

Je me souviens toutes les fois où l'on s'est serré dans les bras. Les fois où on a pleuré et même celles où on est restés silencieux. Parce qu'au fond, on a jamais eu besoin de se parler pour se comprendre. Son âme et la mienne ont toujours été des extensions parfaites l'une de l'autre.

Je me rappelle pendant ce laps de temps qui semble durer des heures toutes les conversations qu'on a pu avoir.
Je me souviens cette nuit où je lui ai raconté cette légende asiatique un peu stupide et très fleur-bleue du « fil rouge du destin » lui expliquant que selon les traditions locales, à leur naissances, deux âmes-sœur sont liées par un fil rouge invisible, qui part de leur deux auriculaire.
Que ce lien peut s'emmêler, s'étirer à l'infini, mais jamais, au grand jamais, se briser. Que ces deux personnes sont faites pour se retrouver quoi qu'il arrive. Et faire partie intégrante de la vie de l'autre.

Alors, tout en laissant tomber ma garde, je lui ai dit qu'il était mon fil rouge, mon garde-fou, mon meilleur ami. Il m'avait fait comprendre que c'était réciproque - même si bien sur, on le savait très bien déjà - et l'on avait beaucoup pleuré cette nuit là. Parce que des fois, l'amour, quand il est trop fort, et bien il nous fait souffrir.

J'ai encore le temps de me souvenir de notre dernière - et ultime - soirée en tête à tête, sous une pluie battante. Son sourire discret, son costume impeccable, ses grands yeux brilliants ouverts derrière ses lunettes et posés sur moi. Je me souviens de mon air radieux quand je marchais à côté de lui pendant que la pluie tombait sur nous et ruisselait sur mes cheveux relevés et sur ma robe.
Je me souviens comment la lumière m'a frappé pile à ce moment-là. J'ai rien eu besoin de lui dire. Il savait déjà, me regardant. On se sourit pendant que le monde s'arrêtait derrière nous..

J'halète légèrement maintenant. Soudain, l'urgence de l'instant présent me fait sortir de mes songes, et je lui répondait directement :

- Je suis là.

Lorsque que je vis l'animation qui me confirmait qu'il écrivait, je pus également sentir mon sang se glacer au fur à mesure. Je savais très bien ce qu'il allait me dire. Et c'était inacceptable. Je ne pouvais pas m'y résigner. Je ne pourrai jamais l'accepter.

Je pris à nouveau l'initiative de voler quelques instants dans les souvenirs de cette froide soirée.
Son sourire ne l'avait pas quitté de la soirée. On roulait à vive allure vers chez moi, la musique résonnant dans nos oreilles, la sensation grisante des sièges chauffants contre le bas de mes reins. La voiture était toujours enveloppée dans un fin rideau de pluie battante.

On se lançait des coup d'œils sans trop se voir. Sans rien dire. Parce que des fois les mots sont juste inutiles. Alors on chantait. A tue-tête, comme des gosses. Comme il y'a dix ans. Comme il y'a vingt ans. Nos voix étaient pourtant bien plus étranglées en ce soir de décembre. Parce qu'on savait l'importance de l'occasion. On savait, c'est tout. En sortant de la voiture, il me prit dans ses bras.

«-Tu es la personne la plus importante de ma vie, Cha. Tu es ma meilleure amie. Je t'aime. »

A ce moment, j'arrête de penser. La douleur de ne pas avoir réussi à répondre à ce moment là et n'avoir pu que sourire d'avantage, à m'en déboîter la mâchoire, m'imprégna jusqu'au plus profond de mon être. Et dire que maintenant il était trop tard. On arrivait à court de temps.

Une larme dévale très rapidement mon visage alors que le ding de l'application se fait entendre. Ça me fait comme un électrochoc, comme un trou espace-temps, alors je reviens à moi.

J'essuie machinalement mes yeux et je lis ce que je refuse dors-et-déjà d'admettre.

- C'est terminé Cha. Ma santé se dégrade et je souffre tellement. Si je pars demain, sache que je suis content de ma vie. Content de tout ce que j'ai accompli. Je suis également content de t'avoir eu à mes côté tout ce temps. J'aurai pas pu en arriver là sans ta simple présence. Je suis fier de toi. Je pars l'esprit tranquille en sachant que tu seras toujours là pour porter en toi la mémoire de l'homme que je suis et celle de celui que j'aurai été si les choses avaient été différentes pour moi. On se retrouvera là-haut, mais en attendant, ma Cha, je veillerai sur toi.

Et après ces mots, le monde vira au noir. C'est le jour qui a brisé ma vie. Parce qu'il est ma vie. Il est le concept même de vie. L'oasis de mon désert, le phare de mes nuits. Qu'aucun lever de soleil ne pourra plus jamais avoir lieu si ses yeux ne peuvent le contempler. La fin du monde, de mon monde.

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Qu'importe les chemins
Que nous prendrons ensemble
Qu'importe sous quels cieux
Seront nos mains qui tremblent
Et puis si la vieillesse
Vient frapper à la porte
C'est qu'on aura vaincu
Ce temps qui nous escorte
Je serai avec toi
Combattant impossible
Je t'apprendrai à voir
Ce qu'on garde invisible
Et s'il faut que chaque jour
Je devienne soleil
Pour éteindre la nuit
Pour éclairer ton ciel
Oui nous serons rois demain
Mon ami toi et moi

(Rois Demain - Saez)