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Il est tard. Elle ne sait pas quelle heure exactement. Il se peut que ça fasse des heures qu'elle est assise là. Ou peut être juste un instant. Elle ne sait plus. Ne veut plus savoir. Elle a perdu toute notion de ce concept humain de « temps. »
Elle passe une main dans ses cheveux emmêlés décolorés. Un soupir. La nuit est sombre, d'un bleu perçant. Au loin, à l'autre bout de la pièce, les synthétiseurs de son groupe préféré se font entendre. Elle tire sur sa cigarette, par réflexe.
Elle n'en a plus envie.
Elle n'a plus envie de rien.En sourdine, le chanteur répète inlassablement « Ya udalil tvoy nomer »
Sauf qu'elle n'a pas supprimé son numéro. Ni aucun autre réseau, d'ailleurs. Parce que tout supprimer, ça rendrait ça trop concret. Trop froid, trop douloureux. Donc elle se complaît dans son déni. Un long chemin gris cendré, parsemé de leur références, de leur échanges, de son monde perdu. Pourtant, quand elle dort, elle arrive à le toucher du bout de ses doigts, ce monde. Elle voudrait ne plus se réveiller, rester dans ce monde là, le monde des rêves. Le monde ou ils parcouraient ensemble tous les multiverses possible. Le monde où ils continuent de passer leur nuits sans dormir. A aller plus loin que la nuit, à aller plus loin que l'amour.
Les nuits où ils se juraient, à demi-mots l'éternité. Les nuits ou meme le bonheur leur faisait mal, les mâchoires endolories par tant de bonheur. Trop de bonheur.
Chaque minute, chaque instant, tout était alors une fête. Une fête où fusionnaient leur esprits. Deux esprits diamétralement opposés mais étrangement si compatibles. La fluidité de leur échanges auraient fait pâlir la plupart des êtres humains.
Un monde rempli d'accords pop, de couleurs acidulés. Même la musique a changé. Au loin, une voix électronique se fait entendre :You stay on my mind
Think about you all the time
Got to get to know you well
If you kiss then I won't tellEt puis, il y'a la lumière. Les lumières dangereuses d'un millier de soleils. Ces mêmes soleils qui l'ont brûlée quand lui s'est éteint. Disparu dans la matrice. Dans l'infinité des pixels. Comme une comète qui se meurt. Sans dire un mot. Comme la fin d'une éclipse. Son silence est comme un hurlement qui n'en finit plus. Son absence est présente partout. Elle se réveille. Seule. Le titre en fond continue de chanter son désespoir.
Prosto prisnilasʹ ty mne segodnya. [...] Kak zhalʹ, chto ya yego yeshchyo pomnyu
Mne zhalʹ, chto ya vsyo yeshchyo yego pomnyu.Le monde des vivants reprend ses droits sur le monde des rêves, il est temps de se lever. Il est temps de le détester. Cette nuit, en secret, elle l'aimera encore de toutes ses forces. Cette nuit, peut-être, elle restera dans le monde des rêves.
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(Refs :
YA Udalil Tvoy Nomer - Molchat Doma
On My Mind - Diplo)
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Recueil de nouvelles
Short StoryDes petites histoires plus ou moins fictives et plus ou moins crédibles et n'ayant aucun rapport les unes avec les autres.