⟣ ☾ ⟢J'ai longtemps confondu la fatalité de la maladie avec mon impuissance. Ce n'est pas du cancer dont j'ai eu peur, en réalité, j'étais terrifiée par ma propre misère, par le fait que je ne pouvais rien faire. Je t'ai regardé sombrer sans être en mesure d'y changer quoi que ce soit. Je t'ai laissé entre les bras de machines aux sons étranges qui couvraient ta voix, j'ai vu tes yeux s'assombrir et les traitements t'affaiblir. Des années durant, tu as continué le combat sans jamais flancher, et lorsque l'on revenait à la maison, alors tu riais et agissais comme si de rien n'était. Je crois que j'ai toujours admiré ton courage, mon Vincent.
Moi, j'étais poltronne. L'être humain est rapidement effrayé par ce qu'il ne maitrise pas, et je ne pouvais rien faire pour stopper ta maladie, pour la contrôler. Alors j'ai pris peur. Avec un égocentrisme sûrement propre à notre espèce, j'ai préféré nier en bloc l'idée de la mort et, avec elle, la terrible pensée que je puisse me retrouver seule un jour. Sans toi.
J'ai naïvement cru que l'on pourrait toujours te sauver ; le pire n'arrive qu'aux autres, pas vrai ? Pourtant, lorsqu'est venu le jour de ta dernière opération, la réalité m'a attrapée, et a broyé ces faux-semblants. Elle l'a fait d'une manière moins physique, bien plus psychique. Elle m'a punie moi aussi. C'était un mercredi comme un autre, le trois février. Ils devaient te retirer le maximum de cellules cancéreuses possible au niveau de l'estomac, mais tu étais contre cette idée. Tu n'as jamais voulu entrer en salle d'opération.
Je me souviens encore, Vincent, tu disais : « Je n'en ressortirai pas vivant ». Personne n'a voulu t'écouter, personne n'a voulu te croire, alors tu es parti au bloc en boudant, sans même me dire au revoir. J'aurais voulu t'embrasser mais je n'ai pas pu. J'aurais voulu te crier combien je t'aimais, mais tu ne m'en as pas laissé le droit. Tu m'as ignoré. Je ne saurais dire pourquoi je ne t'en veux pas. Quelque chose dans cette réaction me semble naturelle, comme si tu avais voulu rendre les choses plus douces, à ta manière. Des adieux larmoyants n'auraient fait que laisser une terrible image de toi dans ma mémoire, et je crois que c'est ce que tu as voulu éviter. Je n'aurais rien pu faire pour t'en dissuader.
De toute façon, tu savais déjà.
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Van Gogh, Crépuscule avant l'orage : Montmartre (1886)
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𝗕𝗘𝗙𝗢𝗥𝗘 𝗧𝗛𝗘 𝗗𝗔𝗪𝗡
ContoElle a traversé une nuit sans étoiles, a vu un amandier sans fleurs et des tournesols fanés. Entre mots et coups de pinceaux, Lyne raconte sa bataille contre la maladie et le deuil, dans une lettre adressée à celui qu'elle aime. « Pour mon précieux...