Micka
Deux semaine plus tard, Paris, 16ème arrondissement, un samedi matin d'été. Le soleil brulait le bitume qui renvoyait des filins dansant de chaleur. Malgré la période de vacances, les rues étaient bondées et difficilement accessibles pour les vélos et scooters qui passent leur temps à s'y aventurer. Mon casque sur les oreilles, jouant un air de moderne Jazz que j'avais pris l'habitude d'écouter avec mes parents, je marchais d'un pas décidé en direction de la bibliothèque du coin. J'aimais beaucoup aller là-bas. Les étagères remplies à rebord d'oeuvres de tous les genres qui formait un étalage si grand et majestueux, me procuraient un sentiment de sécurité lorsque je me retrouvais assis avec un livre entre les mains d'un des rayons de science fiction. J'appréciais aller m'y perdre une après midi complète pour me déconnecter du monde et me plonger dans toutes sortes d'histoires, réelles ou imaginaires. C'est donc avec mon ouvrage du "Vieil Homme et la Mer" d'Hemingway, que je marchais en direction du grand bâtiment orné de sculptures, dont j'avais passé plus de temps à comprendre ce qu'elles représentaient qu'à savoir pourquoi elles étaient là. Ce livre, je l'avais lu à maintes reprises dans le passé, mais j'aimais me remémorer l'histoire et le lire de nouveau pour redécouvrir les détails, imaginer les scènes sur le bateau, ou encore créer un portrait imaginaire du personnage principal. C'était une façon d'apprécier la lecture selon moi.
Une fois arrivé devant la bibliothèque, je franchis ses portes et l'atmosphère changea du tout au tout. Un silence presque impériale régnait, pas un seul bruit de sonnette de vélib ou de vendeur de journaux qui hurlent pour le briser. Elle était grande, aussi bien en terme d'espace au sol qu'en hauteur. Il y avait plusieurs étages, regroupant chacun plusieurs types de livres, groupes d'auteurs et courants littéraires. Il y avait même une petite cafétéria, idéale pour ceux qui perdait facilement la notion du temps, ce qui est mon cas. Je me rendis au 3ème étage, Poésies et Lettres Anciennes, et me mis à la recherche d'un endroit calme pour travailler. Tandis que je franchis la dernière marche des escaliers, je surpris un groupe de jeunes en train de ranger leurs affaires et de libérer un emplacement avec quelques fauteuils à côté d'une grande baie vitrée. Je décidais donc d'occuper l'espace fraîchement libérer et de me plonger dans la lecture d'un recueil. Après quelques minutes, je me surpris à relire plusieurs fois la même ligne, et finis par abandonner. Je n'arrivais pas à me concentrer sur ma lecture, car même si j'étais bien là, mon esprit était ailleurs : je pensais à Maya.
Pour en revenir à notre histoire, cela faisait donc deux semaine que la soirée avait eu lieu, et depuis nous avions pu parler uniquement par message. Elle m'avait dit qu'elle partait en colonie pendant les prochaines semaines, chose qui la passionnait plus que tout, et qu'elle ne revenait que les week-ends. Je lui avais parlé de la bibliothèque de ma passion pour la lecture, ce à quoi elle m'avait partagé la liste de ses dernières lectures personnelles. Comme elle n'était pas dans le coin, je n'avais pas eu l'occasion de la recroiser pendant la semaine, et encore moins de lui proposer d'aller boire un verre ou de faire un ciné, ce que je trouvais grisant. Au bout de trois jours à discuter, la discussion tournait un peu en rond, et nous en étions arrivés à la même conclusion : il faut que l'on se revoit. "Facile à dire, mais pas à faire" m'étais-je dit. Entre son départ en colonie, et le fait qu'elle ne sache pas vraiment quand elle rentrait, additionné avec ses réponses saccadées (car elle n'était pas sur son téléphone de la journée, elle préférait profiter de la colo, ce que je comprends totalement), j'avais un peu perdu espoir de la revoir. Et avec ça venait aussi les remarques sur ce que je devrait faire, que me sortait Paco vis-à-vis d'elle... Tout cela s'entrechoquait dans mon crâne, si bien que je fini par abandonner ma lecture et me mis en quête d'un cappuccino à la cafétéria, j'en avais grand besoin. Sur mon chemin, je vis un couple en train de feuilleter chacun leur livre, l'un sur les genoux de l'autre. Je ne pus m'empêcher de ressentir un peu de jalousie en les voyant tous les deux, se mettant à sourire lorsque leurs regards se croisaient entre deux pages. J'étais envieux, frustré de ne pas pouvoir jouir du même bonheur qui les animait à ce moment là. J'accélérai donc le pas pour ne plus avoir à les apercevoir.
Arrivé à la cafétéria, je salua Lily, une des serveuses qui était aussi étudiante dans la fac d'à côté. Lily était une jeune fille de taille moyenne, d'une vingtaine d'années, blonde aux yeux d'un vert grisé, comme plongé dans l'obscurité. Son visage était moins marqué qu'à son habitude, même si elle ne semblait pas en forme olympienne. Elle esquissa un grand sourire en me voyant arrivé :
- Tiens, voilà Michel-Ange ! Comment tu vas l'artiste ? fit-elle d'un ton enjoué. Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu !
- Salut Lily, ça va très bien, merci ! Mon absence t'inquiétait ? Ce serait bien une première.
- Allons bon, j'irai pas jusqu'à dire que j'étais inquiète, mais tu fais presque autant partie des murs que la plupart de ses livres, ç'aurait été dommage de perdre le plus fidèle adhérent de la bibliothèque !
- Hahaha, je comprends mieux ! Eh bien pour fêter mon retour, je vais te prendre un Cappuccino avec un cookie, s'il te plaît.
- Je te fais ça de suite, dit-elle en accrochant son tablier autour de sa taille.
En attendant que ma commande soit prête, je regardais les écrans qui affichait la réception du bâtiment, à côté de l'escalier. Les écrans laissaient défiler des images des différents étages, un peu comme un poste de vidéosurveillance, mais publique. Il n'y avait pas beaucoup de monde à cette étage, ni même dans la bibliothèque en général. En même temps, en plein mois de juillet, c'est plutôt normal, les gens venaient chercher un livre et sortait dehors le lire dans un parc pour profiter du beau temps et de la chaleur. Lily me fit signe que mon café était prêt, je m'empressais donc de revenir le chercher, mon porte monnaie à la main pour régler.
- Et un Cappuccino avec un cookie, tout est bon, dit-elle en souriant. Passes une bonne journée et bonne lecture !
Je lui rendit son sourire et la remercia en rangeant mon porte monnaie et attrapant ma commande. Sur le trajet, j'entamas directement le cookie, tout en jetant un regard aux écrans qui venaient de remettre une image de la réception, quasiment déserte, quand soudain j'aperçu une silhouette qui me semblait familière. "Impossible" murmurais-je en essayant de garder le morceau de cookie que je venais de fourrer dans ma bouche. J'étais persuadé d'avoir cru voir Maya à la réception. Au moment où je me rapprocha de l'écran, l'image changea de nouveau, me montrant le couple de tout à l'heure, ce qui me fit encore plaisir. Soit mon esprit me jouait des tours, soit elle était bien ici en ce moment même, et sans que je ne le veuille, mon pouls commença à accélérer et j'esquissa un sourire sans m'en rendre compte. La pensée même de pouvoir la voir ici et maintenant m'avait redonné le sourire. Néanmoins, je n'étais sûr de rien, et le doute fit vite redescendre l'adrénaline. Je me remis en route, mais pas en direction du rayon Poésies et Lettres Anciennes cette fois-ci, mon café encore chaud dans la main et d'un pas vif ; j'avais besoin d'en avoir le coeur net.
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Jeux de mains (jeux de vilains)
RomansaMaya, 17 ans, jeune femme sûre d'elle va rencontre Micka du même âge. Un simple regard, une simple soirée va tout chambouler dans la vie de ces deux jeunes. Mais quelle est le secret qui plane autour de cette relation ? La chute sera fatale...