Madame Irma

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— Une fête foraine, Noël, sérieux ? C'est ici que je suis supposé rencontrer l'homme de ma vie ?

Je reste planté devant l'entrée, les yeux en l'air sur la banderole de bienvenue en me demandant ce que j'ai fait pour mériter telle punition. Je n'attends même pas qu'il réponde et j'enchaîne, histoire de bien lui faire comprendre que je ne suis pas heureux d'être là.

— Les gens qui viennent ici ne sont pas censés déjà être en couple ? Tu sais le genre de sortie en amoureux ou on partage une barbe à papa, ou l'un des deux gagne une peluche ou autre merde à l'autre ?

Non pas que je dirais non à une barbe à papa là tout de suite ou à ce qu'on me gagne une peluche avec un petit cœur écrit « I love you ». Cliché, moi ? Totalement ! Mais je me dois de râler pour la forme, je n'ai pas vraiment d'autre argument contre cet endroit à part que je n'ai pas envie d'y être aujourd'hui.

— Si tu me laissais en placer une, tu saurais qu'on est là pour que tu arrêtes de penser à ton ex qui n'était même pas ton mec.

J'ouvre la bouche pour répliquer, mais je n'ai rien. Je fronce les sourcils et le fixe, à tout instant une réplique cinglante va surgir j'en suis certain. Mais je suis vide de toute répartie. Merde.

— Tu viens ou tu vas gober des mouches toute l'après-midi ?

Je ferme ma bouche aussitôt et soupir, autant le suivre et aller me prendre de quoi manger. Un peu plus de sucre ne me fera pas de mal pour panser mon cœur brisé.

Je déambule derrière Noël dans l'allée principale de la grande fête, je ne sais pas trop ce qu'il compte faire ici, mais bon si je veux récupérer mon portable j'ai intérêt à jouer le jeu. Il me laisse m'arrêter à un stand magique de la bouffe la plus merveilleuse du monde : barbe à papa, pomme d'amour, beignets... mon paradis se trouve ici.

Et mon portefeuille dans ma chambre ! Et merde !

Je vais devoir supplier mon bourreau de me prêter un peu d'argent pour me prendre ces churros qui me font de l'œil.

— Noël, chéri, meilleur ami de ma vie...

— Non.

— Tu ne sais même pas ce que j'allais te demander !

— Quand ça commence comme ça, ça implique de l'argent. Je te connais depuis vingt ans maintenant, ne pense pas que je puisse me faire avoir comme ça.

Je fais la moue, le regarde et cligne des yeux. Je peux le faire craquer, j'en suis sûr, comme il dit cela fait vingt ans qu'on se connait, alors j'ai appris quelques tours depuis tout ce temps.

— Eden ?

— Oui ?

J'accentue ma moue, et cligne un peu plus vite des paupières, je vais l'avoir dans quelques secondes.

— On dirait que tu es en train de t'étouffer en faisant une pipe, arrête ça !

Ouais, ok, même après deux décennies je ne peux pas le charmer, c'est peut-être aussi pour ça que je suis toujours célibataire à presque trente ans. Mais je sais parfaitement ce qui pourra le faire changer d'avis, même si je vais forcément le regretter.

— Je ferais ce que tu veux en échange de quelques euros pour m'acheter ces churros qui sont en train de m'appeler et de me supplier de les bouffer.

Son regard s'éclaire d'un coup. C'est bon, je regrette déjà. Il me tend un billet sans même me répondre, mais je vois dans ses yeux sournois qu'il sait ce qu'il va me demander. Je le sais, je le regrette toujours, pourtant je suis faible et me laisse avoir à chaque fois que j'ai besoin qu'il cède sur quelque chose. En général mes besoins sont plus importants que des simples churros, mais eh ! Comme je l'ai dit : cœur brisé à réparer ici !

Croix de bois, croix de fer...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant