J'appelle Caym depuis des heures, je dessine des centaines de pentagrammes pour le faire venir, je supplie même Popol de se transformer pour apparaître le sexe à l'air et faire enrager mon démon, mais rien n'y fait. Je n'ai pas de nouvelle. La douleur n'est plus là, ce qui pourrait être bon signe. Mais je ne ressens plus rien du tout, pas une once de sentiments, de pensées, rien venant de mon démon. Je pourrais craindre que quelque chose lui soit arrivé, qu'un autre démon ait senti sa faiblesse et l'ait tué, mais si tel était le cas je serais mort aussi. Non, ma seule explication logique est que notre connexion est rompue. C'était ce qu'on voulait depuis le début, mais je trouve cette victoire amère, ce n'est pas comme ça que cela doit se terminer, j'en suis sûr, mais je ne sais pas quoi faire. Si Caym ne se montre pas de lui-même je n'ai aucun moyen de le faire venir.
Je ne peux rien faire d'autre qu'attendre, avachi dans mon canapé, avec pour seul compagnie le silence, va savoir où c'est encore enfui mon meilleur ami. Je pense que je m'endors à un moment, car quand je me réveille tout est noir, le soleil s'est couché, on ne voit presque plus rien dans la maison, alors je me lève pour allumer une lumière. Quand celle-ci éclaire la pièce je découvre avec surprise Caym debout qui me fixe. Le soulagement est immédiat, mon sourire s'étale sur mon visage quand je vois qu'il va bien. Il n'a pas une seule égratignure, il n'a pas l'air de s'être battu. Tout va bien, du moins je le pense.
Maintenant commence le véritable problème : réussir à le convaincre de ce que j'ai compris. À savoir que l'on est fait pour être ensemble. Et à la façon dont il me fixe sans un mot, j'ai peur que ce ne soit plus difficile que je ne le pensais.
— Je crois que la connexion est rompue, tu l'as senti ?
Je préfère commencer par un sujet moins délicat, cette déconnexion devrait le satisfaire normalement.
— Tu as embrassé l'humain, c'était ce qu'il fallait pour tout rompre.
Je fronce les sourcils et m'approche de lui, mais il recule alors je m'arrête net. Caym n'a jamais reculé devant moi ce n'est pas normal. Je me justifie aussitôt en lui disant que je n'ai pas embrassé Dario, qu'il m'a simplement fait une bise puis j'enchaîne :
— Cela n'a rien à voir avec lui, c'est nous, notre baiser à nous qui a tout brisé.
Il ne dit pas un seul mot, ne fait pas un seul geste, je ne comprends pas pourquoi il ne réagit pas à ce que je lui dis, alors je tente par tous les moyens de lui faire comprendre, quitte à le regretter.
— Tu ne comprends pas Caym ? Je ne pense pas que la voyante nous ait lié pour que tu m'aides à trouver l'amour, ou enfin si, mais pas dans le sens où on l'imaginait. Je pense que c'était toi.
— Comment ça, « moi » ?
— C'était toi que je devais trouver, ou toi qui devait me trouver, peu importe. L'important c'est que je pense qu'on devait être ensemble. On était lié pour se rapprocher. Dario n'a rien à voir avec le fait que la connexion soit rompue. Elle s'est rompue quand tu as compris que tu as des sentiments pour moi.
— Des sentiments pour toi ? Tu te fous de moi ?! Je n'ai aucun sentiment pour toi !
— Ne dis pas ça Caym, je sais que tu le ressens. Même si tu ne peux pas encore t'avouer pouvoir aimer, la simple jalousie n'est pas un sentiment anodin. Je pensais que ...
— Que quoi, m'interrompt finalement Caym, que je pouvais être avec toi ? Qu'on jouerait au petit couple gay parfait et rempli d'amour ? De quel conte de fée est-ce que tu sors, Eden ? Dans quelle désillusion es-tu tombé pour penser que je pourrais avoir envie d'être avec toi ? Que quiconque aimerait être avec toi ! Tu n'es rien, tu ne vaux rien, ta vie est autant misérable que tu ne l'es. Tu n'es pas capable de vivre en étant seul, tu recherches toujours l'affection d'un homme quitte à te faire traiter comme un moins que rien. Tu crois en un amour qui n'est pas là, tu penses être amoureux à chaque rencontre que tu fais. Tu ne t'aimes même pas toi-même, qui pourrais le faire pour toi ? Tu vois tous ces signes que tu ignores parce que tu veux y croire...
— Tu m'aimes ! J'en suis certain, Caym, tu m'aimes.
Mes larmes dévalent mes joues à toute vitesse, il ment, je sais qu'il ment, il doit y avoir une raison, il me blesse pour que je m'éloigne de lui rien de plus. Quelque chose, ou bien quelqu'un, doit forcément l'obliger à faire cela.
— À quel moment m'as-tu entendu penser que je t'aimais, qu'une once de moi puisse me poser la question de l'amour ?
Je réfléchis un instant, mais ne trouve rien. Il ne me l'a peut-être pas ressenti, pas directement, mais il me l'a prouvé, à plusieurs reprises, par des gestes, par des mots, au fond de moi je le sentais.
— Je suis un démon Eden !
Sa voix résonne dans ma tête avant qu'il ne parle à nouveau à haute voix.
— Je suis incapable d'aimer, encore moins un humain, je t'ai fait croire ce que je voulais, j'ai agi de manière que tu penses que je tenais à toi. Tu es tellement facile à manipuler, même en étant un simple mortel comme toi j'aurais pu faire ce que bon me semble. Tu aurais sauté d'un pont si je te l'avais demandé, c'est à ce point que tu es crédule.
Je ne veux pas y croire, ce qu'il dit me semble bien trop impossible pour que ce soit vrai, c'est un supplice à entendre. Caym a déjà pu être blessant avec moi, volontairement ou non, mais jamais, oh grand jamais, il ne m'a à ce point blessé, brisé, torturé...
— Pourquoi est-ce que tu fais ça Caym ? Je ne comprends pas, ce n'est pas toi.
— Oh Eden, cher petit humain sensible et incrédule. N'as-tu pas encore compris ?
Je fronce les sourcils et réfléchit, qu'est-ce que je devrais comprendre au juste ? Je suis amoureux de lui, je le sais, j'étais persuadé que c'était d'ailleurs réciproque. Et maintenant que le lien est rompu, que je lui fais part de mes sentiments, il me rejette en me blessant autant qu'il le peut. Son sourire se dessine sur les lèvres, il hausse un sourcil attendant de voir ce que je vais répondre. Ses mimiques sont tellement étranges que j'ai dû mal à me concentrer. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver en quelques heures ?
— Je suis un démon, Eden, répète-t-il encore une fois. Je torture les âmes bannit, entre autres hobbies.
— Tu tortures les âmes, mais je ne suis pas une âme bannit, je suis un humain, sur terre...
— Tu en es sûr ? Tomber amoureux, penser avoir enfin le droit au bonheur avec quelqu'un qui t'aimera autant en retour, c'est ce que tu souhaites le plus au monde, non ? Pourquoi un démon voudrait, ou comment un démon, pourrait réellement t'offrir ça ? Jamais ça ne t'arrivera, Eden. Tu n'es rien, rien qu'un misérable microbe parmi des millions d'autres, quelqu'un qui ne vaut rien, que personne n'aime réellement, qui ne manquera jamais à personne, qu'on pleurera quelques jours pour ensuite oublier à jamais. Tes propres parents n'ont pas voulu t'aimer.
— Arrête ça.
Je n'ai plus la force d'entendre un autre mot sortant de ses lèvres, j'ai le cœur au bord des lèvres. Si tout ce qu'il disait est vrai ? C'est une torture de se l'admettre, ça me fait souffrir à en crever, ça ne donne plus envie de vivre...
— Ah, je pense que tu comprends enfin mon petit. Ça fait mal n'est-ce pas ? Et ça fera mal à chaque fois, toujours un peu plus, je m'en chargerais personnellement en variant les plaisirs.
— Qu'est-ce que tu racontes bon sang, Caym ?!
— Tu n'es plus Eden. Plus rien qu'une âme à torturer pour l'éternité, plus qu'un boulot pour démon. Ce que tu vis n'est plus réel et ne le sera plus jamais. Tu oublieras bientôt tout et on recommencera à jouer, tu penseras encore tomber amoureux, tu continueras à te faire briser le cœur, encore et encore et encore. Je suis ton bourreau et je le serais chaque misérable jour du reste de ta... mort.
Je n'ai pas le temps de réagir, pas le temps de le contredire, de l'accusé de mensonges ou de réfléchir que son rire étrange et diabolique que je n'avais jamais entendu jusque-là résonne dans la pièce et...
― Eden ! J'espère pour toi que les kit-kat que tu es en train de bouffer ne sont pas les miens !
FIN ?
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Croix de bois, croix de fer...
RomanceA cause de Madame Irma, Eden se retrouve étrangement lié à Caym. Le problème ? Caym est un démon !