Un cauchemar, et de la pire sorte possible. Car ce n'était pas simplement cela, un mauvais rêve sorti de l'imaginaire de la jeune femme ; non, ce cauchemar était un souvenir, tout ce qui avait été de plus réel et qui continuait de la hanter nuit après nuit.
Alors que Johanna Constantine se réveillait dans un sursaut et se remettait à la fois de son sommeil agité et de trouver le Roi des songes introduit chez elle, Lune, elle, détaillait avec curiosité ce qui les entourait. Cantonnée au Monde endormi la majorité de son existence, elle avait toujours éprouvé un grand intérêt pour les autres plans, celui des humains étant l'un des plus intrigants à ses yeux. À chacune de ses visites, le même étonnement la saisissait quand elle notait comme un individu était si différent de ses congénères ici. Dans ce petit appartement londonien, l'argentée ne savait plus où poser son regard tant le lieu débordait d'objets en tout genre amassés ça et là, sans logique apparente et parfois même en périlleux équilibre.
- Retrouver quoi que ce soit dans cet endroit nécessiterait une magie plus puissante que celle que vous pouvez maîtriser, avança Rêve à Constantine qui se montrait enfin encline à lui venir en aide pour retrouver son sable.
En l'entendant parler ainsi, Lune eut un petit sourire ; elle avait l'impression que le cynisme de Matthew commençait déjà à déteindre sur son maître. Mais quand, en devinant ses pensées, Morpheus lui lança une œillade noire, la jeune femme fit disparaître toute trace d'amusement de son visage. Elle avait encore en tête le sermon dont il les avait gratifiés pour être revenus du Royaume des rêves seulement quelques instants après qu'il les y ait congédiés. Exaspéré de ne parvenir à se faire obéir, il tolérait la présence des deux entêtés uniquement car il ne pouvait se permettre de perdre davantage de temps à continuellement négocier avec eux.
- Je vais aller voir au bureau, annonça la brune. Évitez de ranger en mon absence.
- Je viens avec vous, lui imposa Rêve ; vous avez le don de vous volatiliser.
- Si vous voulez, haussa-t-elle les épaules. Et si le bordel d'ici vous dérange, attendez de voir mon bureau.
La jeune femme n'avait pas menti : si on pouvait aisément qualifier son lieu de vie de « bazar », il était plus facile encore d'apparenter celui où elle travaillait à un véritable chaos. Et le sable ne s'y trouvait pas plus. Mais cette vaine fouille eut au moins le mérite de faire se rappeler à Johanna le dernier endroit où elle l'avait laissé. Rien n'assurait qu'il y soit toujours mais Rêve n'avait de toutes manières d'autre choix que de suivre cette nouvelle piste.
- Au fait, c'est qui celle-là ? demanda impoliment Constantine au Roi des songes en lui servant de guide à travers les rues de Londres.
- Elle s'appelle Lune. Comme vous l'avez souligné plus tôt dans la soirée, avant de vous enfuir, elle m'accompagne.
- Vous ne sembliez pourtant pas vraiment ravi de la voir tout à l'heure, releva la brune avec un air interrogateur.
Un silence passa sans que Morpheus ne réponde, exprimant sans mot qu'il n'estimait pas devoir plus d'explications à cette humaine.
- Qui est-elle, la femme sur les photos ? changea-t-il ensuite de sujet, sans plus de subtilité.
Les suivant quelques pas en retrait, l'argentée ne s'offusqua nullement que la jeune femme parle d'elle comme si elle n'était là ou ne pouvait les entendre ; elle s'intéressa plutôt aux réactions que suscitaient la question de Rêve. À l'appartement et, davantage encore, au bureau de Johanna, Lune s'était faite la remarque que le désordre dans lequel évoluait la brune était certainement révélateur de forts troubles intérieurs. Son passé n'était pas des plus apaisés et aujourd'hui convaincue qu'elle n'avait plus rien à perdre, elle avançait dans sa vie sans regret, ou du moins en se trompant elle-même à ce propos.
- Ça ne finit jamais bien, si ?
Son incapacité à se débarrasser du moindre objet était une compensation de cette sempiternelle lutte à ne laisser personne pénétrer son intimité. Car à la mélancolie qui transparaissait à mesure que Constantine racontait leur histoire, à elle et à cette Rachel Moodie, on comprenait sans effort qu'elle ne l'avait pas laissée car elle ne voulait plus d'elle mais bien parce qu'elle avait peur d'aimer et d'être aimée. Puisque plus rien ne comptait pour elle, puisqu'elle pensait savoir que l'on finit toujours par perdre ceux à qui on tient, pourquoi prendre ce risque, s'attacher et souffrir à nouveau ?
L'abîme qui séparait les humains des Infinis, ou d'autres entités qu'on qualifierait de divines, était incommensurable. Et chacun des plans étaient régis par des lois si particulières qu'on peinerait à leur trouver des similitudes. Mais malgré cela, Lune se dit que l'amour, lui, restait universel. Tout comme les souffrances qu'il engendrait.
- Je vous accompagne.
L'argentée sortit de ses divagations en se heurtant mollement au dos de Rêve. Maintenant à l'abri de la pluie sous un porche, le trio semblait être arrivé à destination.
- Pas question ! se fit catégorique Constantine. Vous imaginez à quel point elle doit me détester ? Vous avez bien des ex vous, non ?
Universel...
C'était pourquoi le Roi des songes pouvait comprendre ce que ressentait Johanna alors que leurs natures étaient pourtant si différentes.
- Je n'attendrai pas longtemps, consentit l'Infini avant qu'elle ne disparaisse derrière le battant. Ne crois pas que l'on se ressemble, se tourna-t-il ensuite vers Lune.
- Ce n'est pas ce que je crois, répondit-elle en se faisant la réflexion que « constater » était un terme plus approprié, ce qui provoqua un froncement de sourcils à Rêve.
Mais avant qu'il n'ait le temps de répliquer quelque chose sur la grandeur de ceux de son espèce et l'importance de leur mission, Matthew atterrit entre eux dans un croassement.
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Lune - SANDMAN fanfiction
Fanfiction"Je suis toi" Cette parole absurde fut la première qu'elle lui adressa. Et malgré les siècles passés, Morpheus ne parvenait toujours pas à lever le voile sur ses origines.