The Scar - chapitre 2 (suite)

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Je suis loin de chez moi, je vais donc m'arrêter en cours de chemin, mais pas chez moi. Demain, je me rends dans l'Illinois, un autre état voisin, pour rencontrer le second légiste. La gamine n'a pas été embaumée ou thanatopraxiée mais je pourrais peut-être apprendre d'autres choses sur mon tueur. Oui, mon. J'ai la conviction que ce pourri est celui qui a enlevé ma sœur et que d'une façon ou d'une autre il me mènerait à elle. Je n'espère plus qu'elle soit vivante, j'ai passé ce cap, mais je veux son corps. Pour faire le deuil, ou essayer du moins. Et par-dessus tout, force est de l'avouer, je veux que ce type paye. Souvent je m'imagine le choper, lui défoncer la gueule, le torturer, même le tuer. Il faudra que je fasse appel à toute ma raison pour ne pas aller jusque-là. Il faut qu'il soit jugé, qu'il parle, qu'il avoue ! Mais, je n'en suis pas encore là...

Sur la route je téléphone à Betty pour savoir s'il y a du nouveau et elle m'annonce qu'une mademoiselle Sedoun a téléphoné. Elle n'a pas laissé de message, juste dit qu'elle rappellerait. Je vois très bien de qui il s'agit mais je suis surpris qu'elle m'ait contacté. J'avais l'intention de le faire parce que je sais pour sa sœur, mais elle ? A-t-elle fait des recherches ? Il y a vingt ans d'écart entre les deux affaires, serait-elle remontée si loin ? Quelqu'un aurait parlé ? Je chasse mes questions ; inutile de se prendre le chou pour rien. Je saurais bien assez vite et pour l'instant ça n'a pas d'importance. Je dois rester concentré et réfléchir à ce que j'ai appris aujourd'hui.

Je m'arrête dans un motel. Ils ont un snack bar qui tombe à pic car la faim que j'ai ignorée jusque-là me tiraille. Je crève la dalle. J'y vais avant même d'avoir posé mes affaires dans la chambre. En même temps ce n'est pas comme si j'avais beaucoup de bagages : seulement un sac de sport avec un change et le strict minimum pour l'hygiène. Le principal est sur moi : bloc-notes, téléphone et arme. Je m'assure justement de bien la dissimuler sous ma veste et choisit une place dans le fond pour satisfaire mon asociabilité. Une serveuse brune pas toute jeune mais avec de beaux restes me propose du café et prend ma commande : steak frites avec un œuf au plat. J'ajoute un milkshake banane pour le dessert, sous ses recommandations. D'ordinaire le sucre ce n'est pas mon truc mais je n'ai pas pu m'empêcher de dire oui, en souvenir de Delia. Penché sur ma tasse de café, je fixe le liquide noir et revoit des images de ma famille sur la route des vacances. Ma sœur prenait toujours des milkshakes banane et boudait quand il n'y en avait pas. Il nous était même arrivé une fois de reprendre la route pour s'arrêter plus loin. Dans ces moments-là elle sortait toujours l'excuse que c'était le rituel des vacances et les parents ne cherchaient pas à argumenter. C'était le bon temps. L'année où elle avait disparu il n'y avait pas eu de vacances évidemment, et pas de milkshake ; les années suivantes non plus.

Tout le long de mon repas solitaire, j'ai l'esprit ailleurs, perdu dans un passé plus que révolu. Ça doit me donner un air mélancolique, du genre vampire ténébreux car je surprends plusieurs fois les serveuses glousser en me regardant, un peu comme ces jeunes filles en fleur dans les films à la mode. Pourquoi je pense à ça ? Parce que Laura m'a forcé à en regarder un avec elle, un vrai calvaire. J'espère juste ne pas avoir l'air aussi constipé que le héros blafard.

Quand je demande l'addition, la brune qui s'est occupée de ma table me demande sans complexe :

— Besoin d'un peu de compagnie ?

Honnêtement, j'hésite. Si l'alcool me fait toujours du bien en cette période, les femmes aussi, mais j'ai du travail. Je lui souris.

— Navré, ma belle, pas ce soir.

Elle hausse une épaule, déçue mais pas vexée. A défaut de passer un moment avec elle, je lui laisse un bon pourboire et file à ma chambre. Mobilier de base, propre, parfaite donc. Je ferme le verrou et tire les rideaux, me retirant du monde un peu plus encore. Enfin, je consens à me détendre un minimum et à prendre une bonne douche.

Quand j'en sors, mon téléphone est en train de sonner. Je me précipite dessus, lâchant la serviette qui cachait ma virilité. Thompson. Je décroche à la dernière sonnerie, de justesse.

Trois fois que je t'appelle.

J'étais sous la douche.

T'aurais pu m'appeler avant...

Je rêve ou tu me fais une crise mon chou ?

Hilarant ! Bon, alors ? T'as avancé avec le légiste ?

— Vaguement. Disons que lorsque j'aurais fait le point sur ce qu'il m'a appris, je cernerais mieux notre gars.

— Ah ouais ? Cool. Parce que les autres ont commencé un profil mais pour l'instant ils ne communiquent pas, ces garces.

Ça t'étonne ?

Non. Demain tu vas toujours voir l'autre ?

Ouais. Je te tiendrais au courant.

T'as intérêt.

Au fait qui a parlé de moi à la sœur de Malika Sedoun ?

Comment ça ?

Elle a téléphoné à mon cabinet aujourd'hui.

— Ah ? Bah écoute, je ne sais pas, je ne l'ai pas rencontrée. Je demanderais à Folk.

Pas de souci.

Je dois te laisser, je suis attendu.

Je souris en comprenant le message.

— Pourquoi tu m'appelles alors ?

—Je m'inquiétais.

— Y'a pas de raison. Bonne soirée, playboy ! Amuse toi pour nous deux !

— J'y compte bien !

Je raccroche et jette le téléphone sur le lit. L'idée de retourner voir la serveuse m'effleure mais je me ravise. J'ai plus important à faire que de tirer mon coup. J'enfile un caleçon et récupère bloc-notes plus stylo avant de m'affaler sur le lit. Je mets un vieil album de Garbage en fond sonore et je relis tout ce que j'ai noté en espérant avoir une révélation, ou une idée faramineuse.

Le sommeil me happe au bout d'une heure à peine.

The scarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant